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Une politique de l’alcool cohérente pour le bien de l’individu et de la société

Une politique de l’alcool cohérente pour le bien de l’individu et de la société

Beuveries juvéniles («binge drinking»), «botellones», vandalisme, détritus: voilà seulement quelques-uns des mots qui se rattachent à l’alcool et qui sont souvent repris par les médias. Le projet du Conseil fédéral qui veut donner la priorité à la protection de la jeunesse semble, dès lors, le bienvenu. Ce credo ne suffit toutefois pas pour prévenir les addictions, car les effets néfastes d’une consommation problématique et de la dépendance à l’al-cool concernent tout le monde: les jeunes comme les vieux, les familles, la société et l’économie. C’est pour cette raison que la Coordination politique des addictions (NAS-CPA) demande avant toute chose que la révision de la loi sur l’alcool présente davantage de cohérence.

Un produit d’agrément, mais aussi d’addiction


L’alcool est considéré par une grande partie de la population comme un produit d’agrément, faisant partie de la culture helvétique. Il est aussi une drogue dont la consommation peut avoir des conséquences dommageables pour les consommateurs et leurs tiers. Chez les jeunes, le problème se situe surtout au niveau des beuveries occasionnelles. Tous les jours, une moyenne de six adolescents ou jeunes adultes sont admis à l’hôpital pour abus d’alcool. La consommation chronique s’accroît, elle, avec l’âge. La consommation problématique et la dépendance à l’alcool ont des répercussions né- fastes dans divers domaines: elles sont synonymes de charge psychique, physique et financière pour le consommateur et son environnement social, génèrent des coûts économiques, sont à l’origine de nombreux accidents de la circulation et peuvent mettre en péril la sécurité et l’ordre public
Groupe de pilotage Défi addictions, Fondements d’une approche durable de la politique des addictions en Suisse, 2010, Berne, p. 79..

Veiller aux coûts économiques


Les coûts pour la communauté de l’abus d’alcool ont été estimés pour l’année 2000 à 6,7 milliards, soit 1,7% du produit intérieur brut. Ils se composent de coûts directs (santé, dégâts matériels, police et justice), indirects (perte de main-d’œuvre pour cause d’accident, de maladie, d’invalidité ou de décès) et immatériels (pertes en qualité de vie)
Jeanrenaud Claude, Widmer Gaëlle et Pellegrini Sonia, Le coût social de la consommation de drogues illégales en Suisse, Neuchâtel, 2005 p. 6.. La société a un intérêt économique à réduire ces coûts. Cela pourrait se faire à travers une augmentation du prix de l’alcool. Comme les producteurs et les distributeurs de boissons alcoolisées n’ont aucun intérêt à assumer les coûts sociaux, c’est au politique d’y veiller à travers les taxes pour compenser les effets externes de l’alcool.

Seule la cohérence peut conduire une politique en matière d’alcool à son terme


Les comptes économiques le démontrent clairement: la politique en matière d’alcool ne doit pas seulement considérer la responsabilité privée, mais aussi celle de la société. C’est cette dernière qui établit les conditions dans lesquelles les produits d’addiction sont consommés, elle est donc également responsable de la santé de tous. La NAS-CPA considère que le principal critère d’une politique en matière d’alcool doit être sa cohérence: les décisions politiques doivent concorder avec les attentes individuelles et non être incompatibles. Elle salue lengagement dont fait preuve le Conseil fédéral pour une meilleure protection de la jeunesse. Toutefois, ce thème à lui seul ne constitue pas une politique cohérente
Voir à ce propos la position de la NAS-CPA, Grundposition der NAS-CPA zur Alkoholpolitik, 2010.. Si, à côté de mesures sensées – comme les achats tests d’alcool –, on assouplit les restrictions qui frappent la publicité en matière de spiritueux, la jeunesse reçoit un signal contradictoire. On ne peut pas non plus la protéger efficacement si le Conseil fédéral n’entreprend rien contre l’alcool à bon marché. En outre, la prévention ne devrait pas seulement viser les jeunes, car la consommation problématique d’alcool concerne également les générations plus âgées, même si les conséquences ne sont pas aussi spectaculaires que les «botellones» ou le vandalisme
Conseil fédéral, Loi sur l’alcool: accents mis sur la protection de la jeunesse et la limitation de l’accès à l’alcool durant la nuit, communiqué de presse du 7 septembre 2011..La NAS-CPA demandait donc, lors de la consultation de 2010, que la révision de la loi sur l’alcool fasse preuve d’une plus grande cohérence en restreignant davantage la publicité, en limitant les disponibilités d’alcool et en prenant des mesures qui agissent sur son prix (par exemple: taxe d’incitation)
Coordination politique des addictions, Vernehmlassungsantwort Nationale Arbeitsgemeinschaft Suchtpolitik (NAS-CPA). Totalrevision Alkoholgesetz (AlkG), 2010.. Ces points comme bien d’autres – tels que les achats tests ou l’interdiction de remettre de l’alcool – feront l’objet de débats lorsque le projet de loi sera présenté au Parlement. La NAS-CPA est convaincue qu’une politique plus cohérente en matière d’alcool est dans l’intérêt de toute la population.

Proposition de citation: Marina Carobbio (2012). Une politique de l’alcool cohérente pour le bien de l’individu et de la société. La Vie économique, 01 janvier.