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Mieux vaut des normes RSE volontaires que de 
nouveaux conflits entre ordres juridiques

L’économie prend les questions de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) très au sérieux, surtout à l’échelle internationale. Elle a tout à fait conscience des problèmes que les actions d’entreprises isolées peuvent représenter pour la réputation de notre place économique dans son ensemble. Aussi Economiesuisse s’engage-t-elle depuis des décennies, de manière active et constructive, en collabora-tion avec les autorités suisses compétentes ou au sein d’instances internationales, en faveur de la RSE. Les expériences faites sont sans appel: seules des normes ­volontaires permettent de parvenir au but, tandis que si elles sont ­juridiquement contraignantes, des litiges extraterritoriaux apparaîtront.

La pétition Droit sans frontières veut «brider» les multinationales ayant leur siège en Suisse et introduire la possibilité de porter plainte contre toute violation des droits humains ou normes environnementales de leur part dans le monde. Dans ces domaines, les entreprises suisses jouissent pourtant d’une excellente réputation à l’étranger. Nos multinationales n’opèrent aucunement dans un espace de non-droit. Elles sont soumises tant au droit suisse qu’aux dispositions légales des pays où elles sont actives. Travailler dans une entreprise suisse à l’étranger est une garantie de revenu pour des millions de familles et d’individus et améliore substantiellement leur niveau de vie. Souvent, nos entreprises offrent des conditions nettement plus favorables que leurs concurrentes. Les exemples avancés dans le cadre de cette campagne constituent donc davantage des allégations que des faits avérés et certains d’entre eux sont même contredits par des décisions ayant force de chose jugée.Economiesuisse s’implique dans les discussions internationales qui traitent du sujet, notamment dans le cadre de l’OCDE, de l’ONU et de la Chambre de commerce internationale. L’organisation faîtière des entreprises suisses abrite, par ailleurs, le réseau suisse du Pacte mondial (UN Global Compact Network Switzerland) par l’intermédiaire du comité suisse de la Chambre de commerce 
internationale (ICC Switzerland).

Se focaliser sur la responsabilité 
juridique ne mène nulle part


Il est problématique de se concentrer ­unilatéralement sur une approche juridique. En jugeant des faits qui se produisent dans d’autres pays, les tribunaux suisses s’ingéreraient dans leurs affaires. Comme la Suisse exclut, à raison, pareille application extraterritoriale chez elle de tout droit étranger, elle doit se tenir au même principe dans l’autre sens. Conduire des investigations sur place violerait forcément la souveraineté de l’État concerné, entraînerait de graves problèmes en matière de politique extérieure et compliquerait les instructions. Donner la priorité aux responsabilités et obligations juridiques soulève aussi inévitablement des questions de délimitation. Tout instrument juridique contraignant dépourvu d’un large soutien international aboutit surtout à des litiges sur les normes de droit à appliquer et sur les compétences juridictionnelles.

Des mesures volontaires pour une flexibilité accrue et une action plus rapide


Les instruments volontaires et un droit international souple permettent de surmonter les disparités entre les différentes cultures juridiques, ainsi que les problèmes de délimitation. Cela concerne particulièrement les Principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales, qui ont été récemment révisés à la suite d’un processus ayant reçu un large soutien. Les entreprises suisses acceptent totalement le concept de responsabilité sociétale et assument leurs obligations. On le voit à travers les mécanismes de compte-rendu qui se développent et se répandent toujours plus, créant de la transparence, mais aussi au nombre impressionnant d’adhérents au Pacte mondial, programme clé volontaire conduit par l’ONU. De très nombreuses entreprises établies en Suisse se sont engagées à appliquer ses dix principes fondamentaux et établissent chaque année un rapport relatant les mesures concrètes et les efforts déployés pour les mettre en œuvre. Le réseau suisse permet à ses adhérents d’échanger leurs 
expériences et d’instaurer avec les parties prenantes un dialogue sur des thèmes précis.Au final, les mesures volontaires permettent de tendre vers des objectifs plus ambitieux et d’améliorer véritablement et efficacement la situation sur le terrain. Tout cela nécessite, cependant, du temps et un engagement à plus long terme, sans oublier la confiance dans les différents acteurs impliqués. L’introduction unilatérale en Suisse de droits d’intenter directement une action juridique saperait la disponibilité des entreprises au dialogue et leur volonté d’aller au-delà des obligations légales pour s’engager dans des mesures volontaires. Les rapports de confiance sont indispensables pour un dialogue constructif et celui-ci ne peut que souffrir si des actions en justice et des campagnes unilatérales occupent le devant de la scène. La pétition met donc directement à mal le processus constructif engagé.

Proposition de citation: Thomas Pletscher (2012). Mieux vaut des normes RSE volontaires que de 
nouveaux conflits entre ordres juridiques. La Vie économique, 01 décembre.