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Le «droit mou» est d’une importance considérable pour la ­responsabilité sociale des entreprises

Le «droit mou» est d’une importance considérable pour la ­responsabilité sociale des entreprises

Les entreprises s’impliquent ­depuis des années en faveur de la société. Elles le font à titre volontaire. La mondialisation a donné un nouveau sens à leurs efforts. On attend des firmes actives à l’étranger qu’elles usent de leur influence pour amener leurs partenaires des pays en développement ou émergents à respecter eux aussi des normes sociales ­élevées et à garantir de bonnes conditions de travail. En Suisse, la société civile s’est emparée de ce thème et exige des règles contraignantes rigides. Une telle approche n’est toutefois pas ­judicieuse. Elle aurait des répercussions néfastes et mettrait en danger les diverses implications de l’économie dans la société.

Les entreprises ne sont pas seulement des employeurs et des contribuables. Depuis des années, elles se préoccupent également de la santé et de la formation de leurs collaborateurs, proposent des crèches ou soutiennent l’art, la culture et le sport. La mondialisation a mis un accent particulier sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE). On attend que celles-ci œuvrent à faire respecter par leurs filiales et partenaires des pays émergents ou en développement les normes sociales et écologiques déjà en vigueur chez nous.Des cadres de référence («droit mou») ont été créés à différents niveaux pour concrétiser ces attentes. Outre des programmes multipartites, les initiatives intergouvernementales lancées notamment par l’OCDE et l’ONU revêtent aussi une grande importance. Du fait qu’elles résultent d’une con-certation internationale, elles favorisent une approche coordonnée de la RSE au ni-
veau mondial. Elles sont, toutefois, suffi-samment souples pour permettre de rele-
ver rapidement des défis spécifiques sur le terrain.

Les efforts des multinationales sont couronnés de succès


Les entreprises actives au niveau international déploient de gros efforts pour répondre à ces attentes. Cet engagement donne des résultats. Leurs activités en matière d’investissements s’accompagnent d’importants mouvements de réformes et renforcent la sécurité sociale. La communauté internationale le reconnaît et continue de soutenir la démarche autorégulatrice de la RSE. Ainsi, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a approuvé en juin 2011 de nouveaux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (principes de Ruggie). Peu auparavant, l’OCDE avait présenté une version actualisée de ses Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales.De toute évidence, l’approche axée sur les processus a été renforcée dans ces deux instruments. Au niveau international, on s’accorde à reconnaître que les abus ne peuvent pas être éliminés du jour au lendemain. Il faut du temps pour imposer les normes nécessaires à chaque fournisseur et à chaque entité administrative. C’est pourquoi tant 
les principes de Ruggie que ceux de 
l’OCDE adoptent une approche pratique 
basée sur l’interaction complexe de tous les acteurs impliqués. Certes, ces deux instruments stipulent que l’obligation de protéger activement l’homme et l’environnement incombe à l’État concerné. Toutefois, les entreprises actives au niveau international sont elles-mêmes tenues de commercer de manière responsable et de faire en sorte que la situation s’améliore chez leurs partenaires commerciaux. Cette approche centrée sur les processus est aussi à la base de la procédure prévue par les Principes directeurs de l’OCDE pour l’examen des plaintes en cas de comportement litigieux. Les parties prenantes doivent œuvrer là aussi, par le dialogue et l’échange d’expériences, à trouver une solution pour l’avenir. La contribution des entreprises à la promotion du développement durable dans le monde revêt ainsi autant d’importance que les efforts visant à empêcher les violations des normes sociales et environnementales commises avec leur participation.

L’approche excessive des ONG


Malgré l’adhésion évidente de la communauté internationale au «droit mou» et le succès de cette approche, la société civile a lancé en Suisse la pétition Droit sans frontières. Elle exige que les entreprises suisses répondent très largement des activités de leurs filiales et de leurs fournisseurs à l’étranger. Une telle responsabilité contredit fondamentalement les principes d’un système légal évolué. Elle ne figure d’ailleurs dans aucun ordre juridique comparable. Par plusieurs aspects, une approche aussi excessive va à l’encontre de l’objectif poursuivi par la promotion de la RSE au niveau international. Elle met en péril le climat de confiance mutuel indispensable à la réussite des initiatives prises en faveur de toutes les parties prenantes. De surcroît, elle pourrait amener les entreprises, actuellement très impliquées dans ce processus, à réduire leur engagement pour se limiter à éviter les risques juridiques.

Proposition de citation: Denise Laufer (2012). Le «droit mou» est d’une importance considérable pour la ­responsabilité sociale des entreprises. La Vie économique, 01 décembre.