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Comment la situation internationale 
influence-t-elle la conjoncture suisse?

La Suisse est généralement considérée comme l’exemple parfait d’une économie ouverte de petite taille. Cela se manifeste par le rôle prépondérant du commerce extérieur: tant les exportations que les importations dépassent aujourd’hui 50% du produit intérieur brut (PIB) et influencent ainsi fortement la conjoncture du pays. En quelques trimestres au cours des années 2008 et 2009, la Suisse a enregistré la plus forte chute de son PIB ­depuis plusieurs décennies. La grande récession déclenchée par la crise financière a une fois de plus montré que les variations conjoncturelles dans le reste du monde peuvent avoir un impact notable sur l’évolution économique du pays. Plus ré­cemment (2011 et 2012), l’endettement et les difficultés économiques rencontrés par plusieurs pays européens se sont également répercutés sur les exportations suisses. À l’opposé, le dynamisme des économies asiatiques a offert de nouveaux débouchés.

Quelle est l’importance du reste du monde pour une économie ouverte de petite taille comme la Suisse? Quel a été le rôle de l’Europe et de l’Asie dans ce contexte? Le présent article se propose d’examiner ces questions sur la base d’un modèle empirique et des chiffres du commerce extérieur suisse. Dans une première étape, les auteurs démontrent à quel point le PIB helvétique est tributaire de l’évolution économique étrangère. Ils examinent ensuite les liens spécifiques avec l’Europe et l’Asie ainsi que leur évolution au fil du temps. Il ressort de cette analyse que la structure des exportations suisses se modifie fortement tant en fonction de leur répartition régionale que de leur 
diversification par branche. Les différences régionales semblent, du moins partielle-ment, tenir à la composition sectorielle des exportations.

Répercussion des variations et des chocs externes


Les variations conjoncturelles se répercutent au-delà des frontières nationales à ­travers, d’une part, l’économie réelle et, d’autre part, le secteur financier. Les effets directs sur le commerce extérieur sont évidents: les exportations suisses ont crû fortement durant la phase de croissance mondiale qui a précédé la crise de 2008–09, puis chuté lorsque cette dernière a éclaté. Outre les variations conjoncturelles, celles du taux de change influent également sur la demande de produits suisses. Une forte appréciation du franc réduit leur compétitivité à l’étranger et a donc un impact négatif sur l’évolution des exportations.Les variables financières, comme les taux d’intérêt ou les taux de change transmettent les chocs financiers ou monétaires. Les économistes entendent par là une modification soudaine et inattendue de ces variables. Les marchés financiers se sont notamment conduits comme une véritable caisse de résonnance dans un passé récent. Toutefois, même dans des temps moins troublés, les décisions des banques nationales étrangères en matière de taux d’intérêt, par exemple, continuent d’avoir des conséquences sur les taux de change et le contexte financier dans lequel évoluent les entreprises.À plus long terme, d’autres facteurs ont leur importance, comme l’évolution de la population active et le transfert international d’entreprises ou de sites de production. Les cadres réglementaires institutionnels, tels que le régime des marchés financiers, la politique fiscale et de formation ou d’autres facteurs similaires, jouent également un rôle au-delà des frontières nationales. Cela étant, le présent article se concentre sur les aspects conjoncturels, autrement dit sur le court et moyen terme.Des méthodes économétriques permettent d’évaluer l’influence des économies étrangères sur celle de la Suisse. Dans ce contexte, les relations entre les activités économiques étrangère et suisse sont déterminées par référence au passé. Les méthodes d’évaluation et les données utilisées sont décrites plus en 
détail dans l’encadré 1

Données et méthodes


Pour la Suisse, les données utilisées con-cernent le produit intérieur brut (PIB) réel corrigé des variations saisonnières, l’inflation – sur 
la base de l’indice des prix à la consommation –, les importations et les exportations (corrigées des variations saisonnières), le taux de chômage (corrigé des variations saisonnières) et le taux d’intérêt interbancaire à trois mois. Les fluc-
tuation de la demande mondiale illustrent la 
situation conjoncturelle internationale (voir ­encadré 2). Comme la demande mondiale, le taux de change nominal est mesuré par un indice pondéré. Dans une autre variante du modèle, le PIB sans le commerce extérieur (PIB – exportations + importations) est utilisé au lieu du PIB total. Les niveaux de taux d’intérêt et de chômage ont été pris en compte. Pour les autres séries de données, c’est le taux de croissance qui est employé. Le modèle estimé est un VAR qui s’assimile à des équations apparemment indépendantes («Seemingly Unrelated Regression Model», SUR). La demande mondiale est considérée comme exogène a. Formellement, soitt la variable étrangère et Yt le vecteur avec les variables domestiques, l’équation du modèle VAR s’écrit: Le vecteur c contient les constantes, l’opé-
rateur traditionnel de retard L est utilisé, et Zt représente un vecteur de termes d’erreur multi-variés à distribution normale. Les variables étant ainsi réparties, l’identification des chocs exogènes s’obtient par le biais d’une décomposition de Cholesky. On réalise ensuite une estimation 
de la variance des erreurs de prévision afin de mesurer la contribution des chocs exogènes aux fluctuations des variables domestiques. a Tao Zha (1999) traite cette hypothèse d’exogénéité pour une économie ouverte de petite taille. La procédure choisie ici suit son approche. .

Corrélation entre le PIB suisse et ­l’activité à l’étranger


La corrélation des taux de croissance trimestriels permet d’estimer, sur une première base, jusqu’à quel point l’évolution conjoncturelle de la Suisse est en phase avec celle du monde, de l’Europe et de l’Asie (voir graphique 1). Pour la période allant de 1992 
à 2012, la corrélation entre le PIB et la 
demande mondiale s’inscrit à 0,55 (voir encadré 2), à 0,48 avec la demande européenne et à 0,34 avec celle de l’Asie. Ainsi, tous les coefficients de corrélation s’écartent significativement de zéro
Les séries ont été corrigées de l’autocorrélation, afin que l’ampleur de la corrélation puisse être cernée avec une meilleure précision.. En dehors de cela, il n’existe pas de liens dynamiques clairs entre ces variables, autrement dit ni la demande mondiale, ni la demande européenne, ni la demande asiatique ne sont des indicateurs retardés ou avancés du PIB suisse. Ces corrélations permettent donc uniquement de conclure que l’économie suisse a évolué en grande partie au même rythme que l’économie mondiale et européenne. Le lien avec l’évolution de l’économie asiatique, par contre, est moins marqué. U
 pour déterminer l’influence causale des facteurs étrangers sur différentes variables suisses.

Résultats du modèle économétrique


La procédure choisie repose sur une approche multivariée pour illustrer la corrélation entre les données nationales et étrangères. La méthode utilisée est celle du modèle de régression apparemment indépendante (voir encadré 1

Données et méthodes


Pour la Suisse, les données utilisées con-cernent le produit intérieur brut (PIB) réel corrigé des variations saisonnières, l’inflation – sur 
la base de l’indice des prix à la consommation –, les importations et les exportations (corrigées des variations saisonnières), le taux de chômage (corrigé des variations saisonnières) et le taux d’intérêt interbancaire à trois mois. Les fluc-
tuation de la demande mondiale illustrent la 
situation conjoncturelle internationale (voir ­encadré 2). Comme la demande mondiale, le taux de change nominal est mesuré par un indice pondéré. Dans une autre variante du modèle, le PIB sans le commerce extérieur (PIB – exportations + importations) est utilisé au lieu du PIB total. Les niveaux de taux d’intérêt et de chômage ont été pris en compte. Pour les autres séries de données, c’est le taux de croissance qui est employé. Le modèle estimé est un VAR qui s’assimile à des équations apparemment indépendantes («Seemingly Unrelated Regression Model», SUR). La demande mondiale est considérée comme exogène. a. Formellement, soitt la variable étrangère et Yt le vecteur avec les variables domestiques, l’équation du modèle VAR s’écrit: Le vecteur c contient les constantes, l’opé-
rateur traditionnel de retard L est utilisé, et Zt représente un vecteur de termes d’erreur multi-variés à distribution normale. Les variables étant ainsi réparties, l’identification des chocs exogènes s’obtient par le biais d’une décomposition de Cholesky. On réalise ensuite une estimation 
de la variance des erreurs de prévision afin de mesurer la contribution des chocs exogènes aux fluctuations des variables domestiques. a Tao Zha (1999) traite cette hypothèse d’exogénéité pour une économie ouverte de petite taille. La procédure choisie ici suit son approche. ). La demande mondiale y est traitée comme une variable exogène. Les chocs intérieurs, tels qu’une augmentation inattendue des taux d’intérêt ou du chômage en Suisse, n’ont donc aucun effet sur le PIB étranger. Le modèle permet d’évaluer la proportion de fluctuations subies par des variables indigènes qui s’explique par des facteurs exogènes. La variance du PIB suisse à long terme provient ainsi, pour 55%, de chocs extérieurs.Au lieu de considérer le PIB dans son ensemble, on peut séparer les composantes indigènes et le commerce extérieur. Les premières se calculent sur la base du PIB sans le commerce extérieur. Le résultat des estimations montre qu’elles ne sont, à court terme, que faiblement influencées par les chocs exogènes. À plus long terme, l’influence de ces chocs sur les composantes indigènes grimpe à 15%, soit un niveau relativement faible en regard de la part «étrangère» du PIB global, qui est de 55%. Cette nette différence entre l’impact sur l’ensemble du PIB suisse et celui subi par les composantes du secteur domestique indique à elle seule l’importance extrêmement forte du commerce extérieur. La variance de ce dernier s’explique à 54% directement par des facteurs extérieurs. À long terme, cette valeur augmente à 56%
On pourrait s’attendre à ce que la moyenne pondérée de la variance des erreurs de prévision concernant les exportations et les importations ainsi que le secteur domestique correspondent à celle du PIB. Ce n’est pas le cas, car la somme de la variance des rubriques précitées n’est pas égale à la variance de l’agrégat.. Les chocs exogènes contribuent pour 37% aux variations du taux de chômage. À court terme, celui-ci dépend peu de l’étranger (8%). Autrement dit, le commerce extérieur se répercute directement sur le PIB à tra-
vers les exportations, ce qui touche également peu à peu la conjoncture intérieure et le marché du travail.

Coup de projecteur sur le commerce ­extérieur


Depuis le milieu des années nonante, le commerce extérieur joue un rôle de premier plan dans la conjoncture suisse. Si en 1995 le total des exportations correspondait encore à environ 35% du PIB, il est depuis 2006 largement supérieur à 50%. Attention toutefois à n’en pas conclure que la moitié du PIB suisse provient des exportations (voir encadré 3

Un franc sur deux est-il gagné à l’étranger?


En 2011, le total des exportations suisses s’élevait à quelque 300 milliards de francs en termes nominaux, soit plus de 50% du PIB (587 milliards de francs en termes nominaux), ce qui est révélateur de la forte imbrication des flux commerciaux qui unissent notre pays à l’étranger. Il serait, toutefois, erroné d’en conclure que plus de la moitié de la valeur ajoutée suisse (= PIB) provient des expor-
tations. En effet, pour calculer la contribu-tion des exportations à la valeur ajoutée globale, il convient de soustraire aux exportations les importations (dont la valeur ajoutée est affectée à l’étranger) qui sont réexportées. Le total des importations suisses s’est élevé en 2011 à environ 237 milliards de francs en termes nominaux. Selon la Direction générale des douanes, il n’existe pas pour la Suisse de données relatives au montant des réexportations. Pour l’Allemagne, l’Office statistique avait évalué en 2002 que la part des importations donnant lieu à des réexportations s’élevait à environ 40% a. Si l’on conserve ce chiffre, les exportations suisses ne représenteraient qu’un tiers environ du PIB.

a Bundesministerium für Wirtschaft und Technologie, Fakten zum deutschen Aussenhandel, 2011 (p.2). Internet: www.bmwi.de/BMWi/Redaktion/PDF/F/fakten-zum-deutschen-aussenhandel-2011). Les données fournies par la Direction générale des douanes permettent une analyse 
descriptive approfondie des exportations 
de marchandises, prenant en compte les dimensions à la fois temporelle, régionale et sectorielle.Sa situation géographique au cœur de l’Europe rend la Suisse particulièrement ­tributaire de celle-ci. En 2012, près de 60% des exportations de marchandises
Les données de la Direction générale des douanes permettent de répartir les exportations par rubrique et par pays. Pour les exportations de services, qui se composent principalement de licences et de brevets, d’exportations dans le commerce de transit, de ser-vices financiers ainsi que de services de transport et de tourisme, il existe moins de données détaillées. En 2011, les exportations de marchandises représentaient plus des deux tiers des exportations totales. lui étaient destinées. Il devient donc évident qu’une crise structurelle persistante en Europe ou, tout au moins, dans le sud du continent, ne manquerait pas de se répercuter sur la conjoncture suisse à travers le commerce ­extérieur.Dès 2008-09, les ventes vers l’Europe (–14%) étaient celles qui avaient de loin le plus concouru à la forte baisse des exportations suisses. En comparaison, les marchandises exportées vers les autres régions du monde avaient nettement moins reculé (entre –3% et –7%). Cela peut surprendre, à première vue, puisque la crise était née sur le continent américain et que les échanges commerciaux se sont effondrés quasiment dans le monde entier. Quoi qu’il en soit, 
les exportations suisses se sont plutôt bien défendues dans toutes les autres régions du monde (Amérique du Nord comprise) et avaient renoué avec les niveaux antérieurs 
à la crise dès les trimestres suivants, avant d’atteindre des niveaux record en 2012 (voir graphique 2).Par contre, les exportations de marchandises à destination de l’Europe ont peu évolué depuis 2009. Leur quote-part dans le total s’est, par conséquent, contractée au profit d’autres régions à la croissance plus forte, si bien que la diversification régionale (ou du moins continentale) des exportations suisses a augmenté durant les dernières années. La part de l’Amérique du Nord dans le total des exportations est ainsi passée de 8% en 1990 à 13% en 2012 et celle de l’Asie de 15% en 1990 à 23% en 2012.

Europe: des exportations suisses sensibles aux variations conjoncturelles et à la faiblesse de la croissance


Derrière l’évolution en demi-teinte des exportations à destination de l’Europe se cache également une évolution régionale hétérogène. En effet, si l’on considère les cinq pays d’Europe du Sud que sont Chypre, l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal, on constate une tendance baissière continue 
depuis quatre ans (voir graphique 3). En 
revanche, les exportations vers tous les autres pays d’Europe ont augmenté légèrement en termes nominaux et fortement en termes réels
Il n’y a pas de déflateur des exportations vers un pays donné. Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) calcule, toutefois, des déflateurs au niveau trimestriel pour une dizaine de rubriques concernant des exportations de marchandises, sur la base desquels des déflateurs régionaux peuvent être établis. Pour ce faire, il faut néanmoins supposer que les discriminations tarifaires au niveau régional sont limitées et que la structure des exportations par branches et régions sont plus ou moins identiques..L’évolution des exportations en termes réels vers les autres pays d’Europe se révèle nettement plus positive. Bon nombre d’entreprises suisses ont pu baisser leurs prix, notamment en raison de l’évolution défavorable du taux de change. Une évolution nominale constante lorsque les prix baissent implique une augmentation des volumes. Le corollaire négatif de cette évolution croissante en termes réels tient au fait que les 
exportateurs suisses ont probablement accusé des pertes en termes de marge et de chiffre d’affaires.Si l’on considère les catégories de marchandises, on constate que les exportations vers l’Europe sont dominées par les secteurs des machines, des métaux et des produits pharmaceutiques (voir graphique 4). La crise a eu peu d’impact sur le secteur pharmaceutique. Au cours des dernières années, une consolidation à très haut niveau est apparue dans cette catégorie. À ce jour, par contre, les secteurs des machines et des métaux, très sensibles aux variations conjoncturelles, ne se sont toujours pas remis de la crise. L’industrie chimique, ainsi que les secteurs des montres et de la bijouterie, ont également connu une croissance mesurée, tandis que les exportations d’instruments de précision ont légèrement reculé ces dernières années. Peu de machines et d’instruments de précision sont exportés vers l’Europe du Sud (dont la part avoisine les 5%). Exception faite des montres et de la bijouterie, toutes les catégories d’exportations à destination de l’Europe du Sud ont soit stagné, soit diminué depuis 2009.

Asie: exportations soutenues de produits pharmaceutiques, de montres et de ­bijoux


L’Asie évolue dans un sens diamétralement opposé à l’Europe. Tandis que de nombreux pays européens se démènent pour faire face à un endettement considérable, à une activité économique stagnante et à un taux de chômage élevé, aucune autre région du monde n’a été plus dynamique que l’Asie. Tous les exportateurs n’en ont pas profité dans la même mesure. L’augmentation des exportations de montres et de bijoux a été particulièrement marquée. Tandis que ces branches comptaient encore parmi les grands perdants de la crise économique et financière de 2008–09 (voir graphique 5), leur croissance est spectaculaire depuis l’été 2009. En seulement trois ans, les exportations vers l’Asie ont doublé. Destinataire de 35% des exportations de montres, ce continent 
devance – et de loin – toutes les autres régions du monde. L’Europe, par exemple, n’en absorbe que 8%, tandis que la moyenne mondiale s’établit à 15%. Les exportations de machines ont – avec les montres et les bijoux – accusé les plus fortes pertes en termes de chiffre d’affaires durant la crise économique et financière. La reprise a certes été du même ordre de grandeur que pour l’industrie horlogère à partir de l’été 2009, mais elle s’est interrompue abruptement en 2010 et a subi un nouveau ralentissement. Depuis, les exportations de machines ont retrouvé le niveau de 2009. La troisième catégorie majeure d’exportations, constituée par les produits pharmaceutiques, a enregistré une croissance fulgurante, similaire à celle qu’elle a connue en Europe, et 
n’a quasiment pas été touchée par la crise. Les exportations d’instruments de précision ont, elles aussi, été solides et ont contribué à stabiliser les ventes à l’étranger.En comparant l’Asie avec d’autres régions du monde, on constate que les produits pharmaceutiques comptent certes parmi les principaux biens d’exportation et que la croissance a été très dynamique. Cependant, cette catégorie de produits ne joue pas un rôle aussi important en Asie comme en Europe, ce qui tient à certaines spécificités du marché chinois et de Hong Kong.

Différencier la Chine et Hong Kong du reste de l’Asie


Avec un PIB dont la croissance moyenne a été de quelque 10% par an au cours de la dernière décennie, la Chine/Hong Kong est devenue le principal débouché de la Suisse dans la zone asiatique. La palette des produits qu’elle y vend se distingue, toutefois, dans certains cas fortement de ceux exportés vers d’autres pays; cela provient probablement en grande partie du niveau de développement de la Chine. Le revenu par habitant de cette vaste population demeure relativement bas. Les produits pharmaceutiques, qui représentent 12% de toutes les exportations vers la Chine/Hong Kong, ont donc un poids relativement faible. Habituellement les dépenses en produits pharmaceutiques ont tendance à augmenter avec les revenus.Comme cela a été dit plus haut, les exportations à destination de l’Asie (–3%) ont connu un recul moins important, durant la crise économique et financière de 2008–09, que pour d’autres régions du monde; toutefois, cela n’est que partiellement vrai pour la Chine/Hong Kong. Le ralentissement (–7%) n’a été que légèrement inférieur à celui des exportations totales (voir graphique 6). Les ventes à l’étranger de montres et de bijoux (–18,6%) ainsi que de machines (–21,7%) ont été plus touchées que la moyenne, bien que les premières se soient reprises assez rapidement. Certaines branches, telles que l’industrie pharmaceutique, ont toutefois profité d’une demande relativement élevée en provenance de la Chine/Hong Kong en 2009. Enfin, les exportations de produits pharmaceutiques et de bijoux vers la Chine ont crû fortement peu après la crise. Selon une étude de Degen (2009), une très grande proportion des consommateurs fortunés de ce pays s’achètent des biens de luxe. La part de la Chine et de Hong Kong dans le total des 
exportations est par conséquent passée de 4,9% en 2009 à presque 7% en 2012. Depuis la fin de la crise économique en 2009, près de la moitié (47%) de la croissance des exportations revenait à l’Asie; avant la crise, cette proportion n’était que de 28%.Bien que les exportations suisses vers 
la Chine/Hong Kong aient été multipliées par 2,5 en termes nominaux en dix ans (2002-2012), cette évolution n’a rien d’exceptionnel, en comparaison internationale. Durant la même période, les exportations de la zone euro vers la Chine/Hong Kong ont connu une trajectoire similaire. Cela étant, depuis 2010, les importations chinoises stagnent et les exportations suisses vers la Chine s’inscrivent en léger recul.

Conclusion


Une économie ouverte de petite taille comme la Suisse est fortement tributaire de l’évolution conjoncturelle à l’étranger. Celle-ci influe en premier lieu sur la conjoncture intérieure à travers les exportations; à plus long terme, l’économie nationale sera, elle aussi, touchée. L’exposition de l’industrie d’exportation aux chocs externes dépend, d’une part, de la diversification géographique et, d’autre part, de la diversification sectorielle.Pour les exportations totales ainsi que la majorité des branches, l’Europe demeure le principal marché de destination. En 2008-09, c’est dans cette région que les exportations suisses ont le plus souffert. Cette évolution cache, toutefois, de grandes disparités au 
niveau de la diversification régionale de 
certaines branches. Le fait que les exportations de marchandises à destination de l’Amérique du Nord et de l’Asie proviennent de branches relativement moins sensibles à la conjoncture (produits pharmaceutiques) ou plus dynamiques (montres et bijoux) qu’en Europe explique également pourquoi les exportations de la Suisse vers l’Europe accusent le recul le plus important. Les produits pharmaceutiques et chimiques ainsi que les montres et les instruments de précision constituent environ 75% des exportations totales à destination de l’Amérique du Nord, de l’Asie et du reste du monde, tandis qu’en Europe, l’industrie 
des machines et les autres rubriques ont le même poids (environ 50%). Ainsi, il serait plus correct de parler d’une crise des exportations de machines ou d’un «boom» des exportations de produits pharmaceutiques et des montres et bijoux plutôt que d’une faiblesse générale des exportations destinées à l’espace européen (excepté l’Europe du Sud).Une vaste diversification des exportations sur le plan géographique permet en premier lieu de se prémunir contre les variations conjoncturelles régionales comme la crise asiatique de 1997. En cas de crise mondiale, tels que les événements qui ont ébranlé le monde de la finance en 2008–09, la diver-
sification géographique à elle seule n’est pas suffisante, puisque toutes les régions sont alors touchées. Pour absorber les effets d’une crise, il est primordial de disposer d’un bon dosage comprenant quelques branches ­structurellement solides et résistantes aux variations conjoncturelles, comme l’industrie pharmaceutique en Suisse.

Graphique 1: «Évolution de la demande par région du monde comparée au PIB suisse, 2000–2012»

Graphique 2: «Répartition géographique des exportations suisses, 1988–2012»

Graphique 3: «Répartition géographique des exportations suisses en Europe, 1988–2012»

Graphique 4: «Exportations de différentes branches vers l’Europe, 1988–2012»

Graphique 5: «Exportations de diverses branches vers l’Asie, 1988–2012»

Graphique 6: «Répartition géographique des exportations suisses en Asie, 1988–2012»

Encadré 1: Données et méthodes

Données et méthodes


Pour la Suisse, les données utilisées con-cernent le produit intérieur brut (PIB) réel corrigé des variations saisonnières, l’inflation – sur 
la base de l’indice des prix à la consommation –, les importations et les exportations (corrigées des variations saisonnières), le taux de chômage (corrigé des variations saisonnières) et le taux d’intérêt interbancaire à trois mois. Les fluc-
tuation de la demande mondiale illustrent la 
situation conjoncturelle internationale (voir ­encadré 2). Comme la demande mondiale, le taux de change nominal est mesuré par un indice pondéré. Dans une autre variante du modèle, le PIB sans le commerce extérieur (PIB – exportations + importations) est utilisé au lieu du PIB total. Les niveaux de taux d’intérêt et de chômage ont été pris en compte. Pour les autres séries de données, c’est le taux de croissance qui est employé. Le modèle estimé est un VAR qui s’assimile à des équations apparemment indépendantes («Seemingly Unrelated Regression Model», SUR). La demande mondiale est considérée comme exogène. a. Formellement, soitt la variable étrangère et Yt le vecteur avec les variables domestiques, l’équation du modèle VAR s’écrit: Le vecteur c contient les constantes, l’opé-
rateur traditionnel de retard L est utilisé, et Zt représente un vecteur de termes d’erreur multi-variés à distribution normale. Les variables étant ainsi réparties, l’identification des chocs exogènes s’obtient par le biais d’une décomposition de Cholesky. On réalise ensuite une estimation 
de la variance des erreurs de prévision afin de mesurer la contribution des chocs exogènes aux fluctuations des variables domestiques. a Tao Zha (1999) traite cette hypothèse d’exogénéité pour une économie ouverte de petite taille. La procédure choisie ici suit son approche.
Encadré 2: La demande mondiale

La demande mondiale


Le principal déterminant de la demande en produits suisses est l’évolution du revenu dans le reste du monde. Celle-ci peut se mesurer de manière relativement fiable à travers l’évolution du PIB. L’indicateur de la demande mondiale correspond par conséquent à la moyenne des taux de croissance du PIB cor-rigés des variations saisonnières (source: 
Datastream) des principaux partenaires 
commerciaux de la Suisse, pondérée en fonction de leur participation aux exportations suisses (source: AFD); les coefficients varient donc au fil du temps. Les pays suivants ont été pris en compte: Allemagne (19,9%), États-Unis (11,1%), Italie (7,2%), France (6,9%), Royaume-Uni (5,0%), Chine (3,8%), Hong Kong (3,3%), Japon (3,1%), Autriche (2,8%), Espagne (2,7%), Inde (1,3%), Sin-gapour (1,6%), Canada (1,6%), Australie (1,3%), Brésil (1,2%), Russie (1,2%) et 
Suède (0,8%). Ils représentent environ 75% des exportations suisses. Les chiffres ci-
dessus correspondent à l’année 2012.

La demande européenne est un indice 
pondéré comprenant les des taux de croissance des principaux débouchés de l’économie suisse. La démarche est la même pour la demande asiatique.

Encadré 3: Un franc sur deux est-il gagné à l’étranger?

Un franc sur deux est-il gagné à l’étranger?


En 2011, le total des exportations suisses s’élevait à quelque 300 milliards de francs en termes nominaux, soit plus de 50% du PIB (587 milliards de francs en termes nominaux), ce qui est révélateur de la forte imbrication des flux commerciaux qui unissent notre pays à l’étranger. Il serait, toutefois, erroné d’en conclure que plus de la moitié de la valeur ajoutée suisse (= PIB) provient des expor-
tations. En effet, pour calculer la contribu-tion des exportations à la valeur ajoutée globale, il convient de soustraire aux exportations les importations (dont la valeur ajoutée est affectée à l’étranger) qui sont réexportées. Le total des importations suisses s’est élevé en 2011 à environ 237 milliards de francs en termes nominaux. Selon la Direction générale des douanes, il n’existe pas pour la Suisse de données relatives au montant des réexportations. Pour l’Allemagne, l’Office statistique avait évalué en 2002 que la part des importations donnant lieu à des réexportations s’élevait à environ 40% a. Si l’on conserve ce chiffre, les exportations suisses ne représenteraient qu’un tiers environ du PIB.

a Bundesministerium für Wirtschaft und Technologie, Fakten zum deutschen Aussenhandel, 2011 (p.2). Internet: www.bmwi.de/BMWi/Redaktion/PDF/F/fakten-zum-deutschen-aussenhandel-2011
Encadré 4: Bibliographie

Bibliographie

  • Degen Ronald, «Opportunity for luxury brands in China», International School of Management Paris, 2009, Working Paper, n° 31/2009.
  • Zha Tao, «Block Recursion and Structural Vector Autoregressions», Journal of Econometrics, vol. 90, n° 2, juin 1999.

Proposition de citation: Ronald Indergand ; Stefan Leist ; (2013). Comment la situation internationale 
influence-t-elle la conjoncture suisse. La Vie économique, 01 janvier.