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La lutte contre les pratiques commerciales déloyales en 2012

La lutte contre les pratiques commerciales déloyales en 2012

Le 1er avril 2012 a été marqué par l’entrée en vigueur de la révision de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD). En raison de l’extension du droit de la Confédération d’intenter une action, qui permet désormais d’agir également contre des pratiques dont les effets se déploient en Suisse, le nombre de réclamations adressées au Secrétariat d’État à l’économie (Seco) a pris l’ascenseur. Afin de pouvoir mieux lutter contre les pratiques commerciales déloyales au niveau transfrontalier, les pays germanophones ont organisé des réunions d’experts. Un guide des achats en ligne, concocté en collaboration avec d’autres partenaires, a par ailleurs vu le jour.

Forte hausse des réclamations


En 2012, le nombre de réclamations 
reçues par le Seco pour des pratiques commerciales déloyales a quadruplé par rapport à l’année précédente: 3611 contre 879 (voir graphique 1). Cette progression est imputable à la forte hausse des réclamations provenant de Suisse. Elle a été rendue possible par l’extension du droit de la Confédération d’intenter une action. Depuis le 1er avril 2012, celle-ci a qualité pour agir également contre des pratiques dont les effets se déploient à l’intérieur du pays. Elle peut ester en justice lorsque des entreprises ou des consommateurs suisses sont victimes de pratiques commerciales douteuses. Avant l’entrée en vigueur de la révision de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD), le Seco ne pouvait porter plainte que si les personnes dont les intérêts économiques étaient lésés résidaient à l’étranger
Voir l’article de Philippe Barman dans La Vie économique, 7/8-2012, p. 51ss.. Étant donné qu’il peut aussi intervenir dorénavant si un grand nombre de personnes touchées résident sur le territoire national, le nombre de réclamations émanant de Suisse a logiquement augmenté. La collectivité attend, à juste titre, des autorités qu’elles agissent lorsque les conditions nécessaires sont remplies. 
Ainsi, les réclamations émises à l’intérieur du pays sont passées de 147 à 3410.

Aperçu des réclamations


Aux 3410 réclamations émises sur le territoire suisse s’ajoutent 201 reçues depuis l’étranger. Sur ces 3611 réclamations, 3149 provenaient de consommateurs et 462 d’entreprises (voir graphique 2). En tête de liste figurent les appels publicitaires non sollicités qui visent des personnes dont le nom est suivi d’un astérisque dans l’annuaire (2107 réclamations). Viennent ensuite les excursions et autres manifestations publicitaires (564 réclamations), puis les arnaques à l’annuaire (419 réclamations, voir graphique 3).

Le problème particulier posé par les ­appels publicitaires non sollicités


La prolifération des réclamations concernant des appels publicitaires non sollicités est frappante, mais simple à expliquer: depuis plusieurs années, le démarchage téléphonique exaspère une grande partie de la population. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion du débat au Conseil des États durant la session d’automne 2010, le Parlement a doté la révision de la LCD d’une disposition spéciale rendant punissable sur plainte l’appel publicitaire non sollicité (art. 3, al. 1, let. u, LCD).Cette disposition spéciale a suscité au sein de des attentes, qui sont, toutefois, restées sans réponse. L’expérience a montré que, pour diverses raisons, il est extrêmement difficile de juguler ce type d’appels.Bien souvent, l’identité des entreprises de démarchage par téléphone demeure inconnue. De plus, ces dernières semblent changer régulièrement de numéro d’appel. Par conséquent, même si le Seco reçoit de nombreuses réclamations contre une entreprise donnée, il n’y a, à chaque fois, qu’une plainte par numéro. Or, pour s’adresser au ministère public cantonal compétent et protéger les intérêts collectifs, le Seco doit pouvoir attribuer ces numéros à la société en question. Contrairement à la police ou au ministère public, il n’a pas la compétence de s’enquérir de l’identité d’un démarcheur anonyme auprès du service Surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (SCPT)
Voir http://www.li.admin.ch, service SCPT.. La révision totale de la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT) devrait pallier ce problème
Le 27 février 2013, le Conseil fédéral a approuvé et transmis au Parlement le message proposant la révision de loi nécessaire. Voir le communiqué de presse du DFJP: Surveillance des communications: des bases légales claires et modernes, disponible sur http://www.ofj.admin.ch. L’art. 15, al. 2, let. b du projet de loi prévoit que le Seco sera habilité à demander des renseignements sur l’identité d’une entreprise de démarchage par téléphone. L’avenir nous dira si cette révision, qui n’entrera en vigueur que dans deux ou trois ans, permettra de résoudre tous les problèmes. En collaboration avec une entreprise de traitement des données, une organisation de consommateurs ingénieuse a tenté d’offrir une solution concrète à ce type d’appels: il s’agit d’un boîtier à raccorder au téléphone, qui bloque les numéros indésirables au bout de deux sonneries et informe le démar-
cheur que son appel a été bloqué
Voir, par exemple, l’article «Nun gibt es ein Mittel gegen unerwünschte Anrufe» du Tagesanzeiger du 29 novembre 2010.. Cette 
mesure, bien que fort louable, n’a pas non plus permis de faire baisser le nombre de 
réclamations.

Les interventions du Seco


Avant d’intenter une action civile ou pénale, le Seco envoie à l’entreprise concernée une lettre de mise en garde en lui demandant de s’engager, par écrit et dans un délai de quatorze jours, à mettre un terme à la pratique commerciale dénoncée (envoi d’une déclaration de cessation contraignante). Le Seco ne porte l’affaire devant la justice que si cette mise en demeure se révèle insuffisante. En 2012, le Seco a envoyé une lettre de mise en garde à 42 entreprises en raison de pratiques commerciales déloyales. Cela a, le plus souvent, suffi pour que le destinataire renonce à ces pratiques. Dans quatorze cas, le Seco s’est vu obligé de déposer plainte pénale auprès du ministère public cantonal compétent. Étaient en cause six entreprises passant des appels publicitaires non sollicités, trois auteurs d’arnaques à l’annuaire, trois sociétés (fictives) organisant des excursions publicitaires, un système boule de neige et une entreprise de vente par correspondance qui faisait des promesses de gain mensongères. Suite à ces plaintes, deux ordonnances pénales ont été rendues en novembre 2012 au sujet’; elles sont entre-temps entrées en force. Une affaire a été classée, l’auteur de l’infraction n’ayant pas pu être identifié en Suisse. Les autres cas sont pendants. Par ailleurs, le Seco a fait usage de son nouveau droit d’avertir le public contre les pratiques commerciales déloyales en citant nommément l’entreprise. Dans un communiqué de presse publié en octobre 2012, il a nommé dix sociétés (réelles ou fictives) qui ont envoyé par fax à des firmes locales des offres d’inscription dans des registres privés. Il a également souligné que la signature ou le renvoi de l’inscription entraînait la con­clusion d’un contrat de plusieurs années portant sur un montant important; cette pratiques est contraire à la loi contre la concurrence déloyale
Communiqué de presse du Seco du 23 octobre 2012: Attention aux arnaques à l’annuaire..

Réunions d’experts des pays ­germanophones à Berne


Les pratiques commerciales déloyales existent depuis longtemps. Les frontières ne suffisent pas à les arrêter. Les auteurs d’arnaques opèrent avant tout à l’intérieur d’une région linguistique et tentent, par le biais d’activités transfrontalières, de contourner les autorités judiciaires compétentes pour un seul pays. Ainsi, il peut arriver qu’une inscription à une excursion publicitaire soit envoyée depuis l’Allemagne, que l’adresse de renvoi désigne une case postale en Autriche et que le voyage ait lieu en Suisse. Outre les excursions publicitaires, les pays germanophones sont également victimes d’arnaques sur Internet et d’appels publicitaires non sollicités. Afin de favoriser l’échange d’expériences et de mieux organiser la lutte internationale contre de telles pratiques, l’Autriche a organisé une première réunion d’experts sur ce sujet en 2011. Le Seco a accueilli ce symposium en septembre 2012. Les rencontres, qui ont pris la forme d’ateliers dirigés par un représentant du Seco, ont réuni des participants venus d’Allemagne, d’Autriche, du Haut-Adige, du ­Lichtenstein, des Pays-Bas et de Suisse. La prochaine réunion devrait avoir lieu en Allemagne.

Publication du guide des achats en ligne


En 2006, le Conseil fédéral a mis en œuvre sa stratégie pour une société de l’information en Suisse. Le 5 décembre 2008, il a chargé l’Office fédéral de la communication (Ofcom) d’élaborer, en collaboration avec d’autres services fédéraux et partenaires, un concept pour une utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) sûre et conforme au droit. Approuvé par le Conseil fédéral le 11 juin 2010, celui-ci prévoyait plusieurs mesures, dont la création d’un guide des achats en ligne sous forme de site Internet
Voir http://www.ofcom.admin.ch, rubriques «Thèmes», «Société de l’information», «Sécurité et confiance».. Placé sous la houlette du Seco et du Bureau fédéral de la consommation (BFC), ce dernier a été conçu en collaboration avec des services fédéraux, les organisations de consommateurs et divers autres acteurs
Office fédéral de la communication (Ofcom), Office fédéral de la justice (OFJ), Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), Administration fédérale des douanes (AFD), Office fédéral de la police (fedpol), Fédération romande des consommateurs (FRC) – représentante de l’Alliance des organisations de consommateurs –, Haute école de Lucerne, Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI), Konsumentenforum (KF), Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI), Centrale d’enregis-trement et d’analyse pour la sûreté de l’information (Melani), Surveillance des prix (SPR), Plateforme suisse de lutte contre la contrefaçon et la piraterie («Stop à la piraterie») et Swissmedic. Il a été lancé le 15 mars 2012, à l’occasion de la Journée mondiale des droits des consommateurs.Le guide des achats en ligne peut être consulté à l’adresse http://www.ecommerceguide.ch. Il explique comment profiter des offres sur Internet de manière sensée et responsable. Il contribue ainsi à une meilleure sécurité et à une confiance accrue dans le commerce en ligne, et augmente son potentiel de croissance.Le guide adopte les célèbres panneaux indicateurs jaunes des randonneurs pour orienter le visiteur vers les thèmes principaux: «Acheter en ligne», «Propriété intellectuelle», «Protection des données», «Sécurité» et «Dédouanement». Après un bref texte introductif, ces panneaux mènent vers les sites Internet des différents services fédéraux, des organisations de consommateurs et des autres partenaires, qui comportent des 
renseignements détaillés sur les questions suivantes:

  • à quoi faut-il prêter particulièrement 
attention lors d’achats en ligne?
  • comment reconnaître les contrefaçons de marques et les pièges d’Internet?
  • à quoi faut-il faire attention lors de l’achat de musique, de films et de logiciels sur Internet?
  • pourquoi l’acheteur doit-il payer des droits de douane en Suisse lorsqu’il achète des marchandises à l’étranger?
  • quel comportement adopter avec les 
données confidentielles?


Étant donné que le guide fournit des informations pratiques en matière d’achats en ligne, il est disponible uniquement sous forme électronique. Il est adapté chaque année à l’évolution fulgurante du monde numérique.

Graphique 1: «Provenance des réclamations, 2008–2012»

Graphique 2: «Auteurs des réclamations, 2008–2012»

Graphique 3: «Objet des réclamations»

Graphique 4: «Évolution des réclamations, par objet, 2008–2012»

Proposition de citation: Philippe Barman (2013). La lutte contre les pratiques commerciales déloyales en 2012. La Vie économique, 01 mai.