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S’aligner sur les besoins du marché

S’aligner sur les besoins du marché

Le message du Conseil fédéral montre que les réformes agricoles engagées depuis les années nonante se poursuivent de manière pratiquement systématique. La production doit s’axer davantage sur les besoins du marché et les prestations d’intérêt public fournies par l’agriculture être compensées par des paiements directs. Dans cette perspective, nous approuvons le développement du système des paiements directs et le renforcement de leur lien avec les principaux objectifs poursuivis. Il faudrait, toutefois, que la pondération des modalités financières des différents instruments se fonde davantage sur les lacunes par rapport aux objectifs de la politique agricole actuelle. Les contributions à la sécurité de l’approvisionnement, par exemple, sont nettement trop élevées.

En Suisse, la production agricole a augmenté d’environ 7% ces dernières années et le taux d’auto-approvisionnement reste stable à 62% malgré la croissance démographique. Ce chiffre est élevé compte tenu du peu de terres agricoles fertiles, de la position du pays au centre de l’Europe et de la solidité de ses relations commerciales internationales. Pour être productive, l’agriculture suisse devra davantage s’axer sur les besoins du marché et la disposition du consommateur à payer pour une qualité spécifique. Les contributions à la sécurité de l’approvisionnement, élevées et sans objet spécifique, ne constituent pas un bon moyen d’atteindre cet objectif. Il faudrait plutôt développer les contributions au système de production encourageant les formes de production particulièrement respectueuses de la nature, de l’environnement et des animaux.

Plus de contributions pour une production particulièrement durable


Les contributions au système de production portent sur l’ensemble de l’exploitation et prennent fortement en compte la responsabilité individuelle tout au long de la chaîne: elles sont la solution la mieux adaptée pour combiner écologie et marché. Il est, dès lors, regrettable qu’aucun objectif contraignant n’ait été fixé pour développer l’agriculture biologique ou l’élevage de vaches allaitantes. Les produits particulièrement durables n’ont pas besoin d’être protégés par un label de droit public. La protection des consommateurs contre la tromperie figure déjà dans la loi sur les denrées alimentaires. L’État doit seulement émettre des prescriptions claires afin de réduire les atteintes à l’environnement et de promouvoir les prestations écologiques et le bien-être des animaux. Nous saluons par conséquent le fait qu’il soit désormais possible de réduire les paiements directs en cas d’infraction à ces dispositions.La souveraineté alimentaire ne doit pas figurer dans la loi sur l’agriculture: l’actuelle politique agricole, multifonctionnelle, exprime déjà la volonté du peuple. Il est, néanmoins, judicieux de donner au Conseil fédéral la possibilité de subventionner les cultures importantes pour l’approvisionnement de la population. Nous approuvons, en revanche, le fait que la Confédération ne versera plus de contributions pour les plantes à fibres à usage énergétique: elles n’ont pas réussi à percer sur le marché et occupent des sols déjà rares sans contribuer à la sécurité de l’approvisionnement ni à la biodiversité. La raison exige au contraire d’utiliser au mieux la base en fourrages grossiers qui existe en Suisse, au lieu de maximiser la production de lait et de viande en important du fourrage. Le versement de contributions aux éleveurs pour les exploitations d’estivage ou encore le soutien aux systèmes de production de fourrage grossier sont des mesures qui doivent donc être saluées, de même que la renonciation à des contributions sans objet spécifique destinées aux éleveurs et à un échelonnement des contributions à la sécurité de l’approvisionnement selon la charge en bétail.La protection renforcée du paysage cultivé, qui figure également dans la révision partielle (en cours) de la loi sur l’aménagement du territoire, contribue de manière importante à préserver la capacité de production suisse. Le principe selon lequel aucun paiement direct ne sera plus versé pour l’exploitation de surfaces situées dans une zone à bâtir légalisée relève de la pure logique.

La valeur ajoutée doit primer la production de calories


La Politique agricole 2014–2017 a notamment été conçue en vue d’un éventuel accord de libre-échange avec l’Union européenne, d’où l’importante enveloppe financière qui laccompagne. Les questions institutionnelles n’étant pas réglées, un tel accord perd de son actualité. Il faut, toutefois, s’attendre à ce que la protection à la frontière continue de s’effriter dans le cadre de différents accords bilatéraux. Les progrès de la productivité tout au long de la chaîne et l’adaptation méthodique de l’offre à la demande restent donc primordiales. Une «agriculture productive» ne doit pas se mesurer au nombre de calories produites, mais à sa valeur ajoutée en Suisse. Cette dernière dépend de la concurrence, de l’innovation et de la division internationale du travail, qui doivent demeurer les pierres angulaires d’une stratégie qualité adaptée aux besoins de notre économie agro-alimentaire.

Proposition de citation: Sibyl Anwander (2012). S’aligner sur les besoins du marché. La Vie économique, 01 avril.