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Conseil de stabilité financière: la récente réforme de la gouvernance et de son statut juridique

Le Conseil de stabilité financière (CSF) a vu le jour au paroxysme de la crise financière mondiale de 2007-2009. Il a joué un rôle clé dans les réformes qui ont été lancées pour y répondre et réguler les marchés financiers. À l’époque, le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, a vu dans ce nouvel organe le quatrième pilier de la gouvernance économique mondiale. Contrairement aux trois autres – Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale et Organisation mondiale du commerce (OMC) –, le CSF a fonctionné jusqu’à récemment de manière informelle. Répondant à l’appel du G20, qui demandait son institutionnalisation, il s’est transformé le 28 janvier dernier en association de droit suisse.

La genèse du CSF


Le CSF a succédé au Forum de stabilité financière (FSF), fondé en 1999 par les pays membres du G7 dans le prolongement de la crise asiatique. Les graves lacunes affectant les systèmes de surveillance et de régulation ainsi que le manque de coordination ont motivé cette nouvelle instance multidisciplinaire. Le FSF devait promouvoir la collaboration et l’échange d’informations entre les autorités de surveillance, les banques centrales, les ministères des Finances, les institutions financières internationales et les instances normalisatrices. Il était censé vaincre ainsi la dichotomie entre, d’une part, des approches nationales et sectorielles en matière de surveillance et, d’autre part, des marchés financiers de plus en plus intégrés au niveau mondial. Ce forum disposait d’un petit 
secrétariat général, hébergé par la Banque des règlements internationaux (BRI). Bien qu’il ait été créé à l’initiative du G7, le FSF a rassemblé dès le départ, outre les autorités et les banques centrales de ces sept pays, celles des Pays-Bas et d’importants pays émergents, comme l’Australie, Hong Kong et Singapour. La Suisse y a adhéré en 2007. Face à la crise financière qui a éclaté sur le marché américain de l’immobilier, le G20 a adopté un rôle de leader sur les questions financières et économiques. Lors de son premier sommet, en novembre 2008 à Washington, il a demandé que le FSF soit élargi à tous les pays membres du G20.À l’occasion du sommet qui s’est tenu en avril 2009 à Londres, le G20 a ensuite décidé de rebaptiser le FSF Conseil de stabilité financière (CSF) et de lui attribuer de nouvelles tâches dans le domaine de la coopération internationale et de la coordination des initiatives en matière de régulation. En outre, le CSF devait dorénavant informer régulièrement le G20 sur ce type d’initiatives et sur les événements importants en matière de stabilité financière mondiale. La même année, il s’est doté d’une charte qui décrit précisément son mandat élargi et sa structure de gouvernance.Malgré ces changements, le CSF est resté une structure informelle sans personnalité juridique. Le risque existait qu’une fois la crise résorbée, la collaboration se relâche en son sein et que les processus de coordination s’interrompent. Pour y parer, les chefs d’État et de gouvernement du G20, réunis à Cannes en novembre 2011, entamèrent des démarches en vue de l’institutionnalisation du CSF
Points 37 et 38 de la déclaration finale du Sommet du G20 qui s’est tenu à Cannes les 3 et 4 novembre 2011; http://www.g20civil.com/documents/Cannes_Declaration_4_November_2011.pdf, «Cannes Summit Final Declaration – Building Our Common Future Renewed Collective Action for the Benefit of All»..

La récente réforme de la gouvernance: points essentiels


Au sommet de Los Cabos en 2012, le CSF a présenté un rapport contenant des propositions sur la mise en œuvre des propositions du G20 et une charte révisée. Les changements n’étaient pas fondamentaux. Il s’agissait plutôt de renforcer le rôle du CSF et de lui donner des bases solides ainsi qu’une structure de gouvernance adaptée à son mandat multidisciplinaire. La flexibilité du CSF avait fait ses preuves et devait être maintenue. Elle lui permet d’associer directement des représentants et des experts de haut niveau issus des institutions membres à l’élaboration de ses normes et recommandations. En revanche, il fallait que le CSF acquière sa propre personnalité juridique, tout en restant étroitement lié à la BRI et sans que cette institutionnalisation n’engendre une bureaucratie inutile. Le principe du consensus devait, quant à lui, continuer de s’appliquer à tous les processus de décision au sein du conseil. La charte révisée contient une série d’amendements qui complètent les tâches, les fonctions et la structure de gouvernance du CSF. Ce dernier se charge, par exemple, d’élaborer des standards internationaux, soit par le biais des instances normalisatrices représentées en son sein, soit en prenant lui-même cette initiative, lorsqu’il détecte dans la réglementation des lacunes susceptibles de menacer la stabilité financière. La crise avait déclenché une multitude de projets en matière de régulation. Il s’agissait maintenant de les mettre en œuvre de façon homogène et sans tarder. Pour ce faire, il convenait de développer les mécanismes existants qui permettaient en partie de vérifier l’application des recommandations du CSF – notamment dans le cadre des «examens par les pairs». Enfin, le CSF devait accroître la transparence de ses activités et dialoguer davantage avec les milieux concernés dans le secteur privé, par exemple en organisant des consultations régulières et en diffusant largement des 
informations sur son site Internet.

Le CSF devient une association suisse


L’institutionnalisation était au cœur de cette réforme de la gouvernance. Elle consistait à doter le CSF de sa propre personnalité juridique, tout en maintenant ses liens étroits avec la BRI. Le CSF a donc obtenu un statut d’association suisse, ce qui lui permettait de rester rattaché à la BRI, dont le siège est à Bâle. Il est apparu que la création d’une organisation internationale par le biais d’un traité de droit international public, sur le modèle du FMI ou de la Banque mondiale, n’aboutirait pas, au moment présent, au but recherché. Selon le droit civil suisse, les institutions politiques sans activité économique peuvent avoir le statut d’association ou de fondation. Nombre d’instances internationales domiciliées en Suisse ont choisi l’une de ces deux formes juridiques
C’est le cas, par exemple, de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance (AICA) et de l’Association internationale des systèmes de garantie des dépôts (IADI).. Vu la structure fortement corporative du CSF et la grande autonomie que le droit civil confère aux associations, c’est ce dernier statut qui a semblé le plus approprié. On a ainsi pu transformer le CSF en une personne morale dotée de sa propre capacité civile et juridique, sans modifier substantiellement sa structure organisationnelle ni son mode de fonctionnement.Réunis en assemblée plénière le 28 janvier 2013 à Zurich, les membres de l’instance informelle qu’était encore le CSF ont approuvé la constitution d’une association de droit suisse, domiciliée à Bâle, et ils en ont adopté les statuts
Voir le communiqué de presse du 28 janvier 2013.. Un accord prévoit que la BRI 
assume les coûts du CSF jusqu’à nouvel ordre.

Organisation et 
méthode de travail du CSF


L’assemblée plénière est le seul organe décisionnel du CSF. Un comité de pilotage («Steering Committee») assure la direction opérationnelle et prépare les décisions. Des comités permanents exécutent les travaux du CSF qui concernent l’analyse des faiblesses du système financier mondial («Standing Committee on Assessment of Vulnerabilities», SCAV), la supervision et la coopération réglementaires («Standing Committee on Supervisory and Regulatory Cooperation», SRC), la vérification de la mise en œuvre des normes ainsi que des accords passés par le G20 et le CSF («Standing Committee on Standards Implementation»). Un autre est chargé de planifier le budget et les ressources («Standing Committee on Budget and Resources», SCBR). En plus de ces quatre comités permanents, des groupes de travail ad hoc s’occupent des thèmes actuels, comme la gestion des crises, le système bancaire parallèle, le marché des dérivés de gré à gré, l’échange de données et les conditions de rémunération.Le CSF est actuellement présidé par Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada
Mark Carney a été nommé gouverneur de la Banque d’Angleterre. Il prendra ses fonctions le 1er juillet 2013.. Un secrétariat, hébergé par la BRI, ­l’appuie dans ses activités. Il est dirigé par le secrétaire général du CSF et compte aujourd’hui une trentaine de collaborateurs. La plupart d’entre eux sont délégués pour deux à trois ans par une institution membre. La BRI met à la disposition du secrétariat les ressources, les infrastructures et les locaux nécessaires à son travail.Dans le but de promouvoir les échanges avec des pays non-membres, le CSF a créé des groupes consultatifs régionaux («Regional Consultative Groups», RCG). Ces derniers permettent au CSF d’associer à ses ­travaux 65 juridictions qui ne sont pas représentées en son sein. Les RCG rassemblent les banques centrales, les ministères des Finan-ces et les autorités de surveillance de ces régions. Chaque groupe est dirigé par un représentant d’un pays membre du CSF et par un autre issu d’un pays non-membre. Actuellement, il existe des RCG pour le continent américain, l’Asie, la Communauté des États indépendants (CEI), l’Europe, la région Proche-Orient et Afrique du Nord, ainsi que pour l’Afrique subsaharienne. La Suisse participe aux réunions des groupes régionaux pour l’Europe et la CEI, cette seconde présence étant justifiée par son étroite collaboration avec une série de pays membres de la CEI qui participent à son groupe de vote dans les institutions de Bretton Woods.

Le rôle du CSF dans l’architecture 
financière internationale


Conformément au mandat que lui a attribué le G20, le CSF doit en particulier éva-luer les vulnérabilités du système financier international. Il détermine quelles mesures les autorités de régulation et de surveil-
lance doivent prendre pour les éliminer. Il encourage la collaboration et l’échange 
d’informations entre les différentes autorités nationales et entre les instances interna-
tionales qui s’occupent de la stabilité financière. En outre, le CSF observe l’évolution des marchés et ses implications pour la politique de surveillance. Il veille au respect des recommandations et des normes de surveillance.L’une de ses tâches principales consiste à élaborer des dispositifs et à émettre des recommandations sur la manière de mettre en œuvre les réformes des marchés financiers qui ont été décidées par le G20. À la lumière des expériences réalisées durant la récente crise financière, celui-ci a exigé notamment que les mesures soient coordonnées au niveau international pour réduire les risques liés aux établissements financiers d’importance systémique (Sifi), pour améliorer le commerce des produits dérivés négociés hors Bourse, mais aussi pour surveiller et réglementer le système bancaire parallèle. Par ­ailleurs, le G20 a formulé des recommandations concernant les systèmes de rémunération et les agences de notation. Il a demandé que soient améliorés la saisie et l’échange international de données financières. Enfin, le G20 souhaite plus de convergence entre les normes comptables du Bureau international des normes comptables (IASB) et celles du Comité des normes comptables et financières (FASB).L’efficacité des mesures convenues dépend largement de la rigueur avec laquelle elles sont appliquées au niveau national dans tous les pays et territoires représentés au sein du CSF. C’est pour cela que celui-ci joue un rôle toujours plus important dans le contrôle de la mise en œuvre des réformes financières préconisées par le G20/CSF. À cet effet, le CSF a créé en 2011, en collaboration avec les instances normalisatrices, un mécanisme de coordination («Coordination Framework for Implementation Monitoring») qui doit fournir des rapports réguliers sur l’avancée des réformes dans les domaines thématiques que le G20 et lui considèrent comme prioritaires
Voir CSF,. Ce système de surveillance s’accompagne d’examens par les pairs. Ceux-ci portent soit sur des thèmes spécifiques (par exemple les règles de rémunération, l’octroi de crédits hypothécaires, les règles de publication, les systèmes de garantie des dépôts ou les systèmes de règlement des opérations sur titres), soit sur des pays. Jusqu’à présent, le CSF a évalué l’Australie, l’Italie, le Mexique, l’Espagne, le Canada, l’Afrique du Sud et, 
en 2012, la Suisse
Voir le communiqué de presse du 25 janvier 2012..

Conclusion


Du fait de la mondialisation, qui implique une intégration croissante des marchés financiers, des événements survenant dans un pays peuvent avoir des effets dévastateurs sur la stabilité des systèmes financiers d’autres États. La dernière crise financière en témoigne. En raison des interconnexions et des dépendances réciproques qui caractérisent les marchés financiers internationaux, les autorités nationales compétentes doivent collaborer étroitement par-delà les frontières pour que la réglementation et la surveillance des acteurs soient efficaces. La nature multidisciplinaire du CSF permet de promouvoir, de façon appropriée, la collaboration et la coordination nécessaire. Les récentes réformes de la gouvernance n’ont pas seulement conféré au CSF une personnalité juridique, mais l’ont aussi solidement ancré dans l’architecture internationale de la réglementation. Elles représentent une étape clé vers une intégration accrue des processus de coopération au niveau mondial. De la même manière que les marchés financiers internationaux et leurs acteurs se transforment continuellement sous l’influence de facteurs économiques et géopolitiques, l’architecture de la réglementation continuera elle aussi d’évoluer et devra donc s’adapter.

Graphique 1: «Organigramme du CSF»

Tableau 1: «Les membres du CSF»

Encadré 1: Charte du CSF (extrait)

Charte du CSF (extrait)


Article 2 – Mandat et tâches du FSB

1) La mission du CSF inclut les activités suivantes:

(a) déterminer les vulnérabilités du système financier mondial; identifier à temps, de manière continue et dans une perspective macroprudentielle, les mesures de régulation, de surveillance ou autre qu’il convient de prendre pour éliminer ces vulnérabilités et leurs effets;

(b) promouvoir la coordination et l’échange d’informations entre les autorités responsables de la stabilité financière;

(c) surveiller l’évolution des marchés et conseiller sur ses implications pour la politique réglementaire;

(d) identifier les meilleures pratiques en matière de régulation et donner des conseils à ce sujet;

(e) établir des rapports stratégiques communs aux organes internationaux de normalisation («Standard Setting Bodies», SSB); coordonner le développement de politiques par les SSB, afin d’assurer que leurs travaux soient harmonisés, qu’ils respectent les délais et les priorités et qu’ils tendent à combler les lacunes;

(f) fixer des directives pour les collèges de superviseurs et soutenir la création de tels organes;

(g) soutenir la planification de mesures 
d’urgence pour la gestion de crises 
transfrontières, en mettant l’accent sur les entreprises d’importance systémique;

(h) collaborer avec le Fonds monétaire international pour réaliser des exercices d’alerte précoce;

(i) promouvoir l’application dans les pays membres des accords, des normes et 
des recommandations politiques à tra-vers le suivi de la mise en œuvre, les 
examens par les pairs et la diffusion 
d’informations;

(j) entreprendre toute autre tâche approuvée par ses membres, qui se présente au cours de ses activités et qui se situe dans le cadre de la charte.

2) Le CSF soutient et encourage la coordination des activités des SSB, afin d’éviter les recoupements et de combler les lacunes qui résulteraient de changements dans les structures réglementaires nationales ou régionales. Il doit aussi clarifier les compétences concernant les risques prudentiels et systémiques, l’intégrité des marchés, la protection des investisseurs et des consommateurs, les infrastructures ainsi que les normes comptables et les audits.

3) Afin de combler les lacunes réglementaires présentant un risque pour la stabilité financière, le CSF doit – en collaboration avec les SSB et d’autres instances si nécessaire – développer ou coordonner le développement de normes et de principes dans des domaines fonctionnels qui ne relèvent pas de la compétence d’un autre SSB ou sur des thèmes ayant des implications intersectorielles.

Remarque: traduction par la rédaction.

Encadré 2: La Suisse et le CSF

La Suisse et le CSF


En tant que place financière importante, fortement interconnectée et possédant sa propre monnaie, la Suisse a un certain poids dans les discussions touchant à la stabilité des marchés financiers. Elle peut, au sein du CSF, faire entendre sa voix sur certains projets de réforme importants qui concernent la régulation et la surveillance des marchés financiers. Elle intervient dans le cadre de l’assemblée plénière et participe activement aux comités permanents ainsi qu’aux groupes de travail ad hoc. Du point de vue thématique, 
la Suisse s’engage particulièrement en faveur de la mise en œuvre de Bâle III et de la réduction des risques systémiques associés aux 
Sifi. À cet égard, elle se concentre non seulement sur l’élaboration de standards internationaux, mais également sur leur application homogène au niveau national et l’évaluation de ce processus. En même temps, sa participation au CSF permet à la Suisse de reconnaître les futures conditions-cadres sur les marchés financiers internationaux et d’en 
tirer des conclusions relatives à l’évolution 
de la réglementation.

Membre du groupe de travail de haut niveau chargé de préparer la réforme de la gouvernance, la Suisse s’est investie en faveur de l’institutionnalisation du CSF. Elle a notamment contribué à sa transformation en une association basée à Bâle, ce qui a renforcé l’ancrage du CSF en Suisse.

Le Département fédéral des finances (DFF) et la Banque nationale suisse (BNS) représentent les intérêts de la Suisse au sein du CSF. L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) participe également 
à ses travaux: elle siège dans un comité permanent et dans divers groupes de travail 
spécialisés. Le DFF, la BNS et la Finma collaborent étroitement pour toutes leurs activi-tés au sein du CSF. Ils définissent ensemble 
la position suisse.

Encadré 3: Sources

Sources

  • Statuts du Conseil de stabilité financière (CSF), janvier 2013.
  • Report to the G20 Los Cabos Summit on Strengthening FSB Capacity, Resources and Governance, 18-19 juin 2012.
  • Charter of the Financial Stability Board, 
juin 2012.
  • Overview of Progress in the Implementation of the G20 Recommendations for Strengthening Financial Stability, Report of the Financial Stability Board to G20 Leaders, juin 2012.
  • Documents et autres informations disponibles sur le site http://www.financialstabilityboard.org

Proposition de citation: Eva Huepkes ; Franziska Loew ; (2013). Conseil de stabilité financière: la récente réforme de la gouvernance et de son statut juridique. La Vie économique, 01 mars.