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Rôle et évolution internationale de léducation financière

Rôle et évolution internationale de léducation financière

L’éducation financière du public doit être encouragée. Cette revendication se fait de plus en plus insistante dans de nombreux pays et à l’échelon international. Si les attentes placées dans ce domaine semblent parfois exagérées, des mesures destinées à promouvoir les compétences financières de la population compléteraient avantageuse-ment l’aspect réglementaire. Des projets réalistes et efficaces doivent voir le jour, ce qui suppose d’intensifier la recherche – encore embryonnaire – sur les conséquences qu’auraient une amélioration de l’éducation financière du public.

Les appels à développer l’éducation financière


De nombreux programmes et initiatives destinés à promouvoir l’éducation financière ont été lancés au cours des dernières années aux quatre coins de la planète. La tendance s’est encore accentuée depuis la dernière crise financière. L’objectif est de développer les compétences financières de larges franges de la population (voir encadré 1

Culture financière


La culture financière englobe les compétences de base en matière de gestion financière (voir graphique 1). Elle couvre les champs d’applica-tion suivants: gagner de l’argent, dépenser de l’argent, s’endetter, épargner et investir, gérer les risques (se protéger contre les risques). Ce découpage se rapproche de modèles existant aux États-Unis notamment. Disposer de connaissances financières est une chose. Encore faut-il pouvoir et vouloir les utiliser pour résoudre des problèmes concrets. Cela requiert du savoir (connaissances), des aptitudes (capacités) et des attitudes (volonté), auxquels s’ajoutent des compétences techniques, sociales et personnellesa. Les compétences financières se prêtent aussi à la classification suivante:− connaissances financières de nature conceptuelle et institutionnelle (principes, produits et institutions);− aptitudes en mathématiques et dans le maniement des nombres («numeracy»);− discipline dans l’application des décisions prises (autocontrôle);− intelligence intuitive en matière financière («survival skills»).Les compétences qui se prêtent à un développement scolaire sont avant tout celles du premier groupe et, dans une moindre mesure, celles du deuxième. Il semble déjà plus difficile d’exercer une influence sur la discipline financière. Cela suppose de prendre des mesures pouvant aller jusqu’à l’allocation d’un «coach» personnel. Pour ce qui est de l’intelligence intuitive, elle est probablement relativement répandue dans les milieux à bas niveau de formation – peut-être même plus qu’ailleurs.

a Classification s’inspirant de D. Euler et A. Hahn, Wirtschaftsdidaktik, 2e édition, 2007, UTB Haupt Verlag, Berne.). D’innombrables institutions publiques et privées s’y emploient dans le monde entier: organisations internationales, banques centrales, ministères des Finances ou de l’Éducation, prestataires de services financiers, fondations d’utilité publique, etc.Comment expliquer ce phénomène? Qu’espère-t-on au juste d’une amélioration de l’éducation financière du public? Parmi ceux qui conçoivent avant tout l’éducation comme un bien noble ou même un droit fondamental, la question de l’utilité paraîtra peut-être hors de propos. Les partisans d’un renforcement de l’éducation financière en attendent, pour leur part, toute une série dissues positives. Ils insistent en premier lieu sur l’importance – grandissante – que les compétences financières jouent au quotidien. Mieux formés, les citoyens seront également mieux armés pour prendre des décisions réfléchies et appropriées, que ce soit en qualité de consommateurs, d’investisseurs, de preneurs de crédit ou d’assurance, de propriétaires immobiliers, d’entrepreneurs, d’employés ou autres. Cette question prend de plus en plus d’importance à l’heure où la gamme des produits financiers ne cesse de se diversifier et de se complexifier. On observe également, à l’échelon international, une tendance à accorder une plus grande marge de manœuvre aux individus en matière de prévoyance professionnelle, ce qui constitue un report des risques.Autre argument invoqué: l’économie pourrait profiter de l’adoption généralisée de comportements individuels plus prudents et réfléchis en matière financière. Entre autres effets positifs, l’endettement privé pourrait reculer et les cas de fraude diminuer. Au final, les marchés financiers gagneraient en efficience et en stabilité. De plus, l’investissement et la croissance économique seraient dopés en cas d’augmentation du taux d’épargne.

La question des effets


Ces attentes sont-elles réalistes? Une meilleure éducation financière du public est-elle vraiment suivie d’effets? Cette dernière question peut être décomposée en sous-questions (voir graphique 2). On peut d’abord se demander si les personnes qui bénéficient de mesures éducatives améliorent automatiquement leur culture financière. La réponse ne va pas de soi. Si nous supposons que ce lien existe, une deuxième question, tout aussi intéressante, se pose alors: une meilleure culture financière se traduit-elle par une modification des comportements individuels? Et, dans l’affirma-tive, en résulte-t-il des effets positifs significatifs sur le plan économique (augmentation de l’efficience des marchés financiers, par exemple)?La «branche» de l’éducation financière l’admet de plus en plus: ces questions devront être examinées avec soin dans le cadre d’études d’impact. Un problème majeur réside dans la difficulté à définir ce qu’est un comportement «compétent». La situation de l’individu concerné et ses caractéristiques personnelles – sa propension à prendre des risques, par exemple – déter-minent dans une large mesure si les décisions qu’il prend en matière financière peuvent être qualifiées d’appropriées ou non. S’en tenir à des règles simples telles que «s’endetter est une mauvaise chose» serait réducteur. Ce domaine de recherche est encore embryonnaire, mais de premiers résultats empiriques montrent que l’éducation financière peut renforcer certaines compétences et influencer les comportements (voir encadré 2

Éducation financière et propension à l’épargne


L’éducation financière conduit-elle les individus à mieux planifier leurs besoins financiers et à épargner davantage? C’est cet aspect qui a fait l’objet des recherches les plus abondantes à ce jour, du fait probablement que l’impact espéré – une épargne plus forte – est relativement simple à mesurer. La question suscite surtout un fort intérêt aux États-Unis, pays où la propension à épargner n’est guère développée. Le professeur d’économie Annamaria Lusardi a montré dans plusieurs études que les personnes qui se livrent à une planification financière disposent effectivement d’une épargne plus importante. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les personnes qui planifient leurs besoins financiers sont aussi celles qui gagnent le mieux leur vie et qu’elles sont donc en mesure d’épargner davantage. Des travaux de recherche montrent, toutefois, que les personnes qui procèdent à une planification financière possèdent effectivement une fortune plus élevée que les autres (de 20% en moyenne) et ce, après élimination des biais liés au revenu, au niveau de formation et à l’âge. D’autres travaux confirment un lien positif entre les connaissances financières, les activités de planification financière et le niveau de l’épargnea. Il reste à savoir s’il est souhaitable que les gens épargnent davantage. La réponse va-riera d’un individu à l’autre. Accumuler de l’épargne n’est pas indiqué en toute circonstance, ni dans toutes les phases de la vie. En revanche, il ne peut être que bénéfique de planifier ses besoins financiers à long terme.

a Pour une vue d’ensemble, voir A. Lusardi, Household Saving Behavior: The Role of Financial Literacy, Information, and Financial Education Programs, NBER Working Paper 13824, 2008.).

Gare aux interprétations simplistes


Certaines attentes n’en sont pas moins excessives et certains arguments tendent à être repris sans trop d’esprit critique. C’est que les milieux qui défendent des causes louables – et l’éducation financière en est une – ont toujours aussi des intérêts économiques propres. Illustrons cette problématique par un exemple. Une étude réalisée aux États-Unis a montré que seuls 26% des ménages gagnant moins de 25 000 USD par an sont en mesure d’accumuler une épargne suffisante pour faire face à leurs dépenses courantes pendant trois mois ou plus s’ils venaient à perdre leur source de revenu
Voir Finra Investor Education Foundation, National Financial Capability Study, 2009.. Or, il s’avère que ces ménages ont un niveau de connaissances financières inférieure à la moyenne. On croit souvent pouvoir en conclure quils épargneraient davantage s’ils bénéficiaient d’une meilleure éducation financière. Cette conclusion correspond peut-être à la réalité, mais l’étude n’autorise pas à la tirer: elle n’établit aucun lien de causalité entre éducation financière et propension à l’épargne. Les résultats montrent seulement – ce qui est assez banal – que les personnes à bas revenu tendent à moins économiser et que leur niveau de connaissances est plus faible.

Une contribution à la prévention des crises?


La thèse selon laquelle le niveau insuffisant des connaissances en matière financière serait à l’origine de la dernière crise financière mondiale est également contestée. Des études réalisées principalement aux États-Unis montrent, toutefois, que les personnes en situation financière précaire tendent à contracter davantage de dettes et que les propriétaires immobiliers qui bénéficient de conseils indépendants rencontrent plus rarement des difficultés de paiement
Voir notamment Lusardi A. et Tuffano P., Debt Literacy, Financial Experiences, and Overindebtedness, NBER Working Paper 14808, 2009.. De ces résultats, on semble pouvoir conclure que les personnes contractent des dettes de façon plus prudente lorsqu’elles ont des connaissances financières. Une meilleure éducation en ce domaine n’aurait sans doute pas suffi à éviter la crise hypothécaire aux États-Unis, mais elle l’aurait probablement atténuée. C’est, du moins, un point de vue que l’on peut défendre.Cela dit, les causes de la dernière crise financière sont multiples: systèmes d’incitation erronés, mauvaise gestion, réglementation ou mesures de politique économique (promotion de la propriété du logement, par exemple) inadéquates, etc. Au regard de cette complexité, on peut douter que le développement de l’éducation financière présente un potentiel important. Si même des spécialistes bancaires de premier plan ne semblent pas capables de comprendre les produits financiers modernes, comment l’homme de la rue le pourrait-il? D’un autre côté, le renforcement de la culture financière n’implique pas que tout un chacun sache déchiffrer des produits complexes. L’objectif est de promouvoir la compréhension de principes élémentaires, celui voulant, par exemple, qu’il n’est pas possible de réaliser un rendement mirobolant sans prendre de risques – et ce, quel que soit le degré de raffinement du produit financier choisi.

Éduquer ou aiguiller


L’éducation financière est souvent présentée comme un complément à la réglementation des marchés. On peut y voir aussi des approches qui s’excluent mutuellement: plus l’éducation financière est développée, moins il sera nécessaire de réglementer et vice versa. Les auteurs américains Richard Thaler et Cass Sunstein défendent un point de vue qui cherche à concilier les deux approches
Voir Thaler R. et Sunstein C., Nudge – Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness, Penguin Books, 2009.. Les êtres humains tendent, par nature, à privilégier les solutions confortables et à faire des erreurs. Toutefois, la liberté de décision des individus est un bien précieux. Les dispositifs normatifs devraient donc être conçus de façon à ce que les individus conservent leur liberté de choix, mais que leurs comportements quotidiens soient aiguillés («nudge» en anglais) en douceur dans la bonne direction. Exemple d’application de cette approche: la solution de prévoyance standard d’une entreprise prévoit le versement de contributions périodiques dans un fonds de placement largement diversifié. Les collaborateurs qui le souhaitent pourraient, toutefois, en sortir et investir leur argent de façon plus risquée ou seulement le garder sous leur matelas.Ainsi, ceux qui optent pour la facilité seront automatiquement aiguillés vers la solution la plus raisonnable. Il n’y a pas grand-chose à objecter à une telle approche, mais elle a ses limites. Il n’est pas certain que les comportements individuels puissent toujours être aiguillés dans une direction raisonnable lorsque la situation est complexe; et surtout: qui décide de ce qui est raisonnable? Vu sous cet angle, miser sur le développement des compétences financières individuelles semble aller davantage de pair avec le maintien des libertés individuelles et l’innovation au sein de la société.

Le rôle moteur de l’OCDE


Les instances internationales se sont saisies depuis longtemps du thème de l’éducation financière, qu’elles traitent conjointement avec la question de la protection des consommateurs et celle de l’«inclusion financière» (voir encadré 3

L’«inclusion financière»


L’éducation financière peut contribuer dans une mesure importante à améliorer l’«inclusion financière», à savoir l’accessibilité des services bancaires et des marchés financiers pour l’ensemble de la population. L’accès aux services financiers ne va pas de soi dans les pays en développement ou émergents, ni même dans certains pays industrialisés. Une vaste étudea a montré qu’aux États-Unis 7,7% des adultes n’ont pas de relation bancaire et que 18% sont «sous-bancarisés» («underbanked»), ce qui signifie qu’ils n’utilisent quasiment pas leur compte bancaire pour effectuer des transactions financières.

a National Survey of Unbanked and Underbanked Households, Federal Deposit Insurance Corporation, 2009.). En novembre 2010, lors du sommet de Séoul, les dirigeants des pays du G20 ont manifesté leur intention de renforcer la protection des consommateurs en recourant notamment à des mesures en matière d’éducation. La tâche d’examiner le rôle de l’éducation financière dans le domaine de la protection des consommateurs a été confiée au Conseil de stabilité financière (CSF), qui coordonne les travaux au niveau international. Pour sa part, la Banque mondiale a créé en 2008 le Trust Fund on Financial Literacy and Education. Soutenu par le ministère des Finances russe à hauteur de 15 millions d’USD, ce fonds développe des outils pour mesurer les compétences financières et évalue certains programmes.L’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) est l’organisme international le plus actif sur le terrain de l’éducation financière. Elle a lancé un vaste projet dans ce domaine dès 2003. Ce projet a débouché en 2005 sur l’adoption par le Conseil de l’OCDE de principes directeurs et de recommandations appelant les pays membres à intensifier leurs efforts en matière d’éducation financière. L’OCDE considère que l’éducation financière contribue à de bonnes conditions-cadres économiques et qu’elle complète la réglementation des marchés financiers. L’organisation recommande que l’éducation financière débute dès l’école obligatoire.L’OCDE est aussi à l’origine du Réseau international sur l’éducation financière (Infe), créé en 2008 dans le but de promouvoir la recherche, le développement et la coopération internationale dans ce domaine. Plus de 150 institutions du secteur public provenant de 77 pays en font partie à l’heure actuelle. Il s’agit notamment de banques centrales, de nombreux ministères des Finances ou de l’Éducation et d’autorités de surveillance des marchés financiers ou de protection des consommateurs. La Suisse est notamment représentée à lInfe par le Secrétariat dÉtat aux questions financières internationales et la Banque nationale.

Stratégies nationales et autorités compétentes ad hoc


L’intérêt croissant que suscite l’éducation financière se manifeste aussi à l’échelle des nations. De nombreux pays ont créé au cours des dernières années des autorités chargées expressément de promouvoir l’éducation financière. Mentionnons par exemple le Financial Advice Service en Angleterre, l’Agence de la consommation en matière financière au Canada,l’Institut pour l’éducation financière du public en France ou encore l’Office for Financial Education and Financial Access, rattaché au ministère des Finances des États-Unis.Des pays tels que le Brésil et l’Italie mènent des expériences pilotes systématiques en vue d’introduire un enseignement financier dans le cursus scolaire. La Nouvelle-Zélande, quant à elle, a élaboré une stratégie nationale en matière d’éducation financière qui fait figure de modèle au niveau international. Enfin, la Commission européenne a institué un groupe d’experts permanent sur ce thème. Elle a aussi mis en ligne un support d’enseignement, organise des conférences et réalise des études sur la question.

La situation en Suisse


Par rapport à d’autres pays, la Suisse fait preuve d’une certaine réserve en ce qui concerne l’éducation financière. Certes, des acteurs privés, des services spécialisés dans le désendettement et la Banque nationale proposent aux écoles et au public des offres de formation qui intègrent des thèmes financiers
Voir l’article d’Andreas Hieber, Bernhard Probst et Stephan Wütrich, pp. 61-65 de ce numéro.. La Suisse n’a, toutefois, pas de stratégie nationale en matière d’éducation financière, ni d’autorité expressément compétente en la matière. Il n’existe pas non plus d’enquêtes, d’expériences scolaires pilotes ou de campagnes menées à large échelle en Suisse. L’éducation financière ne fait pas partie des programmes scolaires, ce qui explique que la Suisse ne participe ni à l’étude pilote de l’OCDE, ni au module facultatif de l’étude Pisa consacré à la culture financière prévu en 2012.La retenue qui prévaut en Suisse peut s’expliquer de diverses façon. Elle n’est que marginalement affectée par certaines tendances qui jouent un rôle déterminant dans le débat sur l’éducation financière. L’un des arguments avancés en faveur de l’éducation financière est qu’elle permet de transférer aux individus des décisions concernant leur prévoyance. Or la Suisse se distingue de nombreux pays en la matière. Son système n’offre qu’une faible marge de manœuvre dans le Ier pilier et dans la partie obligatoire du IIe pilier, du moins aux personnes qui exercent une activité lucrative dépendante. Dans ce contexte, développer les compétences financières aurait moins de sens. Il n’y a pas lieu non plus de craindre que les gens n’épargnent (en moyenne) pas assez en Suisse: une partie de la prévoyance y est obligatoire, et la culture de l’épargne y est plus développée que dans les pays anglo-saxons.En revanche, l’endettement excessif au niveau individuel constitue, en Suisse, une source de préoccupation. Ainsi, la Commission de l’économie et des redevances (CER) du Conseil national a récemment adopté une initiative parlementaire qui exige que les organismes de petit crédit affectent à la prévention une partie de leur chiffre d’affaires. De plus, une motion de la commission réclame la mise en place de statistiques sur l’endettement des ménages et des jeunes.

Une jungle de revendications et des branches scolaires en concurrence


La structure fédéraliste du système éducatif joue également un rôle en Suisse, en ce sens quelle inhibe l’émergence de stratégies et d’acteurs à l’échelon national. En outre, les écoles sont déjà bombardées par les revendications les plus diverses – plus d’intégration, développement de la prévention contre la dépendance, apprentissage précoce de l’anglais, revalorisation des sciences naturelles, le tout sans nuire aux autres branches, évidemment. La Suisse n’est pas le seul pays où l’école est confrontée à une jungle de revendications et où les branches scolaires sont en concurrence. Dans ce contexte, l’une des approches discutée au niveau international est d’intégrer l’éducation financière dans des branches déjà enseignées, comme les mathématiques. Le cas échéant, il s’agirait de veiller à ce que les enseignants concernés aient accès à une formation de base et à une formation continue adéquates.Les efforts consentis jusqu’ici pour promouvoir l’éducation financière en Suisse sont relativement modestes. Certains y verront un manquement coupable, d’autres une modération de bon aloi. Poursuivre une voie moyenne constituerait sans doute la stratégie la plus avisée: accorder à l’éducation financière l’attention qu’elle mérite sans en attendre des résultats irréalistes. Les mesures envisagées dans le domaine éducatif compléteraient celles prises en matière de réglementation.

Graphique 1: «Culture financière: le cube des compétences»

Graphique 2: «Les interrogations concernant les effets de l’éducation financière»

Encadré 1: Culture financière

Culture financière


La culture financière englobe les compétences de base en matière de gestion financière (voir graphique 1). Elle couvre les champs d’applica-tion suivants: gagner de l’argent, dépenser de l’argent, s’endetter, épargner et investir, gérer les risques (se protéger contre les risques). Ce découpage se rapproche de modèles existant aux États-Unis notamment. Disposer de connaissances financières est une chose. Encore faut-il pouvoir et vouloir les utiliser pour résoudre des problèmes concrets. Cela requiert du savoir (connaissances), des aptitudes (capacités) et des attitudes (volonté), auxquels s’ajoutent des compétences techniques, sociales et personnellesa. Les compétences financières se prêtent aussi à la classification suivante:− connaissances financières de nature conceptuelle et institutionnelle (principes, produits et institutions);− aptitudes en mathématiques et dans le maniement des nombres («numeracy»);− discipline dans l’application des décisions prises (autocontrôle);− intelligence intuitive en matière financière («survival skills»).Les compétences qui se prêtent à un développement scolaire sont avant tout celles du premier groupe et, dans une moindre mesure, celles du deuxième. Il semble déjà plus difficile d’exercer une influence sur la discipline financière. Cela suppose de prendre des mesures pouvant aller jusqu’à l’allocation d’un «coach» personnel. Pour ce qui est de l’intelligence intuitive, elle est probablement relativement répandue dans les milieux à bas niveau de formation – peut-être même plus qu’ailleurs.

a Classification s’inspirant de D. Euler et A. Hahn, Wirtschaftsdidaktik, 2e édition, 2007, UTB Haupt Verlag, Berne.
Encadré 2: Éducation financière et propension à l’épargne

Éducation financière et propension à l’épargne


L’éducation financière conduit-elle les individus à mieux planifier leurs besoins financiers et à épargner davantage? C’est cet aspect qui a fait l’objet des recherches les plus abondantes à ce jour, du fait probablement que l’impact espéré – une épargne plus forte – est relativement simple à mesurer. La question suscite surtout un fort intérêt aux États-Unis, pays où la propension à épargner n’est guère développée. Le professeur d’économie Annamaria Lusardi a montré dans plusieurs études que les personnes qui se livrent à une planification financière disposent effectivement d’une épargne plus importante. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les personnes qui planifient leurs besoins financiers sont aussi celles qui gagnent le mieux leur vie et qu’elles sont donc en mesure d’épargner davantage. Des travaux de recherche montrent, toutefois, que les personnes qui procèdent à une planification financière possèdent effectivement une fortune plus élevée que les autres (de 20% en moyenne) et ce, après élimination des biais liés au revenu, au niveau de formation et à l’âge. D’autres travaux confirment un lien positif entre les connaissances financières, les activités de planification financière et le niveau de l’épargnea. Il reste à savoir s’il est souhaitable que les gens épargnent davantage. La réponse va-riera d’un individu à l’autre. Accumuler de l’épargne n’est pas indiqué en toute circonstance, ni dans toutes les phases de la vie. En revanche, il ne peut être que bénéfique de planifier ses besoins financiers à long terme.

a Pour une vue d’ensemble, voir A. Lusardi, Household Saving Behavior: The Role of Financial Literacy, Information, and Financial Education Programs, NBER Working Paper 13824, 2008.
Encadré 3: L’«inclusion financière»

L’«inclusion financière»


L’éducation financière peut contribuer dans une mesure importante à améliorer l’«inclusion financière», à savoir l’accessibilité des services bancaires et des marchés financiers pour l’ensemble de la population. L’accès aux services financiers ne va pas de soi dans les pays en développement ou émergents, ni même dans certains pays industrialisés. Une vaste étudea a montré qu’aux États-Unis 7,7% des adultes n’ont pas de relation bancaire et que 18% sont «sous-bancarisés» («underbanked»), ce qui signifie qu’ils n’utilisent quasiment pas leur compte bancaire pour effectuer des transactions financières.

a National Survey of Unbanked and Underbanked Households, Federal Deposit Insurance Corporation, 2009.

Proposition de citation: Michael Manz (2011). Rôle et évolution internationale de léducation financière. La Vie économique, 01 juin.