Rechercher

L’évolution démographique: un défi majeur pour la politique de la santé, en particulier dans le domaine des soins

Comme le montrent les projections en matière de dépenses de santé, le vieillissement de la population se fait particuliè- rement sentir sur les soins de longue durée dispensés aux 65 ans et plus. Si l’on fait abstraction de ces derniers, la pression à la hausse sur les dépenses est imputable, à parts égales, à l’évolution démographique ainsi qu’à des facteurs extérieurs, comme les progrès techniques de la médecine. Pour la politique de la santé, le défi est de taille. L’amélioration de la prévention, des gains d’efficience et une planification prévoyante du personnel, surtout dans le domaine des soins, peuvent aider à le relever avec succès.



La santé est le domaine le plus touché par le vieillissement de la population, avec les assurances vieillesse (AVS par exemple). Selon le scénario démographique moyen (A-00-2010) de l’Office fédéral de la statistique (OFS), la proportion des plus de 80 ans passera de 5% en 2010 à 12% en 2060. La pression sur les dépenses de santé sera considérable. Il faut également tenir compte du dynamisme qui les caractérise depuis plusieurs décennies: entre 1960 et 2009, leur quote-part dans le produit intérieur brut (PIB) a plus que doublé, passant de 4,8% à 11,4%. Cela montre que d’autres facteurs de coûts, tels que les progrès techniques de la médecine, ont un fort impact dans le do-maine de la santé.Face à ces enjeux, le Conseil fédéral a publié pour la seconde fois des scénarios prévisionnels concernant le domaine de la santé (voir encadré 1

Scénarios prévisionnels


Le Conseil fédéral a publié pour la première fois des scénarios prévisionnels dans le domaine de la santé en 2008, dans le cadre du plan financier 2009-2011 de la législature (voir CF, 2008). Aujourd’hui, nous disposons des nouveaux scénarios du plan financier 2013-2015 (voir CF, 2012). Les scénarios prévisionnels se fondent sur l’art. 8 de l’ordonnance du 5 avril 2006 sur les finances de la Confédération (OFC), selon lequel le Conseil fédéral doit présenter périodiquement, mais au moins tous les quatre ans, des scénarios portant sur certains domaines d’activité de l’État. Ces scénarios doivent couvrir une période allant au-delà de celle du plan financier et montrer les tendances prévisibles, avec leurs conséquences financières, ainsi que les mesures de gestion ou de correction requises.

). Ceux-ci incluent des projections en matière de dépenses qui embrassent l’ensemble du domaine de la santé et les répartissent entre les collectivités publiques de 2009 à 2060
Pour une présentation détaillée des projections, voir Colombier (2012).. On a choisi cet horizon temporel afin de pouvoir évaluer les effets du vieillissement de la population, en particulier la génération du «baby-boom». Les projections se fondent sur l’hypothèse que le cadre légal en vigueur reste constant et tiennent compte de l’impact que les mesures adoptées récemment – telles que le nouveau financement hospitalier (forfaits par cas)
Le nouveau financement hospitalier vise à promouvoir la concurrence entre hôpitaux et à instaurer davantage de transparence. Il repose principalement sur un système de forfaits par cas orienté vers les prestations, en vigueur depuis début 2012. – aura sur les coûts. Les scénarios prévisionnels fournissent ainsi des paramètres stratégiques, sur lesquels les milieux politiques peuvent s’appuyer pour freiner la hausse des coûts de la santé.

Méthode de projection


Conformément à la pratique internationale, la santé (sans les soins de longue durée) et les soins de longue durée dispensés aux plus de 65 ans
AWG EU (2009). Sauf indication contraire, dans la suite du présent article les notions de «soins de longue durée» et de «soins de longue durée dispensés aux plus de 65 ans» sont synonymes. font l’objet de projections séparées, ces deux domaines présentant des facteurs de coûts parfois différents. Afin de mettre en évidence la sensibilité des dépenses de santé aux divers facteurs de coûts et donner une idée du degré d’incertitude des projections, on a élaboré plusieurs scénarios fondés sur différentes hypothèses. On a également établi des scénarios d’efficience, qui permettent d’évaluer sommairement les effets potentiels des mesures relevant de la politique de la santé. Les hypothèses relatives aux indicateurs macroéconomiques, comme le PIB, sont tirées des perspectives à long terme des finances publiques en Suisse
Geier (2012).. La détermination des effets démographiques repose sur le scénario moyen A-00-2010 de l’OFS. Enfin, pour le scénario de la migration, dans lequel sont estimés les effets sur les coûts d’une immigration nette supérieur (environ +20 000 par an), c’est le scénario démographique A-17-2010 de l’OFS qui a servi de référence.Le lien entre la morbidité, en tant qu’indicateur de l’état de santé de la population, et la variation de l’espérance de vie fait l’objet d’une attention particulière. En raison des incertitudes qui entourent ce lien, on a élaboré dans les deux domaines examinés, en sus du scénario de référence, trois scénarios reposant sur des hypothèses différentes en ce qui concerne l’évolution de l’état de santé (voir encadré 2

Espérance de vie et état de santé


Les scénarios démographiques de l’OFS prévoient une augmentation de l’espérance de vie. Or, il existe plusieurs théories sur le lien existant entre l’allongement de l’espérance de vie et la variation de l’état de santé – ou morbidité – de la population (voir notamment Colombier / Weber, 2010, p. 248 s.). Afin d’en tenir compte dans les projections, on a élaboré différents scénarios. L’hypothèse sur laquelle repose le scénario de référence représente un compromis: elle postule que la population reste en bonne santé pendant la moitié de l’espérance de vie gagnée. Les autres scénarios de morbidité se fondent sur les hypothèses suivantes:− «Pure ageing»: malgré l’augmentation de l’espérance de vie, l’état de santé de la population se dégrade par rapport à l’année de base: les années de vie gagnées s’accompagnent d’une santé plus faible (expansion de la morbidité);− «Healthy ageing»: la population vit la totalité des années gagnées dans un bon état de santé (diminution relative de la morbidité);− «Compression of morbidity»: la durée des périodes de maladie ou de dépendance de soins de longue durée diminue par rapport à l’année de base. La population peut vivre en bonne santé même au-delà de l’espérance de vie gagnée (diminution absolue de la morbidité).

).De plus, compte tenu d’une probable pénurie de main-d’œuvre
La cause principale en est le vieillissement de la popu-lation et du personnel soignant. Selon Jaccard Ruedin et Weaver (2010, p. 11), le premier facteur entraînera, à lui seul, un besoin supplémentaire de 50 000 unités de personnel, dont 90% dans le domaine des soins., en particulier dans le domaine des soins, on a élaboré un scénario de pression à la hausse sur les salaires. On y prévoit que, dès 2020, l’augmentation annuelle des salaires du personnel de santé dépassera de 20% celle des salaires de l’économie en général. La différence atteindra même 30% pour les salaires du personnel soignant
Selon le scénario démographique A-00-2010 de l’OFS, 2022 sera la première année marquée par un recul de la population active..Enfin, on estime que dans le domaine de la santé sans les soins de longue durée, la hausse annuelle des dépenses sera supérieure de 10% à celle du revenu moyen de la population, exprimé en PIB par habitant. Cette estimation repose sur l’hypothèse selon laquelle une société au bien-être croissant est disposée à dépenser davantage pour la santé. S’agissant des soins de longue durée, on part de l’idée qu’il n’y aura aucun gain de productivité et que l’effet Baumol – un effet de prix spécial – se fera par conséquent intégralement sentir (voir encadré 3

Effet Baumol et effet de revenu


Effet Baumol

Cet effet provenant de l’offre exprime le fait que les prix augmentent plus fortement dans certains secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme la santé, que dans d’autres branches (Baumol, 1967), ce qui s’explique comme suit: dans le secteur de la santé, une demande de prestations relativement peu élastique permet une hausse des salaires supérieure aux gains de productivité, hypothétiquement faibles. On part généralement du principe que les salaires réels dans la santé augmentent avec les gains de productivité de l’économie nationale, qui sont supérieurs à ceux du système de santé. L’augmentation des prix dans la santé dépasse dès lors le taux d’inflation général d’un montant qui correspond à la différence entre les gains de productivité de l’économie nationale et ceux du secteur de la santé. L’effet Baumol est intégral lorsqu’il n’y a aucun gain de productivité dans ce secteur.Effet de revenuD’un point de vue empirique, on observe une relation positive disproportionnée entre l’évolution du revenu national et les dépenses de santé. Il est cependant difficile, en se basant sur des données, d’établir une distinction entre la demande dépendant du revenu et les effets provenant de l’offre qui se répercutent sur ce dernier. C’est pourquoi on part du principe que l’effet de revenu permet de tenir compte de nombreux facteurs de coûts relevant de l’offre et de la demande, tels que les progrès techniques de la médecine, les exigences croissantes de la population vis-à-vis du système de santé ou encore la demande supplémentaire induite par les prestataires du système de santé en raison de l’asymétrie des informations, par exemple entre médecins et patients.

).

Dépenses pour l’ensemble du domaine de la santé


Les dépenses de santé augmentent sensiblement quel que le soit le scénario. Dans le scénario de référence, elles passent, entre 2009 et 2060, de 11,3% à 15,8% du PIB corrigé des effets de la conjoncture (voir tableau 1). Cette hausse est imputable, pour moitié environ, à l’évolution démographique (vieillissement, morbidité) et, pour l’autre moitié, à des facteurs extérieurs (demande de services de santé, progrès techniques de la médecine, effet Baumol). En particulier, les dépenses réagissent fortement aux variations de la morbidité et des coûts salariaux: dans le scénario «Compression of morbidity», la hausse des dépenses jusqu’en 2060 est inférieure de plus de 40% (–2% du PIB) à celles prévues dans le scénario de référence, alors que dans le scénario de pression à la hausse sur les salaires, elle est supérieure de quelque 30% (+1,4% du PIB). En cas d’augmentation de l’immigration nette, la dynamique supplémentaire insufflée au PIB par la main-d’œuvre immigrée est en grande partie compensée par la croissance de la demande de services de santé résultant de l’augmentation de la population. Par rapport au scénario de référence, la hausse des dépenses prévue dans le scénario de la migration n’est donc que légèrement atténuée (-0,4% du PIB).Les facteurs de coûts ont une importance semblable dans le domaine de la santé sans les soins de longue durée et dans l’ensemble du système; ceux d’origine non démogra-phiques, en l’occurrence l’effet de revenu, expliquent toutefois quelque 60% de l’augmentation des dépenses de 1,8% du PIB prévue entre 2009 et 2060, selon le scénario de référence. En ce qui concerne les soins de longue durée, les facteurs démographiques dominent, au contraire, largement. Ainsi, dans le scénario de référence, la hausse des dépenses de 2,7% du PIB est due pour les trois quarts à l’évolution démographique. Un tiers environ de cette hausse s’explique, en outre, par l’effet Baumol, ce qui montre qu’après le vieillissement, ce sont les coûts salariaux qui ont le plus fort impact dans le domaine des soins de longue durée. L’amélioration de l’état de santé de la population – selon l’hypothèse adoptée, celui-ci va de pair avec l’allongement de l’espérance de vie – allège, toutefois, les dépenses. L’importance de la morbidité (ou du besoin de soins) dans les soins de longue durée ressort clairement du fait que le scénario présentant la plus forte croissance des dépenses est celui du «Pure ageing», avec une hausse de 3,4% du PIB, contrairement à ce qui prévaut dans le domaine de la santé sans ces soins.L’évolution démographique grève donc particulièrement les dépenses pour les soins de longue durée: leur quote-part dans l’ensemble des dépenses de santé passe de 14% en 2009 à 27% en 2060. Si on omet les soins de longue durée, la part des dépenses de santé recule au contraire de 67% à 59%.En tant qu’agent financeur, l’État est concerné au premier chef, puisque, selon le scénario de référence, sa participation dans le financement des dépenses de santé passe de 31% en 2009 à 36% en 2060. Cette augmentation est imputable à la progression des soins de longue durée dans les dépenses publiques de santé, ainsi qu’au nouveau régime de financement des soins et des hôpitaux
Le nouveau régime de financement des soins est en vigueur depuis début 2011 (voir LF 2008, note 2).. La quote-part de l’assurance obligatoire des soins (AOS) reste quant à elle pratiquement constante à 29%
Pour éviter les doubles imputations, les dépenses de l’AOS sont corrigées de la participation des assurés aux coûts et des dépenses de la réduction individuelle des primes (RIP), qui sont à la charge de la Confédération et des cantons., tandis que celle des autres agents financeurs (ménages, Suva, assurances complémentaires) recule de 40% à 35%.

Dépenses publiques de santé


La démographie revêt une importance encore plus grande pour les dépenses publiques, en raison du poids des dépenses consenties pour les soins de longue durée dans le secteur public. Ainsi, calculées en fonction du PIB, les dépenses publiques augmentent relativement plus que celles de l’ensemble du système de santé: selon le scénario de référence, les premières croissent de 60%, les secondes de 40%. Ce scénario prévoit une augmentation des dépenses publiques de 2,1% du PIB. Comme pour les dépenses de l’ensemble du système de santé, l’évolution de l’état de santé de la population (hausse moindre dans le scénario «Compression of morbidity»: +1,4% du PIB) et les coûts salariaux (hausse plus marquée dans le scénario de pression sur les salaires: +2,6% du PIB) jouent un rôle de première importance. L’essentiel de la hausse des dépenses est à la charge des cantons (environ 80%) et des communes (près de 15%), le reste étant supporté à parts égales par la Confédération et par l’AVS/AI (allocations pour impotents, contributions aux prestations médicales, appareils thérapeutiques). Soulignons que le nouveau régime de financement des soins et des hôpitaux entraîne une augmentation unique des dépenses publiques d’environ 0,3% du PIB.

Dépenses publiques de santé sans les soins de longue durée


Les dépenses publiques de santé sans les soins de longue durée comprennent les frais hospitaliers, la réduction individuelle des primes (RIP) et d’autres dépenses, consacrées par exemple à la prévention ou à la recherche et au développement (voir graphique 1). Par souci de simplification, on admet que la RIP est financée à égalité par la Confédé-ration et par les cantons
En raison de l’importante marge de manœuvre laissée aux cantons en matière de RIP, l’évolution des dépenses dans ce domaine est difficilement prévisible (voir CF 2008, encadré 3).. Dans le scénario de référence, l’essentiel de la hausse des dépenses est imputable aux contributions versées aux hôpitaux (+0,6% du PIB), financées principalement par les cantons. La RIP (0,3% du PIB) est le poste qui contribue le moins à cette hausse. Les résultats qui la concernent reposent sur les projections relatives aux dépenses de l’AOS, qui passent de 3,3% du PIB en 2009 à 4,6% en 2060.

Dépenses publiques pour soins de longue durée aux plus de 65 ans


Ce qui frappe dans le scénario de réfé-rence, c’est que la part des dépenses publiques pour les soins de longue durée va pratiquement doubler de 2009 à 2060, passant de 17 à 33%. Calculées en fonction du PIB, ces dépenses triplent même pour atteindre 1,9% en 2060 contre 0,6% en 2009. Cette hausse s’explique par l’évolution démographique et l’effet Baumol, ainsi que, pour une moindre part, par le nouveau régime de financement des soins (+0,1% du PIB). Au reste, les facteurs de coûts et leurs effets sont les mêmes que pour l’ensemble du domaine des soins de longue durée.Les cantons et les communes sont particulièrement concernés: leurs dépenses pour les établissements médico-sociaux (EMS) présentent une évolution extrêmement dynamique. De plus, leurs dépenses pour les services d’aide et de soins à domicile, de même que les contributions cantonales aux prestations complémentaires de l’AVS et les allocations pour impotents de cette même AVS, augmentent aussi sensiblement.

Comparaison internationale


La comparaison avec les projections 2007-2060 établies pour les quinze États ouest-européens de l’Union européenne (UE) montre que la hausse des dépenses publiques de santé (Suisse: plus les dépenses de l’AOS) est plus importante dans notre pays que dans ces États (dépenses sans les soins de longue durée, Suisse: +1,7% du PIB; UE15: +1,5%)
Voir AWG EU (2009). Les dépenses de l’AOS sont prises en compte afin d’assurer une meilleure comparabilité des projections. Contrairement à la Suisse, les États de l’UE comptabilisent les coûts de l’assurance maladie obligatoire dans leurs comptes nationaux, en tant que dépenses publiques.. Ce constat vaut en particulier pour les soins de longue durée (+1,8% du PIB en Suisse; +1,2% dans l’UE15). La raison pourrait en être une hypothèse plus prudente sur les gains de productivité en Suisse ou des dé-penses de santé pour les personnes âgées plus élevées durant l’année de base 2009.

Effets potentiels des réformes


On a tenté, sur la base d’analyses empiriques et avec le concours d’experts, d’évaluer les effets à long terme sur les dépenses de santé du nouveau système des forfaits par cas dans le secteur hospitalier, de la stratégie de cybersanté («eHealth») du Conseil fédéral (introduction d’un dossier électronique pour le patient) et de la promotion de modèles de gestion intégrée des soins («managed care»)
On parle de gestion intégrée des soins lorsque l’assuré accepte qu’un médecin donné, par exemple le médecin de famille, gère son accès aux soins de santé ambulatoires. dans l’AOS
Pour les effets de coûts de ces mesures, voir Beck et al. (2009), RFA (2010), Kirchgässner et Gerritzen (2011).. Afin de tenir compte des incertitudes qui entourent l’effet ralentisseur de ces mesures sur la hausse des dépenses, on a élaboré deux scénarios d’efficience: l’un modéré, qui table, jusqu’en 2020, sur des économies de 10% par rapport aux projections du scénario de référence, et l’autre, optimiste, qui mise sur des économies de 20%. La moitié de ces économies doit résulter d’une nette augmentation de la part des assurés AOS optant pour un modèle de gestion intégrée des soins, qui n’est aujourd’hui que de 10%. Par rapport au scénario de référence et jusqu’en 2060, l’effet ralentisseur de la hausse des dépenses est de 0,6% du PIB pour le scénario optimiste et de 0,3% pour le scénario modéré; les économies sont donc relativement modestes. À titre de comparaison, dans le scénario «Healthy ageing», les économies sont de 1% du PIB. Les économies sont, enfin, encore plus faibles proportionnellement parlant pour les dépenses publiques.Toutefois, si l’on parvient à réaliser, dans le domaine des soins de longue durée, des gains de productivité réduisant par exemple de moitié l’effet Baumol, les économies seront nettement plus importantes par rapport à la hausse des dépenses projetée dans le scénario de référence: 1% du PIB pour les dépenses de l’ensemble du système de santé et 0,4% pour les dépenses publiques
Jaccard Ruedin et Weaver (2009, p. 12) font état de la possibilité de réaliser des gains de productivité dans le domaine des soins de longue durée..

Comparaison avec les scénarios prévisionnels de 2008


Par rapport aux premiers scénarios prévisionnels de 2008, l’OFS a revu à la hausse ses projections concernant la population âgée de 65 ans ou plus. C’est pourquoi, si l’on compare les projections actuelles au scénario de référence de 2008 sur la période commune (2009-2050), la hausse des dépenses de l’ensemble du système de santé dépasse largement 0,5% du PIB et celle des dépenses publiques 0,3%. Toutefois, si l’on fait une comparaison directe avec le scénario de référence actuel, on constate que cette progression sera absorbée par un effet de base de sens contraire (surestimation de l’évolution de la hausse des dépenses jusqu’en 2009; révision de la statistique financière 2008).

Conclusion


Les projections montrent que les dépenses de santé sont appelées à subir une forte pression à la hausse, résultant aussi bien de l’évolution démographique que de facteurs extérieurs. L’évolution démographique pèse en particulier sur les soins de longue durée, ce qui se traduit par une hausse marquée des dépenses publiques, grevant principalement les budgets cantonaux. Les mesures prises pour atténuer l’augmentation des coûts visent en particulier à améliorer l’état de santé de la population par la prévention, à réduire la pression à la hausse sur les salaires par une planification prévoyante du personnel, ainsi qu’à réaliser des gains de productivité et d’efficience, par exemple en utilisant opportunément les nouvelles technologies et en incitant les prestataires de services de santé à adopter un comportement économe. On ralentirait, enfin, la hausse des coûts pour les soins de longue durée en renforçant les soins ambulatoires et informels.

Graphique 1: «Structure des dépenses publiques de santé dans le scénario de référence (en %)»

Tableau 1: «Dépenses dans le domaine de la santé en 2060 (en % du PIB)»

Encadré 1: Scénarios prévisionnels

Scénarios prévisionnels


Le Conseil fédéral a publié pour la première fois des scénarios prévisionnels dans le domaine de la santé en 2008, dans le cadre du plan financier 2009-2011 de la législature (voir CF, 2008). Aujourd’hui, nous disposons des nouveaux scénarios du plan financier 2013-2015 (voir CF, 2012). Les scénarios prévisionnels se fondent sur l’art. 8 de l’ordonnance du 5 avril 2006 sur les finances de la Confédération (OFC), selon lequel le Conseil fédéral doit présenter périodiquement, mais au moins tous les quatre ans, des scénarios portant sur certains domaines d’activité de l’État. Ces scénarios doivent couvrir une période allant au-delà de celle du plan financier et montrer les tendances prévisibles, avec leurs conséquences financières, ainsi que les mesures de gestion ou de correction requises.

Encadré 2: Espérance de vie et état de santé

Espérance de vie et état de santé


Les scénarios démographiques de l’OFS prévoient une augmentation de l’espérance de vie. Or, il existe plusieurs théories sur le lien existant entre l’allongement de l’espérance de vie et la variation de l’état de santé – ou morbidité – de la population (voir notamment Colombier / Weber, 2010, p. 248 s.). Afin d’en tenir compte dans les projections, on a élaboré différents scénarios. L’hypothèse sur laquelle repose le scénario de référence représente un compromis: elle postule que la population reste en bonne santé pendant la moitié de l’espérance de vie gagnée. Les autres scénarios de morbidité se fondent sur les hypothèses suivantes:− «Pure ageing»: malgré l’augmentation de l’espérance de vie, l’état de santé de la population se dégrade par rapport à l’année de base: les années de vie gagnées s’accompagnent d’une santé plus faible (expansion de la morbidité);− «Healthy ageing»: la population vit la totalité des années gagnées dans un bon état de santé (diminution relative de la morbidité);− «Compression of morbidity»: la durée des périodes de maladie ou de dépendance de soins de longue durée diminue par rapport à l’année de base. La population peut vivre en bonne santé même au-delà de l’espérance de vie gagnée (diminution absolue de la morbidité).

Encadré 3: Effet Baumol et effet de revenu

Effet Baumol et effet de revenu


Effet Baumol

Cet effet provenant de l’offre exprime le fait que les prix augmentent plus fortement dans certains secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme la santé, que dans d’autres branches (Baumol, 1967), ce qui s’explique comme suit: dans le secteur de la santé, une demande de prestations relativement peu élastique permet une hausse des salaires supérieure aux gains de productivité, hypothétiquement faibles. On part généralement du principe que les salaires réels dans la santé augmentent avec les gains de productivité de l’économie nationale, qui sont supérieurs à ceux du système de santé. L’augmentation des prix dans la santé dépasse dès lors le taux d’inflation général d’un montant qui correspond à la différence entre les gains de productivité de l’économie nationale et ceux du secteur de la santé. L’effet Baumol est intégral lorsqu’il n’y a aucun gain de productivité dans ce secteur.Effet de revenuD’un point de vue empirique, on observe une relation positive disproportionnée entre l’évolution du revenu national et les dépenses de santé. Il est cependant difficile, en se basant sur des données, d’établir une distinction entre la demande dépendant du revenu et les effets provenant de l’offre qui se répercutent sur ce dernier. C’est pourquoi on part du principe que l’effet de revenu permet de tenir compte de nombreux facteurs de coûts relevant de l’offre et de la demande, tels que les progrès techniques de la médecine, les exigences croissantes de la population vis-à-vis du système de santé ou encore la demande supplémentaire induite par les prestataires du système de santé en raison de l’asymétrie des informations, par exemple entre médecins et patients.

Encadré 4: Bibliographie

Bibliographie


− AWG, Ageing Working Group of the Economic Policy Committee and European Commission, Ageing Report – Economic and Budgetary Projections for the EU-27 Member States 2008–2060, European Economy, 2/2009.− Baumol W. J., «Macroeconomics of Unbalanced Growth: The Anatomy of Urban Crisis», American Economic Review, 57(3), 1967, pp. 415–426.− Beck K., Käser U., Trottmann M. et von Rotz St., «Effizienzsteigerung dank Managed Care», Datamaster, 5e éd. 2009, pp. 15–21.− LF, loi fédérale du 13 juin 2008 sur le nouveau régime de financement des soins.− CF, Conseil fédéral, «Scénarios prévisionnels dans le domaine de la santé», Plan financier 2009–2011 de la législature, chapitre 5 et annexe 7, 2008.− CF, Conseil fédéral, «Scénarios prévisionnels dans le domaine de la santé», Plan financier 2013–2015 de la législature, chapitre 9.1.2 et annexe 7, 2012.− Colombier C., Ausgabenprojektionen für das Gesundheitswesen bis 2060, Working Paper n° 18 de l’Administration fédérale des finances, publication au printemps 2012.− Colombier C. et Weber W., «Projecting health-care expenditure for Switzerland: further evidence against the ‹red-herring› hypothesis», The International Journal of Health Planning and Management, 2011, 26, pp. 245–263.− Geier A., «Perspectives à long terme des finances publiques en Suisse», La Vie économique, 3-2012, pp. 4ss.− Jaccard Ruedin H. et Weaver F., Ageing Workforce in an Ageing Society – Combien de professionnels de santé seront nécessaires à la Suisse d’ici 2030?, Careum Working Paper n° 1, Observatoire suisse de la santé, 2009.− Kirchgässner G. et Gerritzen B., Leistungsfähigkeit und Effizienz von Gesundheitssystemen: Die Schweiz im internationalen Vergleich, expertise réalisée sur mandat du Secrétariat d’État à l’économie SECO, 2011.− RFA, Ecoplan et empirica, Regulierungsfolgenabschätzung zur Umsetzung der Strategie «ehealth», rapport établi sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et du Secrétariat d’État à l’économie SECO, 17 novembre 2010.

Proposition de citation: Carsten Colombier (2012). L’évolution démographique: un défi majeur pour la politique de la santé, en particulier dans le domaine des soins. La Vie économique, 01 mars.