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La 4e révision partielle de la LACI: effets sur les assurés et les finances de l’assurance-chômage

La 4e révision partielle de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) a permis de rétablir l’équilibre financier de cet important pilier de notre système social, d’en réduire l’endettement et de renforcer nettement sa viabilité à long terme. Entrée en vigueur le 1er avril 2011, elle est intervenue à une période opportune en termes conjoncturels. Néanmoins, elle a provoqué une hausse, bien qu’éphémère, du nombre d’arrivées en fin de droits (AFD). Les femmes et les hommes, ainsi que les Suisses et les étrangers, ont été affectés de manière égale. Les personnes âgées de 15 à 24 ans, la Romandie et le Tessin ont été les plus touchés. Dans la majorité des cas, la révision a uniquement accéléré les AFD: sans révision, une grande partie aurait eu lieu, en principe, plus tard. Après ce mouvement de hausse, le niveau des AFD s’est stabilisé à des valeurs proches de celles prévalant avant la révision.

Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) publiera prochainement un rapport sur la 4e révision partielle de la LACI. Celui-ci analyse ses conséquences sur les finances de l’assurance-chômage (AC) ainsi que sur les assurés.L’augmentation des dettes de l’AC à partir de 2004 est principalement due à des estimations trop optimistes du taux de chômage moyen à long terme. Celui-ci avait été estimé à 2,5%, alors qu’il s’est révélé être de 3,2%. Par conséquent, le taux de cotisation fixé à 2% lors de la 3e révision partielle de la LACI était trop bas pour faire face aux dépenses de l’AC; ce déficit structurel annuel a engendré un endettement croissant. Il était donc nécessaire de procéder à une nouvelle révision de la LACI et de son mode de financement, d’autant plus qu’un dépassement du plafond légal se profilait à l’horizon (voir encadré 1

Frein à l’endettement


La 3e révision de la LACI a introduit un frein à l’endettement afin d’assurer le rééquilibrage des finances. Selon l’article 90c LACI, 1Si, à la fin de l’année, la dette du fonds de compensation atteint ou dépasse 2,5% de la somme des salaires soumis à cotisation, le Conseil fédéral doit présenter, dans un délai d’un an, une révision de la loi introduisant une nouvelle réglementation du financement.[…] 2Si à la fin de l’année, le capital propre du fonds de compensation,[…], atteint ou dépasse 2,5% de la somme des salaires soumis à cotisation, le Conseil fédéral doit abaisser les taux de cotisation fixés à l’art. 3, al. 2 et 3, dans un délai d’un an […].Ce mécanisme du frein à l’endettement permet de préserver l’équilibre financier de l’AC en déclenchant une révision de la LACI et de son mode de financement si la dette ou le capital de l’AC dépassent le plafond légal défini par ce même article 90c.

).

Principales modifications législatives


La 4e révision partielle de la LACI a pour objectifs de rééquilibrer les finances de l’AC ainsi que d’éliminer la dette. L’introduction de mesures visant à réaliser des recettes supplémentaires et des économies permet d’atteindre ces objectifs.Les recettes supplémentaires proviennent de l’augmentation au 1er janvier 2011 du taux de cotisation à l’AC, qui est ainsi passé de 2 à 2,2% du salaire annuel déterminant, jusqu’à une limite de 126 000 francs. Pour réduire l’endettement, il a été décidé de prélever, également à partir du 1er janvier 2011, un pourcent de solidarité sur les tranches de salaire comprises entre le montant maximum du gain assuré (126 000 francs) et deux fois et demie ce montant (315 000 francs). Cette cotisation sera maintenue jusqu’à ce que le fonds de l’AC ait éliminé les dettes et constitué une réserve de 500 millions de francs. Elle sera ensuite supprimée.Afin de maîtriser les dépenses de l’AC, des mesures d’économie ont été mises en place. Celles-ci sont entrées en vigueur le 1er avril 2011 et non pas le 1er janvier 2011, comme l’augmentation du taux de cotisation. En effet, les prévisions économiques tablaient sur une conjoncture plus favorable au printemps 2011 qu’en hiver de la même année, ce qui allait permettre de mettre en œuvre des changements législatifs tout en en minimisant les effets négatifs. Les organes d’exécution cantonaux et les caisses de chômage, ayant ainsi bénéficié de davantage de temps, ont pu se préparer de manière optimale aux adaptations prévues.Les mesures d’économie mises en place visent à renforcer le principe d’assurance. À titre d’exemple, la durée d’indemnisation a été adaptée à celle des cotisations, la prise en compte des indemnités compensatoires (voir encadré 2

Gain intermédiaire et indemnités compensatoires


Le gain intermédiaire vise à inciter un chômeur à avoir une activité professionnelle, parallèlement à sa recherche d’emploi et à titre de solution temporaire, même si le revenu qu’il perçoit est inférieur aux indemnités journalières auxquelles il aurait droit. L’AC compense alors le manque à gagner de sorte que le chômeur peut réaliser un gain plus élevé que s’il se contentait de ses indemnités journalières.

) dans le calcul du gain assuré a été supprimée, le délai d’attente de 120 jours s’applique désormais à toutes les personnes venant d’achever leur formation et un délai d’attente supplémentaire a été introduit pour les personnes sans obligation d’entretien. Le tableau 1 présente la liste des mesures d’économie introduites au 1er avril 2011.

Effets de la 4e révision de la LACI sur les finances de l’assurance-chômage…


Les finances de l’AC ont été rééquilibrées durant la première année d’application de la révision et devraient continuer à l’être dans un proche avenir, avec un excédent moyen attendu entre 2012 et 2016 (voir graphique 1).Le deuxième objectif consistant à réduire l’endettement a également été atteint en 2011 (voir graphique 2). Il sera poursuivi ces prochaines années, si le taux de chômage moyen à long terme reste stable.À l’avenir, l’AC devrait présenter des finances équilibrées sur l’ensemble du cycle conjoncturel, bloquant ainsi un nouvel endettement structurel. Le risque de transgression du frein à l’endettement de l’AC diminue donc clairement à moyen et à long termes.

… et sur les assurés


Lors de l’entrée en vigueur de la 4e révision de la LACI, 11,3% du total des bénéficiaires d’indemnités journalières sont arrivés en fin de droits (9,3% étant directement liés à la révision). Durant les douze mois suivant la révision, le taux d’arrivées en fin de droits s’est réduit à 2,5% en moyenne.La majorité des AFD en raison de la révision auraient, en principe, subi le même sort sous l’ancien régime, bien que plus tard. En effet, après une année de chômage, il est souvent plus difficile de trouver un emploi.La 4e révision de la LACI a donc provoqué une hausse relativement forte du nombre d’AFD (total d’environ 16 000 durant le mois de mars 2011), mais celle-ci fut de courte durée. En effet, dès le mois d’avril 2011, leur effectif se stabilisait à un niveau proche de celui qui prévalait avant la révision (voir graphique 3).Le rapport publié par le Seco procède également à une analyse détaillée des AFD, selon différentes catégories. Celle-ci révèle que les personnes les plus touchées par la révision sont les jeunes ainsi que les résidants en Suisse romande ou au Tessin. Plus précisément, 15,9% des bénéficiaires de prestations entre 15 et 24 ans ont perdu leur droit à l’indemnité de chômage lors de l’entrée en vigueur de la révision, alors que cette proportion est de 8,8% pour les personnes de 25 à 49 ans et de 7,4% pour celles âgées de plus de 50 ans. En Suisse romande et au Tessin, lors de l’entrée en vigueur de la révision, 12,3% des bénéficiaires de prestations sont arrivés en fin de droits, alors que ce taux se réduit à 7,4% en Suisse alémanique. Par ailleurs, la révision a touché les hommes et les femmes, ainsi que les Suisses et les étrangers, de manière globalement similaire.Avant l’entrée en vigueur de la révision, il a souvent été argumenté que celle-ci compliquerait l’accès à l’AC. Il n’est pour l’heure pas encore possible de répondre de manière précise à cette question, étant donné que certaines mesures d’économie, comme la non-prise en compte des périodes de cotisation dans une mesure d’intégration, ne déploient pas encore entièrement leurs effets.

Conclusion


La 4e révision partielle de la LACI a permis de rétablir l’équilibre financier structurel de l’AC et devrait réduire son endettement à moyen et à plus long termes. La révision a donc fortement renforcé la viabilité à long terme de l’AC.Les réductions prévues en matière de prestations sont essentiellement composées de nombreuses mesures ciblées, réparties sur les différents groupes d’assurés. La révision touche de manière égale les femmes et les hommes, ainsi que les Suisses et les étrangers. En raison notamment de leur taux de chômage élevé, la Suisse romande et le Tessin ont été plus fortement touchés que les cantons alémaniques. Les personnes âgées de 15 à 24 ans ont été, en outre, les plus concernées par la révision, étant donné que le nombre maximal d’indemnités journalières alloué aux jeunes a diminué plus fortement que celui octroyé aux bénéficiaires plus âgés. Il convient toutefois de préciser que, en règle générale, les premiers retrouvent plus rapidement un emploi que les seconds.L’entrée en vigueur de la révision a provoqué une hausse forte mais unique du nombre d’AFD, aucune disposition transitoire n’ayant été introduite dans la loi. Néanmoins, dans la majorité des cas, la révision a surtout accéléré les échéances, mais ne les a pas provoquées. Par conséquent, la majorité des AFD déclenchées par la révision se seraient produites ultérieurement.Dès le mois d’avril 2011, le nombre d’AFD s’est stabilisé à un niveau proche de celui qui prévalait avant la révision. Le fait que son entrée en vigueur ait eu lieu à une période opportune en termes conjoncturels a notamment pu contribuer à ce bon résultat.

Graphique 1: «Résultats de l’assurance-chômage, 2003–2016»

Graphique 2: «Dettes de l’assurance-chômage, 2003–2016»

Graphique 3: «Nombre de personnes arrivées en fin de droit, mars 2010–mars 2012»

Tableau 1: «Mesures d’économies de la 4e révision partielle de la LACI»

Encadré 1: Frein à l’endettement

Frein à l’endettement


La 3e révision de la LACI a introduit un frein à l’endettement afin d’assurer le rééquilibrage des finances. Selon l’article 90c LACI, 1Si, à la fin de l’année, la dette du fonds de compensation atteint ou dépasse 2,5% de la somme des salaires soumis à cotisation, le Conseil fédéral doit présenter, dans un délai d’un an, une révision de la loi introduisant une nouvelle réglementation du financement.[…] 2Si à la fin de l’année, le capital propre du fonds de compensation,[…], atteint ou dépasse 2,5% de la somme des salaires soumis à cotisation, le Conseil fédéral doit abaisser les taux de cotisation fixés à l’art. 3, al. 2 et 3, dans un délai d’un an […].Ce mécanisme du frein à l’endettement permet de préserver l’équilibre financier de l’AC en déclenchant une révision de la LACI et de son mode de financement si la dette ou le capital de l’AC dépassent le plafond légal défini par ce même article 90c.

Encadré 2: Gain intermédiaire et indemnités compensatoires

Gain intermédiaire et indemnités compensatoires


Le gain intermédiaire vise à inciter un chômeur à avoir une activité professionnelle, parallèlement à sa recherche d’emploi et à titre de solution temporaire, même si le revenu qu’il perçoit est inférieur aux indemnités journalières auxquelles il aurait droit. L’AC compense alors le manque à gagner de sorte que le chômeur peut réaliser un gain plus élevé que s’il se contentait de ses indemnités journalières.

Proposition de citation: Laurence Devaud ; Daniel Keller ; (2012). La 4e révision partielle de la LACI: effets sur les assurés et les finances de l’assurance-chômage. La Vie économique, 01 septembre.