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Effets de l’immigration sur les salaires: dix ans d’expérience en matière de libre circulation des personnes

L’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) a progressivement ouvert le marché suisse du travail aux travailleurs et aux prestataires de services provenant des États de l’Union européenne (UE) et de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Des mesures d’accompagnement ont été introduites en parallèle afin d’éviter que cela n’ait des conséquences néfastes sur les conditions de travail et le niveau des salaires en Suisse. Les effets de l’immigration sur ce dernier point sont un thème récurrent du débat politique. Près de dix ans après l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, les études empiriques disponibles ne montrent cependant aucune pression générale sur les salaires en Suisse.

L’Accord sur la libre circulation des ­personnes entre la Suisse et l’UE


Entré en vigueur en 2002, l’ALCP
Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes; SR 0.142.112.681. entre la Suisse et l’UE
Les mêmes règles s’appliquent aux États de l’AELE. a progressivement libéralisé l’accès au marché du travail sur le territoire des États signataires. En Suisse, les contingents de main-d’œuvre issue des États membres de l’UE et de l’AELE ont été progressivement supprimés. Les contrôles préalables des conditions de salaire et de travail, ainsi que le principe de la priorité de la main-d’œuvre indigène, qui étaient des conditions nécessaires pour l’octroi d’une autorisation de travail, ont également été abolis progressivement. L’ALCP a aussi permis de libéraliser partiellement les prestations de service transfrontalières. Les travailleurs détachés et les indépendants peuvent désormais offrir sans autorisation leurs prestations sur le territoire suisse pendant au maximum nonante jours par année civile. Ils sont uniquement soumis à l’obligation d’annonce. Près de 370 000 personnes (chiffre net) issues des États de l’UE et de l’AELE ont immigré en Suisse depuis l’entrée en vigueur de l’ALCP. Au cours des dix dernières années, l’emploi des frontaliers a également pro-gressé, passant d’environ 160 000 à plus 
de 260 000 personnes. Le nombre de prestataires de services soumis à l’obligation d’annonce a, par ailleurs, régulièrement augmenté depuis l’entrée en vigueur de l’ALCP et s’élevait en 2011 à près de 90 000 personnes.L’économie suisse a enregistré au cours des dix dernières années une progression supérieure à la moyenne internationale. L’augmentation du nombre de migrants issus des États de l’UE et de l’AELE lui a largement permis de faire face à ses importants besoins de main-d’œuvre (surtout qualifiée). En ce sens, la libre circulation des personnes a élargi ses possibilités de recrutement, favorisant ainsi la croissance économique et l’emploi.

Les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes


On craignait que l’augmentation de l’immigration, consécutive à l’introduction de l’ALCP et à l’ouverture du marché du travail, ne détériore les conditions de travail et de salaire en Suisse. Pour prévenir ce risque, des mesures d’accompagnement ont été mises sur pied parallèlement à l’introduction progressive de la libre circulation des personnes (voir

encadré 1

Les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes


Des mesures d’accompagnement a ont été introduites en 2004, suite à l’introduction de la libre circulation des personnes, pour protéger les travailleurs contre le risque de sous-enchère salariale abusive et de détérioration des conditions de travail. Elles permettent de contrôler le respect des conditions minimales ou usuelles dans ce domaine. La législation 
prévoit des sanctions si celles-ci ne sont pas respectées. De plus, des salaires minimums peuvent être introduits dans une branche en cas de sous-enchère 
salariale abusive et répétée.

Différents acteurs sont chargés de la mise en œuvre des mesures d’accompagnement. Les organes d’exécution vérifient, dans le cadre de leurs activités de contrôle, si les prestataires de services étrangers respectent bien les conditions de travail et de salaire en vigueur en Suisse. Les commissions tripartites (composées de représentants des partenaires sociaux et de l’État), chargées de surveiller le marché du travail, et les commissions paritaires (composées de représentants des syndicats et des employeurs), responsables de l’exécution habituelle de conventions collectives de travail dont le champ d’application a été étendu (CCT étendues), contrôlent de leur côté les conditions de travail au sein des entreprises suisses. La surveil-lance du marché de l’emploi dans le cadre des mesures d’accompagnement comprend ainsi le contrôle des conditions de travail pour les travailleurs étrangers détachés en Suisse et des conditions appliquées par les entreprises suisses dans toutes les branches, qu’une CCT étendue existe ou non.

Les activités de contrôle liées aux mesures d’accompagnement ont régulièrement renforcées ces dernières années et consolidées à un haut niveau. En 2011, les organes d’exécution des mesures d’accompagnement ont contrôlé environ 16 000 entreprises (détachant des travailleurs ou formées d’indépendants) et 38 000 personnes dans le domaine 
des prestations de services soumises à l’obligation d’annonce. De plus, les conditions de travail et de 
salaire ont été contrôlées auprès de 19 000 employeurs suisses et près de 103 000 employés. Les 
entreprises ont donc subi 35 000 contrôles, en vertu des mesures d’accompagnement, et les travailleurs 141 000 (conditions de travail et de salaire).

Les expériences réalisées en matière de mesures d’accompagnement ont montré que la législation présentait certaines lacunes. Ces dernières ont pu être comblées grâce à l’entrée en vigueur le 1er janvier 2012 de la nouvelle loi sur les travailleurs détachés b. Les instruments créés dans le cadre de cette révision permettent notamment de mieux lutter contre le phénomène de l’indépendance fictive des prestataires de services étrangers. Le Seco s’efforce aussi, en collaboration avec les organes d’exécution, d’accroître l’efficacité des mesures d’accompagnement en améliorant leur mise en œuvre.

Le Parlement a par ailleurs décidé le 14 décembre 2012 d’introduire une responsabilité solidaire lors de sous-traitance dans le domaine de la construction.

a Le Seco publie tous les ans un rapport sur la mise en œuvre des mesures d’accompagnement, qui présente les résultats des contrôles en détail. Voir www.seco.admin.ch, rubriques «Thèmes», «Travail», «Libre circulation des personnes CH – UE et mesures d’accompagnement», «Mesures d’accompagnement».

b Loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail (loi sur les travailleurs détachés, LDét); RS 823.20.

). Elles permettent de contrôler a posteriori les entreprises suisses et les prestataires de services étrangers afin qu’ils respectent les conditions minimales ou usuelles de salaire et de travail en vigueur en Suisse. Elles offrent également la possibilité d’intervenir en cas d’infraction.Dans le cadre des mesures d’accompagnement, les effets de l’ALCP sur l’évolution globale du marché du travail font l’objet d’une observation régulière. Cette surveillance prend deux formes: d’une part, les résultats des contrôles effectués par les organes d’exécution sont régulièrement évalués. D’autre part, diverses études ont examiné ces dernières années, en partant des enquêtes statistiques disponibles, l’influence que pourrait avoir l’immigration sur l’évolution des salaires. Les principaux résultats sont présentés ci-après.

Effets de la migration sur les salaires


La crainte que l’augmentation de l’immigration sur un marché du travail déterminé puisse peser sur les salaires découle de la réflexion suivante: l’immigration accroît l’offre de main-d’œuvre pour un nombre constant d’emplois (soit une demande de travail stable), abaissant ainsi le salaire d’équilibre. Une telle situation implique toutefois que l’immigration se produise indépendamment de la demande de main-d’œuvre par les entreprises. Or, on constate que l’immigration vers la Suisse est principalement liée à cette demande. C’est également visible par le fait que l’arrivée de migrants touche surtout des domaines dans lesquels les perspectives d’emploi des travailleurs indigènes s’améliorent aussi
Voir le Rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE, mai 2012.. Si la main-d’œuvre migrante (par exemple très qualifiée) ne concurrence pas celle d’origine indigène, mais la complète, elle peut même favoriser la demande pour cette dernière. Les conséquences d’une augmentation de l’immigration en Suisse ne peuvent dès lors pas être estimées par un modèle théorique, mais doivent faire l’objet d’études empiriques.En principe, différents modèles économiques permettent d’analyser l’effet de l’immigration sur les salaires. Certains auteurs ont utilisé, pour ce faire, une approche macroéconomique simulant l’évolution du marché du travail sans la libre circulation des personnes (par exemple en supposant l’absence de tout afflux supplémentaire de travailleurs étrangers à partir de 2002). Les résultats de ces simulations sont ensuite comparés à la situation réelle, autrement dit à la répartition effective des salaires. C’est ainsi que, pour Aeppli et al. (2008), l’immigration a eu un effet positif sur les salaires moyens. Stalder (2010), qui a utilisé un modèle similaire, constate par contre une certaine pression (sous la forme d’une progression plus faible des salaires due à l’immigration). Dans une étude actuelle, qui a pris en compte les dernières enquêtes statistiques et également utilisé un modèle macroéconomique, Müller, Asensio et Graf (2013) constatent que les effets sont fonction du groupe étudié
Voir l’article de Noé Asensio, Roman Graf et Tobias Müller, p. 43 de ce numéro.. Les auteurs ont ainsi, d’une part, constaté une certaine pression salariale chez les personnes au bénéfice d’une expérience professionnelle avancée et disposant d’un diplôme du degré tertiaire. D’autre part, ils ont conclu à un effet positif de l’immigration sur les salaires, en lien avec 
l’ALCP, pour les Suisses peu qualifiés ou au bénéfice d’une formation professionnelle.Ces résultats pourraient s’expliquer par le fait que la demande de main-d’œuvre peu qualifiée a augmenté avec l’immigration; en effet, les travailleurs étrangers complètent davantage le personnel indigène peu qualifié qu’ils ne lui font concurrence directement. Gerfin et Kaiser (2010) tentent d’estimer ces relations (élasticités de substitution entre les immigrés et les indigènes) et s’en servent comme base pour calculer l’effet de l’immigration sur les salaires. Au vu des résultats obtenus, ils s’attendent à court terme à des conséquences mineures sur les salaires de la main-d’œuvre disposant d’un niveau de qualification faible ou moyen. À plus long terme, l’effet devrait toutefois être positif.Une autre méthode consiste à entreprendre une analyse (de régression) sur la base de données salariales (par exemple issues de l’Enquête sur la structure des salaires ou de l’Enquête suisse sur la population active). Cette méthode (directe) a notamment l’avantage de porter sur l’évolution effective des salaires. Henneberger et Ziegler (2011) ont choisi cette approche pour étudier l’évolution des salaires dans des régions frontalières (qui sont, selon l’hypothèse des auteurs, plus touchées par l’immigration) et la comparer avec celle des régions centrales. Ils ont ainsi constaté que ceux-ci subissaient une pression légèrement plus accentuée chez les personnes peu qualifiées que chez les travailleurs très qualifiés, lors des nouvelles embauches. Sheldon et Cueni (2011) utilisent aussi cette approche. Ils ne comparent toutefois pas des marchés du travail en fonction de leur situation géographique, mais créent différents marchés partiels selon la proportion d’étrangers présente dans la main-d’œuvre. Contrairement à Henneberger et Ziegler (2011), Sheldon et Cueni (2011) n’observent dans l’ensemble aucune pression sur les salaires. Ceux-ci augmentent même pour les personnes très qualifiées en raison de l’immigration; seule la main-d’œuvre indigène peu qualifiée issue d’États tiers enregistre une pression salariale
États non-membres de l’UE-27 ou de l’AELE..Favre (2011) s’intéresse à l’ensemble des salaires et les ventile suivant les différentes catégories de professions et d’activités. D’une part, en ce qui concerne les travailleurs exerçant des activités exigeantes, il constate une pression salariale dans le haut de la distribution (les salaires les plus élevés de ce groupe d’activités) avec l’augmentation de la concurrence issue de l’immigration. D’autre part, pour ce qui est des travailleurs exerçant des activités moins exigeantes, il observe une concurrence relativement forte dans le bas de la distribution, sans que cela n’entraîne de tension salariale.Pour la majorité des auteurs, l’immigration liée à l’ALCP n’a pas provoqué de pression générale sur les salaires. Certaines études empiriques révèlent toutefois un ralentissement dans leur progression, affectant certains groupes spécifiques (par exemple les personnes hautement qualifiées). Ces résultats montrent bien à quel point l’observation du marché du travail dans le cadre des mesures d’accompagnement est essentielle. Ils permettent aussi de focaliser les contrôles sur certaines branches ou groupes de travailleurs particuliers.

Contrôle des salaires


L’observation du marché du travail instaurée par les mesures d’accompagnement consiste, au sens strict, à contrôler que les conditions minimales ou usuelles de travail et de salaire au lieu de travail soient respectées; dans le cas contraire, des sanctions sont prises et des mesures correctrices sont introduites afin de combattre la sous-enchère 
salariale.Dans les branches soumises à une convention collective de travail (CCT) étendue, les commissions paritaires sont chargées de l’exécution des contrôles; il s’agit, en particulier, de vérifier que les conditions de salaire et de travail prévues sont respectées et de sanctionner les infractions éventuelles
En 2011, environ 29% des entreprises suisses (uniquement dans le domaine de la location de services), ou des entreprises détachées soumises à un contrôle dans une branche couverte par une CCT étendue, ont fait l’objet d’un soupçon d’infraction en matière de salaire. Les peines conventionnelles prononcées par les commissions paritaires pour ces infractions présumées sont toutefois nettement moins nombreuses. Elles concernent 20 à 30% des infractions présumées (pour les entreprises détachées).. Dans les branches qui ne sont pas soumises à une CCT étendue, les commissions tripartites chargées d’observer le marché du travail contrôlent le respect par les entreprises suisses et détachées des salaires usuels dans la branche et la localité. Lorsqu’elles constatent un cas de sous-enchère, elles engagent une procédure de conciliation avec l’employeur en vue de l’amener à verser la différence de salaire ou, au moins, à en relever le niveau à l’avenir. Lorsqu’un cas de sous-enchère salariale abusive et répétée est constaté dans une branche, des mesures régulatrices peuvent être prises, en particulier la fixation de salaires minimaux impératifs pour la branche concernée. En 2011, les contrôles effectués par les commissions tripartites ont débouché sur des soupçons de non-respect des conditions usuelles de salaire dans 11% des entreprises suisses ou détachées, et ce pour un employé au moins de l’entreprise contrôlée
Ces résultats ne reflètent pas le risque global de sous-enchère salariale dans les branches dépourvues de CCT étendue dans la mesure où les entreprises contrôlées sont sélectionnées en fonction du risque: d’une part, les contrôles sont répartis entre les catégories d’employeurs (employeurs suisses, entreprises détachées) et entre les secteurs de l’économie en fonction du risque estimé de sous-enchère salariale, avec un contrôle renforcé pour les catégories ou les secteurs à risque; d’autre part, une partie des entreprises soumises au contrôle sont sélectionnées suite à un soupçon d’infraction aux conditions de salaire ou de travail.. Les procédures de conciliation entamées avec les entreprises aboutissent, toutefois, dans la majorité des cas (75% en 2011). Depuis l’entrée en vigueur des mesures d’accompagnement, des mesures collectives ont dû être prises en vue de protéger les salaires contre le risque de sous-enchère salariale abusive et répétée. À l’échelon fédéral, elles ont consisté à introduire un contrat-type de travail (CTT) prévoyant un salaire minimum obligatoire dans l’économie domestique et à faciliter l’extension de la CCT du nettoyage en Suisse alémanique
Si une des branches concernées dispose déjà d’une CCT, le champ d’application des dispositions qu’elle prévoit en matière de salaire peut être étendu.. Des CTT avec salaire minimum obligatoire ont par ailleurs été introduits dans les 
cantons de Genève (secteur de l’esthétique et de l’économie domestique), du Tessin (réparateurs et changeurs de pneus, centres 
d’appel, fabrication d’appareils électriques, fabrication d’ordinateurs ainsi que de produits électroniques et d’optique, commerce de détail) et du Valais (maintenance et nettoyage industriels, secteur principal de la construction)
Les CTT introduits au Tessin pour la fabrication d’appareils électriques, d’ordinateurs, de produits électroniques et d’optique, et pour le commerce de détail seront en vigueur à partir du 1er avril 2013. Le CTT concernant la maintenance et le nettoyage industriels dans le Valais court jusqu’au 13 mars 2013.. Dans la mesure où les contrôles sont effectués selon des critères de risque et non de manière aléatoire, on ne peut tirer de conclusions générales quant aux effets de l’ALCP sur les salaires. Il est, par contre, possible d’estimer l’ampleur des interventions nécessaires pour protéger les salaires dans des branches particulières.

Conclusion


Les études scientifiques réalisées à ce jour montrent que l’ALCP n’a, en général, pas été un élément de tension pour les salaires des résidents. Ce peut, toutefois, avoir été le cas pour certains groupes professionnels, lesquels sont soumis à davantage de contrôles de la part des organes chargés de l’exécution des mesures d’accompagnement. Si des cas de sous-enchère salariale abusive et répétée sont constatés et que les procédures de conciliation ne permettent pas de trouver une solution, des mesures peuvent être prises pour y remédier (fixation de salaires minimums). L’expérience montre, cependant, que les situations où cet instrument a été utilisé ont été marginales. Ces résultats sont surtout attribuables au bon fonctionnement du partenariat social, qui a permis de trouver des solutions par branche grâce aux CCT (déjà avant l’introduction de l’ALCP). Dans certaines conditions, et sur demande des partenaires sociaux, le champ d’application de ces CCT peut être étendu. Depuis 2002, toujours plus de salaires minimums contraignants par branche ont été introduits sur la base de cet instrument du partenariat social.

Encadré 1: Les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes

Les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes


Des mesures d’accompagnement a ont été introduites en 2004, suite à l’introduction de la libre circulation des personnes, pour protéger les travailleurs contre le risque de sous-enchère salariale abusive et de détérioration des conditions de travail. Elles permettent de contrôler le respect des conditions minimales ou usuelles dans ce domaine. La législation 
prévoit des sanctions si celles-ci ne sont pas respectées. De plus, des salaires minimums peuvent être introduits dans une branche en cas de sous-enchère 
salariale abusive et répétée.

Différents acteurs sont chargés de la mise en œuvre des mesures d’accompagnement. Les organes d’exécution vérifient, dans le cadre de leurs activités de contrôle, si les prestataires de services étrangers respectent bien les conditions de travail et de salaire en vigueur en Suisse. Les commissions tripartites (composées de représentants des partenaires sociaux et de l’État), chargées de surveiller le marché du travail, et les commissions paritaires (composées de représentants des syndicats et des employeurs), responsables de l’exécution habituelle de conventions collectives de travail dont le champ d’application a été étendu (CCT étendues), contrôlent de leur côté les conditions de travail au sein des entreprises suisses. La surveil-lance du marché de l’emploi dans le cadre des mesures d’accompagnement comprend ainsi le contrôle des conditions de travail pour les travailleurs étrangers détachés en Suisse et des conditions appliquées par les entreprises suisses dans toutes les branches, qu’une CCT étendue existe ou non.

Les activités de contrôle liées aux mesures d’accompagnement ont régulièrement renforcées ces dernières années et consolidées à un haut niveau. En 2011, les organes d’exécution des mesures d’accompagnement ont contrôlé environ 16 000 entreprises (détachant des travailleurs ou formées d’indépendants) et 38 000 personnes dans le domaine 
des prestations de services soumises à l’obligation d’annonce. De plus, les conditions de travail et de 
salaire ont été contrôlées auprès de 19 000 employeurs suisses et près de 103 000 employés. Les 
entreprises ont donc subi 35 000 contrôles, en vertu des mesures d’accompagnement, et les travailleurs 141 000 (conditions de travail et de salaire).

Les expériences réalisées en matière de mesures d’accompagnement ont montré que la législation présentait certaines lacunes. Ces dernières ont pu être comblées grâce à l’entrée en vigueur le 1er janvier 2012 de la nouvelle loi sur les travailleurs détachés b. Les instruments créés dans le cadre de cette révision permettent notamment de mieux lutter contre le phénomène de l’indépendance fictive des prestataires de services étrangers. Le Seco s’efforce aussi, en collaboration avec les organes d’exécution, d’accroître l’efficacité des mesures d’accompagnement en améliorant leur mise en œuvre.

Le Parlement a par ailleurs décidé le 14 décembre 2012 d’introduire une responsabilité solidaire lors de sous-traitance dans le domaine de la construction.

a Le Seco publie tous les ans un rapport sur la mise en œuvre des mesures d’accompagnement, qui présente les résultats des contrôles en détail. Voir www.seco.admin.ch, rubriques «Thèmes», «Travail», «Libre circulation des personnes CH – UE et mesures d’accompagnement», «Mesures d’accompagnement».

b Loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail (loi sur les travailleurs détachés, LDét); RS 823.20.

Encadré 2: Bibliographie

Bibliographie

  • Aeppli Roland et Gassebner Martin, «Auswirkungen des Personenfreizügigkeitsabkommens mit der EU auf den schweizerischen Arbeitsmarkt», dans Aeppli Roland et al. (éd.), Auswirkungen der bilateralen Abkommen auf die Schweizer Wirtschaft, KOF Centre de recherches conjoncturelles, EPF Zurich, 2008, p. 45.
  • Favre Sandro, «The Impact of Immigration on the Wage Distribution in Switzerland», NRN Working Paper, 1108/2011, 2011, universités de Linz et de Zurich.
  • Gerfin Michael et Kaiser Boris, «The Effects of Immigration on Wages: An Application of the Structural Skill-Cell Approach», dans Schweizerische Zeitschrift für Volkswirtschaft und Statistik, vol. 146, n° 4, 2010, pp. 709–739.
  • Henneberger Fred et Ziegler Alexandre, Evaluation der Wirksamkeit der flankierenden Massnahmen zur Personenfreizügigkeit – Teil 2: Überprüfung von Lohndruck aufgrund der Personenfreizügigkeit, FAA Diskussionspapier 125, 2011, université de Saint-Gall.
  • Müller Tobias, Asensio Noé et Graf Roman, Les effets de la libre circulation des personnes sur les salaires suisses, Laboratoire d’économie appliquée (LEA), Observatoire universitaire de l’emploi (OUE), 2013, université de Genève.
  • Sheldon George et Cueni Dominique, Arbeitsmarktintegration von EU/EFTA-Bürgerinnen und Bürgern in der Schweiz, WWZ Forschungsbericht 2011/04 (B-121), 2011, Centre des sciences économiques, université de Bâle.
  • Stalder Peter, Free migration between the EU and Switzerland: Impacts on the Swiss Economy and Implications for Monetary Policy, Zurich, 2010, Banque nationale suisse (BNS).

Proposition de citation: Veronique Merckx ; Claudio Wegmüller ; (2013). Effets de l’immigration sur les salaires: dix ans d’expérience en matière de libre circulation des personnes. La Vie économique, 01 janvier.