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Pour l’économie, la Stratégie énergétique 2050 reste lacunaire

Les milieux économiques suisses soutiennent les mesures destinées à améliorer l’efficacité énergétique et à encourager la mise en place de meilleures conditions-cadres pour les investissements effectués dans le domaine de l’énergie. Malgré les interventions dirigistes qu’il préconise, le projet présenté par le Conseil fédéral permettra d’atteindre à peine la moitié des objectifs visés et laisse ouvertes diverses ­questions relatives à la sécurité de l’approvisionnement. C’est au Conseil fédéral de démontrer par quels moyens il entend réaliser l’autre moitié. S’il n’y parvient pas, lui et le Parlement devront revoir le plus rapidement possible leur copie afin de sortir de cette impasse et éviter d’importants dommages pour notre pays.

Il est vital que la Suisse dispose d’un approvisionnement énergétique sûr, indépendant, écologique et compétitif. Le choix des technologies à privilégier est secondaire aux yeux de l’économie. Les mesures proposées en vue d’augmenter l’efficacité énergétique et de créer de meilleures conditions-cadres pour la construction d’installations et de 
réseaux électriques méritent d’être soutenues. Malheureusement, le présent projet ne permet pas de savoir comment sera remplacé le courant des centrales nucléaires lors-qu’elles auront cessé de fonctionner. En outre, la Stratégie énergétique 2050 se fonde sur des interventions dirigistes et prévoit 
de nouveaux impôts auxquels les milieux économiques s’opposent.

Sécuriser l’approvisionnement en hiver


Les objectifs formulés en matière d’électricité d’origine renouvelable (11,9 TWh jusqu’en 2035 et 24,2 TWh jusqu’en 2050) sont très ambitieux. Il n’ont, toutefois, guère de sens pour des énergies dont la production est maximum en été et dont le stockage est très difficile; ces dernières ne sont, en effet, d’aucun apport durant les mois d’hiver où la consommation d’électricité est la plus importante. Sans une extension simultanée des infrastructures de réseau, la multiplication des installations décentralisées renforce aussi le risque de coupures d’électricité, comme le montre l’exemple de l’Allemagne.

La concurrence plutôt 
que des subventions


L’augmentation de la rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC) ne résout pas plus les problèmes de stockage et de transport des énergies renouvelables. Elle devrait d’abord profiter aux technologies les plus efficaces et économiques. À moyenne échéance, toutefois, les énergies renouvelables devraient se passer de subventions, ce qui limiterait la charge financière supportée par les consommateurs et éviterait de gonfler certaines branches artificiellement. L’économie salue la volonté d’exempter de RPC les industries gourmandes en énergie afin de préserver leur compétitivité par rapport à l’étranger. Elle demande également d’en dispenser dans une plus large mesure les consommateurs d’électricité industriels.Nous soutenons les objectifs du Conseil fédéral en vue d’accroître l’efficacité énergétique, pour autant que ceux-ci soient atteints par des mesures économiquement rentables. Tout action contraire doit être rejetée, qu’il s’agisse de réformes fiscales unilatérales ou d’incitation étrangères au marché: cela affaiblirait l’attrait et la qualité de notre place économique et menacerait l’emploi. Quant aux mesures bureaucratiques, comme la 
fixation d’objectifs de réduction contraignants pour les fournisseurs d’énergie, 
elles entravent une ouverture du marché de l’électricité aussi urgente qu’indispensable.

Encourager la recherche sans interdire certaines technologies


Le Conseil fédéral a raison d’augmenter les moyens alloués à la recherche dans le domaine de l’énergie, car la Suisse offre des conditions et des structures optimales en ce domaine. En revanche, il serait erroné d’interdire le recours à certaines technologies et de fixer des exigences prohibitives en matière de sécurité et de protection de l’environnement. Toutes les technologies doivent être appréciées de manière neutre, sur la base de critères écologiques et économiques. De plus, l’interdiction de toute nouvelle autorisation générale pour la construction de centrales nucléaires est superflue puisque, selon la loi en vigueur, il n’existe aucun droit subjectif à l’obtention d’une autorisation générale.

Impliquer la population


La stratégie préconisée constitue un véritable changement de paradigme pour notre politique énergétique et environnementale, ce qui appelle une légitimation par la démocratie directe. La population doit non seulement avoir le dernier mot en la matière, mais aussi être dûment informée sur la portée précise des mesures préconisées et des taxes d’incitation qui seront introduites à partir de 2020. Cela vaut tout particulièrement pour les effets qu’auront une augmentation des coûts énergétiques et la détérioration de la sécurité de l’approvisionnement sur la compétitivité de notre économie et les emplois.

Proposition de citation: Pascal Gentinetta (2012). Pour l’économie, la Stratégie énergétique 2050 reste lacunaire. La Vie économique, 01 novembre.