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L’impact d’un air ambiant de bonne qualité sur l’efficacité au travail

L’impact d’un air ambiant de bonne qualité sur l’efficacité au travail

Une pièce dont la qualité de l’air est bonne engendre un large degré de satisfaction (+ de 85%) parmi ses utilisateurs quand on les interroge sur la ventilation et la climatisation. Si, par contre, la qualité de l’air est insuffisante, ceux-ci feront plus souvent l’objet d’irritations des muqueuses (nez, gorge, bouche), de la peau, des voies respiratoires et du système nerveux (troubles de la concentration, maux de tête, etc.). La multiplication de ces symptômes est également à l’origine de l’augmentation des arrêts maladie. Nombreuses sont les études qui relèvent leur diminution lorsque la qualité de l’air répond davantage aux attentes des occupants des locaux.

La qualité de l’air intérieur peut être analysée objectivement en la mesurant; elle peut l’être subjectivement en faisant remplir des questionnaires validés aux occupants d’une pièce. Diverses études confirment une forte corrélation entre la qualité de l’air perçue et la quantité de CO2 mesurée dans une pièce (voir encadré 1

Le CO2, un paramètre déterminant de la qualité de l’air intérieur


Le CO2 présent dans une pièce provient essentiellement de l’air expiré par l’homme. Sa proportion dans l’air provenant de l’extérieur est d’environ 430 ppm. En cas d’aération insuffisante, le niveau de CO2 peut rapidement atteindre plus de 1000 ppm. Aussi des senseurs CO2 sont-ils souvent intégrés aux systèmes de ventilation. Outre du CO2, l’homme émet également de la cétone, des alcools et de l’acide butanoïque, tous responsables de la détérioration de la qualité de l’air. Chaque pièce devrait pouvoir disposer d’un moyen d’aération approprié, que ce soit de manière naturelle (ouverture des fenêtres) ou par ventilation mécanique.

).

Productivité, symptômes et ventilation


Au-delà des questions de santé, la relation entre la qualité de l’air et la productivité au travail a fait l’objet de plusieurs études au cours de la dernière décennie. Celles-ci ont été effectuées soit dans un environnement contrôlé
Dans des chambres de simulation climatique avec contrôle de la ventilation, du CO2, de la température, du rayonnement, de lhumidité de l’air, etc., soit sur le terrain. Les autres paramètres – tels la température, le taux d’humidité ou le bruit ambiant – ont été le plus possible réduits à l’état de constantes. Les premières études sur le terrain ont été réalisées dans des centres d’appel. En effet, le travail y est exigeant, en raison notamment de l’environnement animé dans lequel se déroulent les discussions avec les clients et de la nécessité de trouver rapidement une réponse adéquate aux problèmes qu’ils exposent. Le temps nécessaire pour mener la discussion et clore le cas (transcription écrite et clôture du dossier) a servi de référence. Seppänen (2006)
Seppänen O. et al.,« Ventilation and Performance in Office Work», Indoor Air, 16, 2006, pp. 28–36. a démontré qu’une augmentation d’apport d’air frais permettait d’améliorer sensiblement la productivité (voir graphique 1). Fanger (2006)
Fanger O., P., «What is IAQ?», Indoor Air, 16, 2006, pp. 328–334. pour sa part a compilé un grand nombre d’études qui confirment la relation étroite entre l’amélioration de la productivité et un apport plus important d’air frais.Une autre série d’études s’est concentrée sur la résolution de problèmes par des étudiants et des écoliers, démontrant que leur performance progressaient de façon significative lorsque l’aération passait de 0,9 à 17 l/sec par personne. D’autres études ont mis en évidence des relations similaires entre amélioration de la capacité d’apprentissage et augmentation de l’aération. Le système d’aération de nombreux établissements scolaires étant déficient, il convient d’agir. En Suisse, les résultats seraient très certainement similaires, car de nombreuses salles de classe ne disposent que d’une aération naturelle (fenêtres) et font souvent l’objet d’une utilisation excessive.Plus récemment, des études se sont concentrées sur des tâches de gestion, comme le traitement rapide d’informations et la prise de décisions dans différentes conditions d’aération
Wang (2011), Satish et al. (2011).. Une étude pilote de Wang (2011)
Wang J. et al., A Pilot Study on the Effects of Ventilation Rate on Creativity Performance, Indoor Air Conference, Austin TX, Paper 161, 2011. a établi une réduction de la fréquence d’apparition de symptômes, sans toutefois démontrer une influence positive sur la créativité et la productivité en matière de gestion, lorsque l’apport d’air frais passait de 5 à 20 l/sec par personne. L’étude de Satish et al. (2011)
Satish U. et al., Impact of CO2 on Human Decision Making and Productivity, 2011 Indoor Air Conference, Austin TX, Paper 161, 2011. a simulé des tâches de management stratégique dans différentes conditions d’aération
Bonne qualité de l’air (600 ppm CO2), qualité de l’air moyenne (1000 ppm) et qualité de l’air insuffisante/mauvaise (2500 ppm).. Aucune différence n’a été détectée en ce qui concerne l’activité «recherche d’information». Des différences majeures sont, en revanche, apparues entre les scénarios 600 ppm et 2500 ppm de CO2 pour l’exécution de tâches de base, le travail précis, la fixation d’objectifs, la prise d’initiative, l’approche globale, la stratégie et la concentration. Une meilleure qualité de l’air a donc également conduit à une amélioration de la capacité de travail dans le domaine du management.Outre l’impact direct sur l’efficacité individuelle, une mauvaise qualité de l’air freine la productivité en provoquant l’apparition de symptômes traduisant une détérioration de la santé et conduisant à des absences. Fisk et al. (2009)
Fisk WJ. et al., «Quantitative Relationship of Sick Building Syndrome Symptoms with Ventilation Rates», Indoor Air, 19, 2009, pp. 159–165. a analysé une série d’études se concentrant sur la relation entre les symp-tômes de maladie (Sick Building Syndrom, SBS) et l’aération d’une pièce. Ainsi, une réduction du taux de ventilation de 10 l/sec par personne à 5 l/sec par personne se traduit par une augmentation des symptômes de 23%. En revanche, un apport d’air frais de 25 l/sec par personne provoque une diminution des symptômes atteignant 29%.Les études réalisées sur le terrain et en milieu contrôlé démontrent toutes les effets positifs d’une augmentation du taux de ventilation, et donc l’impact d’une qualité de l’air suffisante sur la productivité et la santé. Dans une perspective plus globale, d’autres paramètres comme l’ergonomie et l’organisation du travail, le climat de la pièce (notamment la température) et son acoustique doivent également être pris en compte.

Assurer une qualité de l’air suffisante dans la pratique


Toute une série d’études a démontré qu’une concentration trop élevée de CO2 nuit à la qualité de l’air et provoque des symptômes traduisant une détérioration de la santé, ce qui entraîne une réduction de la productivité. Plus l’apport en air frais extérieur est important, plus la situation est jugée positivement. Toutefois, dans la réalité, un apport trop important d’air extérieur a des limites aussi bien financières que techniques. En Suisse comme dans d’autres pays
SIA (2007), Ashrae (2010), Commentaire de l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail., les normes prescrivent de l’insuffler à raison de 10 l/sec (soit 36 m3/h) par personne dans les bureaux ventilés mécaniquement. Un tel débit maintient la quantité de CO2 dans l’air en-dessous de 1000 ppm environ, une valeur tout à fait satisfaisante. L’article synoptique publié par Olesen (2004)
Olesen BW, International Standards for the indoor environment, 14 (Suppl. 7), 2004, pp. 18–26. met en évidence la relation entre le taux de ventilation et la satisfaction des utilisateurs vis-à-vis de la qualité de l’air (voir graphique 2). Une majorité d’entre eux (>85%) se déclare satisfaite avec une ventilation réglée à 10 l/min par personne. Toutefois, les normes concernant le taux de ventilation actionnée mécaniquement et la prise en considération du taux de CO2 comme paramètre principal valent avant tout pour le renouvellement d’un air contaminé exclusivement par des personnes (CO2, odeurs, etc.). Les émissions provoquées par les matériaux de construction et les équipements – par exemple les composés organiques volatils (COV) – doivent pour leur part être réduites au maximum, ces substances pouvant avoir d’autres conséquences néfastes sur la santé. Par ailleurs, l’air amené de l’extérieur doit être de la meilleure qualité possible. Dans les régions urbaines très polluées – par exemple en particules fines (PM10, PM2.5, particules ultra-fines), NO2, ozone – le respect des normes techniques en matière de filtrage et de traitement de l’air est nécessaire. Il est, par contre, difficile d’obtenir de bons résultats dans les pièces ventilées naturellement, pour lesquelles de nombreux facteurs externes interviennent (bruit, température, etc.). Durant les périodes froides ou lorsque l’environnement est bruyant, les pièces sont souvent trop peu aérées.

Et demain?


À l’avenir, nous devrons apprendre à économiser l’énergie (courant, énergies fossiles, etc.). Il faut donc réduire les pertes et la consommation des bâtiments. Si une meilleure isolation de leur enveloppe permet de minimiser les déperditions d’énergie, une meilleure étanchéité de leurs composantes, telles que portes et fenêtres, provoque également une diminution des échanges d’air, ce qui peut détériorer celui présent à l’intérieur. Les bâtiments modernes sont par conséquent le plus souvent équipés d’une ventilation mécaniquement contrôlée. Celle-ci est néanmoins parfois mal acceptée par les utilisateurs, habitués sous nos latitudes à ouvrir leurs fenêtres pour aérer une pièce. L’impossibilité de contrôler certains paramètres (aération, stores) augmente le mécontentement des utilisateurs. Par conséquent, une approche alliant aération naturelle et mécanique ou un système d’aération configurable individuellement pourraient représenter une solution mieux acceptée par les utilisateurs.On a renoncé, dans cet article, à mener des analyses poussées du rapport coûtbénéfice. Ce type de calcul a été réalisé par Fisk et al. (2011)
Fisk WJ. et al., «Benefit and Costs of Improved IEQ in U.S. Offices», Indoor Air, 21, 2011, pp. 357–367., qui parvient à la conclusion que la rénovation de l’entier du parc de bureaux sur sol américain (adaptation à une ventilation de 10 l/sec par personne, températures n’excédant pas 23 °C en hiver et autres mesures techniques) conduirait à un bénéfice annuel de 17 à 26 milliards de dollars, un chiffre qui inclut également une augmentation de la productivité, ainsi qu’une diminution des symptômes et des absences.Les différents facteurs qui entrent en ligne de compte lors de l’amélioration d’un système de ventilation, par exemple lors de l’installation d’une ventilation mécanique, doivent être mis en relation (voir graphique 3). Ainsi, au-delà des facteurs techniques, des paramètres comme la productivité au travail, la santé et le taux d’absentéisme doivent être pris en compte. Ce type de calcul a notamment été réalisé au Japon. Dans le cadre de la Stratégie Coolbiz, des calculs intégrant l’efficacité écologique, le coût des systèmes de refroidissement et la productivité au travail ont été effectués afin de pouvoir sélectionner les conditions et les systèmes les plus adaptés.

Graphique 1: «Rapport entre ventilation et productivité au bureau»

Graphique 2: «Proportion de personnes insatisfaites en fonction du taux de ventilation»

Graphique 3: «Paramètres entrant dans le calcul des coûts/avantages d’une meilleure ventilation des pièces»

Encadré 1: Le CO2, un paramètre déterminant de la qualité de l’air intérieur

Le CO2, un paramètre déterminant de la qualité de l’air intérieur


Le CO2 présent dans une pièce provient essentiellement de l’air expiré par l’homme. Sa proportion dans l’air provenant de l’extérieur est d’environ 430 ppm. En cas d’aération insuffisante, le niveau de CO2 peut rapidement atteindre plus de 1000 ppm. Aussi des senseurs CO2 sont-ils souvent intégrés aux systèmes de ventilation. Outre du CO2, l’homme émet également de la cétone, des alcools et de l’acide butanoïque, tous responsables de la détérioration de la qualité de l’air. Chaque pièce devrait pouvoir disposer d’un moyen d’aération approprié, que ce soit de manière naturelle (ouverture des fenêtres) ou par ventilation mécanique.

Encadré 2: Projet portant sur la qualité de bâtiments durables

Projet portant sur la qualité de bâtiments durables


Dans le cadre d’un projet de l’EPFZ et de la Hochschule für Angewandte Wissenschaften de Zurich (Haute école des sciences appliquées), la qualité de bâtiments durables a été examinée (sous la direction du professeur H.Wallbaum). Au-delà des aspects énergétiques, le comportement des utilisateurs de même que la fréquence des symptômes de maladie et la productivité au travail sont passés à la loupe dans divers bâtiments.

Proposition de citation: Christian Monn (2012). L’impact d’un air ambiant de bonne qualité sur l’efficacité au travail. La Vie économique, 01 janvier.