La coopération économique au développement du Seco: les nouveaux défis
Un contexte économique en mutation avec la crise
La crise économique et financière a fortement modifié le contexte international depuis l’adoption du dernier message sur la coopération économique au développement, daté de 2008. Des leçons en ont été tirées, permettant d’adapter le cadre d’intervention du Seco. La crise a, ainsi, montré qu’une plus grande intégration économique comporte des risques, mais encore davantage d’opportunités. Cette dichotomie apparente se retrouve dans le commerce international: après avoir été la première «victime» de la récession induite par la crise financière, il a constitué un canal primordial pour la reprise, notamment grâce à une forte demande des pays émergents et au dynamisme du commerce Sud-Sud.En ce qui concerne les mouvements de capitaux, les taux d’intérêt historiquement bas qui ont suivi la crise dans les pays développés ont dévié une partie significative des flux financiers vers les pays émergents. Les investissements dans les pays les plus pauvres se sont par contre réduits, ce qui a asséché le financement d’infrastructures vitales. Ces dernières années, la situation financière et économique a été marquée par des flux financiers volatils, des crises liées à l’endettement, des tensions sur les prix des matières premières et des denrées alimentaires, et une disparité grandissante entre pays. Ces risques soulignent l’importance pour la Suisse de soutenir les réformes structurelles des pays partenaires, nécessaires à une diversification des sources de croissance.En effet, nombre de pays en développement doivent engager une nouvelle série de réformes visant à améliorer la productivité et la compétitivité de leurs économies, ce qui leur permettra de franchir de nouveaux paliers de croissance, générer des emplois et réduire durablement leur niveau de pauvreté et d’inégalité. Même si d’un point de vue global, les agrégats budgétaires (déficits et dettes publics) des pays émergents et en développement ont évolué de façon moins défavorable que pour les pays avancés, la marge de manœuvre des politiques publiques demeure extrêmement limitée pour beaucoup d’entre eux, ce qui les contraint à améliorer la gestion de leurs ressources publiques.
Des perspectives de développement alourdies par les tendances à court terme
Outre les défis posés par les réponses données à la crise économique et financière, toute stratégie en matière de coopération économique doit intégrer certaines tendances lourdes. En premier lieu – et c’est un élément clé pour les mesures de coopération économique et commerciale du Seco –, la mondialisation financière et commerciale devrait se poursuivre, même si l’ombre du protectionnisme tend à s’étendre, en raison notamment des difficiles négociations à l’OMC. Les centres de pouvoir se déplacent dans les organisations financières et économiques internationales, en particulier au profit des grands pays émergents membres du G20. La question majeure est de savoir si cette mondialisation progressera sur la base d’un faisceau de règles et de normes applicables à tous, ou si l’émergence de nouveaux pôles de pouvoir économique se fera de façon moins ordonnée et transparente. Ces mouvements de fond affectent également la gouvernance et l’architecture financière de la coopération au développement. Afin que la Suisse puisse continuer à trouver sa place dans ce nouvel ordre, le volet multilatéral de sa coopération – qui se discute en particulier dans le cadre des institutions financières internationales – revêt une importance particulière.La Suisse continuera de s’engager en faveur d’un renforcement de la gouvernance économique internationale, notamment par le développement de règles et standards visant une croissance et des échanges durables du point de vue environnemental, social et financier. Cela aura des répercussions sur la coopération économique dans la mesure où les pays en développement auront besoin de soutien pour participer lors de la phase d’application.Une partie importante de ce nouveau cadre réglementaire concernera la mondialisation financière. À ce titre, après le ralentissement des flux d’investissements lors de la crise, les mouvements de capitaux devraient continuer à se développer pour constituer un potentiel important de financement du développement. La coopération économique du Seco prend ce facteur en compte pour que les aides publiques – qui resteront relativement modestes par rapport aux autres flux financiers – puissent jouer un rôle de levier par rapport aux flux privés de capitaux, grâce notamment à un renforcement des conditions-cadres pour l’investissement.La mondialisation s’accompagne, en outre, d’une pression toujours forte sur les ressources naturelles et donc sur le climat et l’environnement , ce qui pose des risques à long terme. Sur ces thèmes aussi, la coopération économique au développement a un rôle à jouer, pour satisfaire ses objectifs en matière de croissance durable: elle doit promouvoir une meilleure utilisation des ressources et donc favoriser le transfert de technologies minimisant les impacts environnementaux et climatiques. De même, la coopération économique du Seco s’engagera pour que les bénéfices à court terme émergeant de l’exploitation des ressources minières et pétrolières soient investis dans une perspective à long terme, prenant en compte les besoins des générations futures. Finalement, du point de vue social, les disparités sont un thème important à prendre en compte. Les récents événements politiques en Afrique du Nord montrent que la croissance, bien que soutenue, ne s’y est pas traduite par des emplois, laissant la voie libre aux tensions et phénomènes d’instabilité. D’autres analyses démontrent qu’une augmentation trop marquée de l’inégalité des revenus peut être source de risques et de déséquilibres, ce qui fut le cas lors de la crise financière. Parmi les leçons que la coopération économique au développement tire de ces événements figure l’importance de placer l’emploi productif au centre des préoccupations. De même, les disparités régionales au sein des pays faisant face à une urbanisation parfois désordonnée seront un thème important dans la stratégie de coopération du Seco.
Une croissance au service de la lutte contre la pauvreté et les disparités
La coopération internationale au développement est subordonnée à deux lois fédérales – sur l’aide au développement et la coopération avec l’Est – dont l’objectif général est la réduction de la pauvreté et des disparités dans un contexte économique régi par les principes de l’économie de marché. La politique économique et commerciale suivie par le Seco répond à ces principes et contribue à intégrer durablement les pays partenaires dans l’économie mondiale, en favorisant la mise en place de conditions-cadres nationales propices à l’investissement privé. L’accès aux marchés internationaux permet aux pays partenaires d’emprunter des sentiers de croissance soutenus, lesquels sont nécessaires pour envisager une réduction de la pauvreté et des disparités.La croissance seule ne suffit, toutefois, pas. Pour qu’elle profite au plus grand nombre, il faut qu’elle s’accompagne d’une amélioration de l’emploi productif. En d’autres termes, la croissance doit être à la fois quantitative – elle doit générer de nouveaux emplois pour l’ensemble de l’économie – et qualitative, puisqu’elle doit aller de pair avec une hausse de la productivité du travail synonyme de croissance des revenus pour le plus grand nombre. La diversification des sources de croissance et des marchés performants – notamment ceux du travail – sont à cet égard des ingrédients importants du succès.
Profiter des chances de la mondialisation…
L’objectif de la politique économique et commerciale suivie par le Seco est, d’une part, de permettre aux pays partenaires d’intégrer l’économie mondiale et, d’autre part, de renforcer la compétitivité de leurs économies pour qu’elles puissent profiter des opportunités offertes par la mondialisation.Pour parvenir à ce résultat, le centre de prestations Coopération et développement économiques s’attache à renforcer la compétitivité de la place économique des pays partenaires, en encourageant notamment l’investissement privé domestique et étranger. Cet objectif passe par un accès amélioré aux marchés, une utilisation durable des facteurs de production (matières premières, énergie, eau) et des conditions-cadres stables et prévisibles pour les acteurs économiques.Le niveau d’investissement générateur de croissance durable dépend de son rendement et des disponibilités financières. Ces contraintes pèsent, in fine, sur la compétitivité des économies et concernent généralement les points suivants:− État: gouvernance économique, transparence et efficacité dans la gestion des ressources publiques et de la fiscalité, stabilité des politiques financières (politique monétaire, budgétaire, réglementation des marchés financiers);− entreprises: coût des affaires, contraintes microéconomiques sur l’investissement (régime de propriété, asymétries d’information, corruption, taxation, etc.), accès au financement pour les entreprises;− durabilité des infrastructures et facteurs de production (matières premières, eau, énergie) ainsi que des politiques d’urbanisation;− accès aux marchés internationaux de biens et de services;− promotion d’une croissance durable du point de vue climatique et environnemental, notamment par l’accès aux technologies «vertes».
… et en atténuer les risques
La mondialisation comporte, par ailleurs, un certain nombre de risques, tant au niveau national (coûts associés aux transformations structurelles, externalités négatives) que mondial. Le Seco travaille à en réduire la portée et à renforcer la durabilité des flux d’investissements et de commerce. Pour remplir ces objectifs, le secrétariat d’État, en collaboration avec d’autres offices, œuvre en faveur de la stabilité financière internationale et d’un cadre réglementaire et normatif pour le commerce international, répondant à des objectifs environnementaux et sociaux et visant une réduction coordonnée du risque climatique.
Les priorités du Seco
Pour répondre à ces défis, tout en maximisant ses ressources, la coopération économique au développement du Seco choisit de se concentrer sur cinq thèmes prioritaires:1. Le renforcement des politiques économiques et financières des États partenaires.2. Un meilleur accès aux services d’infrastructures (eau, énergie, transports), notamment en milieu urbain.3. La promotion des conditions-cadres structurelles pour le développement du secteur privé dans les pays d’intervention.4. La promotion du commerce international et des technologies de production durables.5. Le développement de mécanismes favorisant la protection des ressources naturelles et du climat, dans le respect de l’économie de marché.Cette concentration thématique reflète les compétences clés liées au mandat général conféré au Seco. Elle reflète les exigences de la politique économique suisse. Le centre de prestations Coopération et développement économiques mise ainsi sur un renforcement des conditions-cadres qui obéisse à une logique de politique publique respectueuse des principes de l’économie de marché et fausse le moins possible les mécanismes d’allocation des ressources. Les interventions de la coopération économique au développement du Seco auront ainsi pour but de corriger:− une défaillance de marché: les mesures prises en matière de politique économique et commerciale peuvent, par exemple, réduire les risques de défaillance de marchés, en diffusant les bonnes pratiques relatives à l’internalisation des coûts externes, à la réglementation de la concurrence ou à la transparence des informations;− une défaillance réglementaire ou de politique économique
Si les défaillances de marché sont définies de façon relativement standardisée (externalités et biens publics, dominance de marchés et asymétries d’informations), il n’existe pas de «définition de manuel» des défaillances politiques. Elles peuvent concerner l’objectif (économique) ou le processus de mise en œuvre (y compris lorsque l’objectif est socialement bénéfique).: un appui est accordé aux pays partenaires pour que leurs services publics gagnent en efficience et que leurs politiques de taxation, de subventionnement ou de réglementation produise le moins de distorsions possibles.
Accorder la coopération au développement avec la politique de croissance
Le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE examine régulièrement les politiques de développement de ses membres et la cohérence quelles présentent avec leurs politiques économiques et commerciales. Les mesures adoptées par la coopération économique du Seco respectent en particulier la cohérence entre les objectifs de politique extérieure et la stratégie de politique économique extérieure du Conseil fédéral (voir graphique 2). Cette dernière a pour motivation principale de soutenir la croissance économique en Suisse, par un plus grand accès au commerce mondial. La stratégie du commerce extérieur repose sur trois piliers:− l’accès aux marchés étrangers;− l’accès au marché intérieur;− l’intégration de davantage de pays dans l’économie mondiale.Les mesures de politique économique et commerciale du Seco contribuent à la mise en œuvre du troisième pilier de cette stratégie. L’objectif final de la stratégie (croissance soutenue et durable en Suisse) est cohérent avec les objectifs des lois régissant la coopération internationale, dans la mesure où l’intégration des pays partenaires, y compris les plus pauvres, est positive en terme de gains de bien-être pour ces pays et pour la Suisse. La mise en œuvre de la stratégie doit donc permettre d’atteindre un équilibre gagnant-gagnant.De même, le Seco s’engage à renforcer la cohérence avec la politique commerciale de la Suisse, en tenant notamment compte des objectifs de développement et de durabilité dans les négociations multilatérales et bilatérales. Ce parallélisme se retrouve au niveau du dialogue politique. À titre d’exemple, la coopération économique au développement est cohérente avec la politique de croissance suisse 2008–2011 mise en œuvre par le Seco et dont les trois piliers sont:− lamélioration du fonctionnement de l’économie de marché;− la promotion de la place économique (accès aux marchés internationaux, réformes des services d’infrastructures, réduction des barrières administratives, politique fiscale et budgétaire);− le renforcement du niveau de participation au marché du travail (mobilité, formation, pérennité des assurances sociales).Ces objectifs, en particulier les deux premiers, correspondent clairement aux priorités de la coopération économique au développement. Le Seco se concentre, en effet, sur l’amélioration des conditions de concurrence et de marché dans les pays partenaires: il facilite, par exemple, le financement d’un grand nombre d’entreprises ou contribue à mettre tous les acteurs économiques sur un pied d’égalité.En conclusion, la stratégie proposée pour la coopération au développement comportera, dans son volet économique, un cadre d’intervention répondant aux défis actuels du développement. Il se concentrera sur les compétences prouvées du Seco et sera cohérent avec la politique économique de la Suisse en général.
Graphique 1: «Les objectifs du Seco dans la coopération au développement»
Graphique 2: «L’encadrement stratégique du développement à la Confédération»
Tableau 1: «Exemples d’interventions de la coopération économique du Seco»
Proposition de citation: Bernasconi, Jean-Luc (2011). La coopération économique au développement du Seco: les nouveaux défis. La Vie économique, 01. juillet.