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Santé2020: les priorités du Conseil fédéral en matière de ­politique de la santé

Le Conseil fédéral a adopté en janvier dernier l’agenda de ­politique de la santé Santé2020. Inscrit dans une stratégie ­globale, le document comprend au total 36 mesures embrassant tous les domaines du système sanitaire. Il s’agit, d’ici à 2020, d’assurer la qualité de vie, de renforcer ­l’égalité des chances, d’améliorer la qualité des soins et ­d’optimiser la transparence. C’est la réponse du Conseil fédéral au rejet de deux projets importants au cours de l’année 2012: celui concernant les soins intégrés («Managed Care») l’a été par les électeurs et celui sur la prévention par le Parlement. La nouvelle stratégie Santé2020 se concentre davantage sur les problèmes actuels et à venir.

Atouts et faiblesses actuels


La population suisse jouit d’un bon système de santé: telle est la conclusion à laquelle sont parvenues l’OCDE et l’OMS en octobre 2011, au terme d’une analyse approfondie
OCDE-OMS (2011): Suisse. Rapports de l’OCDE sur les systèmes de santé.. Les experts internationaux ne sont pas les seuls à voir les nombreux avantages et atouts de notre système de soins. Le peuple suisse l’a aussi fait savoir lors de différentes votations populaires, montrant qu’il ne souhaitait pas de changements radicaux. À l’occasion d’une étude internationale menée en 2011 par le Commonwealth Fund, 69% des patients suisses interrogés ont également jugé que leur système de santé fonctionnait globalement bien et qu’il ne fallait y apporter que quelques ajustements pour l’optimiser
Commonwealth Fund 2011: http://www.ofsp.admin.ch, rubriques «Thèmes», «Politique de la santé», «Politique nationale de la santé», «International Health Policy Survey du Commonwealth Fund», «Enquête 2011».. Ainsi, le système suisse se classe parmi les meilleurs au monde.Parmi ses atouts figurent la garantie de l’accès aux soins, le large spectre des prestations couvertes par l’assurance obligatoire et le haut niveau de qualité fourni. Ces éléments contribuent à un niveau de vie élevé et à une espérance de vie largement supérieure à la moyenne internationale.Certaines faiblesses ont également été identifiées:

  • le système de santé n’est guère transparent;
  • il manque un pilotage politique;
  • les bases statistiques et analytiques pré-sentent des lacunes;
  • le système induit encore des effets pervers qui engendrent une certaine inefficacité et des dépenses inutiles;
  • la Suisse investit trop peu dans la prévention et le dépistage.

Quatre défis majeurs


Le Conseil fédéral voit se profiler pour les années à venir quatre grands groupes de défis.Tout d’abord, les maladies chroniques continueront d’augmenter. Cela tient principalement à l’évolution démographique et à l’amélioration des possibilités de traitement, qui prolongent la survie des personnes 
atteintes.Deuxièmement, les soins devront évoluer tant en ce qui concerne l’ampleur que l’aménagement de l’offre. On peut, par exemple, prévoir une augmentation de la demande en soins de longue durée et des besoins en modèles de soins intégrés. La prévention et le dépistage de maladies chroniques gagneront également en importance étant donné la multiplication des cas. Tout cela aura des incidences sur la formation du personnel de santé, lequel devra être disponible en nombre suffisant et doté des compétences correspondant aux tâches à assumer.Troisièmement, il faudra assurer le financement du secteur de la santé en croissance continue. Les coûts de l’assurance-maladie obligatoire ont augmenté de 13,4 à 26,2 milliards de francs entre 1996 et 2011 (voir graphique 1). En chiffres réels, l’accroissement moyen annuel est de 3,8%. Dans le même temps, le nombre d’assurés a augmenté de 0,6%. Autrement dit, les coûts par tête ont crû de 3,2% en termes réels. Leur progression s’est ralentie ces quinze dernières années: durant les cinq années qui ont suivi l’introduction de la LAMal, ces coûts ont augmenté de 5,0% par an en valeur nominale (soit 4,2% en termes réels), puis de 4,1% (3,2%) de 2001 à 2006 et de 2,8% (2,1%) entre 2006 et 2011. Les coûts de la santé représentaient 9,7% du produit intérieur brut en 1996 et 11,0% en 2011. Ils ont donc fait preuve d’une relative stabilité et placent la Suisse dans le milieu supérieur du tableau parmi les pays de l’OCDE
Office fédéral de la statistique: http://www.statistique.admin.ch, rubriques «Thèmes», «Santé», «Coût, financement»..Les mécanismes de renchérissement des coûts déjà en œuvre continueront à jouer: avancées techniques et médicales, demande grandissante consécutive à une plus grande prospérité et évolution démographique. Il faut y ajouter d’autres facteurs tels que la tendance à la médecine personnalisée ou la mise au point de médicaments pour soigner des maladies rares. La pression subie par le système de réduction des primes ne pourra, dès lors, que s’accentuer. Il y aura donc intérêt à exploiter les réserves d’efficacité, que les experts estiment à environ 20% et qui découlent des avantages offerts par le système des soins intégrés, la correction des effets pervers (fausses incitations) de la compensation des coûts et l’avènement de la cybersanté
Voir à ce propos l’estimation récente de Trageser et al. (2012).. C’est à cette seule condition que le système restera finançable pour les faibles revenus et la classe moyenne.Le Conseil fédéral voit comme le quatrième et ultime défi à relever le manque de pilotage du secteur de la santé et l’absence de transparence. La multiplicité des intérêts en jeu complexifie fortement le système suisse. Tant la Confédération que les cantons en assument le pilotage et l’exécution. Dans certains domaines importants, comme le financement des soins et de la formation, ces tâches sont même partagées. La collaboration est dans certains cas fructueuse, dans d’autres, elle entraîne des blocages. Le rapport OCDE-OMS 2011 le confirme: le pilotage de notre système de santé et son contrôle doivent être renforcés, ce qui permettra aussi de gagner en transparence.

4 domaines d’action, 
12 objectifs, 36 mesures


Santé2020 met la population au cœur de la stratégie; l’évolution du système de santé doit suivre ce même principe. C’est notamment pour cela que le Conseil fédéral prévoit des mesures spécifiques en faveur des assurés et des patients. Santé2020 définit quatre domaines d’action principaux et douze objectifs; chaque objectif comportant trois mesures, l’ensemble correspond à un total de 36 mesures qui complètent celles déjà en vigueur (voir tableau 1). Elles sont brièvement présentées ci-après.

Garantir la qualité de vie


Garantir la qualité de vie de la population à moyen et long termes suppose, outre une action responsable de chacun, le développement de la prévention et de la protection de la santé. L’optimisation de l’offre de soins en fait partie: promouvoir des modèles répondant davantage aux besoins des patients, c’est garantir leur qualité de vie, y compris en cas de maladie.Il faut, cependant, noter que l’état de santé de la population suisse dépend dans une large mesure de facteurs externes à la politique de santé, notamment de l’éducation, de la sécurité sociale, de la situation professionnelle, du revenu ou encore de la situation en matière de transports et de logement. Il s’agit d’influer de manière ciblée sur ces déterminants sociaux et environnementaux en renforçant la collaboration au niveau fédéral.

Renforcer l’égalité des chances 
et la responsabilité individuelle


Il faut améliorer les chances de rester en bonne santé dans les groupes de population les plus vulnérables. Là aussi, on attachera une grande importance à la responsabilité individuelle et aux compétences en matière sanitaire. Les assurés et les patients doivent être davantage intégrés à la politique de santé; il faut qu’ils jouent un rôle à part entière, d’égal à égal, et qu’ils puissent se déterminer en toute indépendance lorsqu’ils se trouvent face à des experts de la santé. Il s’agit, au-delà de cela, de garantir la capacité de financer le système de santé pour tous les groupes de population, en exploitant le potentiel d’efficacité. Le deuxième domaine prévoit trois mesures qui vont dans ce sens: au niveau des médicaments, des indemnités forfaitaires et de la médecine hautement spécialisée. Cela dit, d’autres domaines d’action comprennent des mesures destinées à exploiter le potentiel d’efficacité
Voir Conseil fédéral (2013)..

Garantir et renforcer la qualité des soins


La qualité du système de santé constitue pour la population un aspect fondamental dans son appréciation de l’offre de soins. Une qualité appropriée a un impact positif sur l’évolution des coûts en permettant d’éviter les prestations inefficaces et les complications indésirables. Elle s’obtient en mettant en œuvre les mesures les plus diverses, que ce soit au niveau des prestations médicales ou des processus et de l’information. Les instruments de cybersanté ont également leur rôle à jouer et doivent être encouragés. Les mesures relevant de la formation du personnel soignant sont censées faire en sorte que le nombre de places de formation élémentaire et continue, universitaires ou non, soit adapté aux besoins et que les programmes d’apprentissage répondent aux exigences des soins intégrés.

Garantir la transparence, améliorer 
le pilotage et la coordination


Ce dernier domaine d’action met au premier plan la transparence, le pilotage et la coordination du système de santé. Celui-ci présente des zones de flou en ce qui concerne les prestations fournies, leur utilité et leur coût. Il est de plus en plus difficile pour tous, citoyens et acteurs, de s’y retrouver. Le système des assurances-maladie lui-même est devenu très compliqué en raison de la diversité de l’offre. De meilleures bases de données devraient apporter davantage de clarté et accroître les possibilités de pilotage ciblé de la politique sanitaire. Une autre approche consiste à améliorer la collaboration et à mieux contrôler le partage des rôles entre la Confédération et les cantons. En outre, des solutions nouvelles de pilotage seront mises en place afin d’optimiser, par exemple, la planification des soins ambulatoires.Il est, en outre, important de consolider l’ancrage international du système. Celui-ci constitue une garantie de qualité et assure un échange équitable d’informations, de personnel spécialisé et de produits. La Suisse joue déjà un rôle majeur au sein de l’Organisation mondiale de la santé et sa politique extérieure en matière sanitaire lui permet d’occuper une position d’avant-garde. En matière de protection de la santé (sécurité des denrées alimentaires et maladies infectieuses, p. ex.), il sera essentiel d’associer plus étroitement notre pays à la politique européenne en signant et en mettant en œuvre un accord dans ce domaine.

Mise en œuvre


Au travers de Santé2020, le Conseil fé-
déral a tracé la voie qu’il entend emprunter ces prochaines années en matière de politique de la santé. Pour que cette stratégie soit mise en œuvre de façon efficace et qu’elle devienne une réalité palpable, il devra compter sur la collaboration de toutes les parties prenantes, notamment celle des cantons, et sur le soutien de la population. La réalisa-tion de Santé2020 a débuté dès sa publication. Diverses mesures sont en préparation, d’autres ont d’ores et déjà été transmises au Parlement. Certaines d’entre elles requièrent des préparatifs de longue haleine et ne seront abordées que dans une deuxième phase, à partir de 2015.D’ici à 2020, cette stratégie impliquera de nombreuses activités. Toutes ont pour but de continuer à offrir à la population suisse un excellent système de santé, quelles que soient les circonstances du moment.

Graphique 1: «Système de santé: évolution des coûts totaux et relatifs par rapport au PIB, 1996–2011»

Tableau 1: «Domaines d’action, objectifs et mesures de politique de santé jusqu’en 2020»

Encadré 1: Répartition des coûts de la santé 
dans le système suisse

Répartition des coûts de la santé 
dans le système suisse


Quatre secteurs sont responsables, pour un cinquième, des coûts générés par l’assurance-maladie: soins hospitaliers stationnaires (23%), soins hospitaliers ambulatoires (16%), soins médicaux ambulatoires (23%) et médicaments (19%)a. Si l’on considère la croissance des catégories de coûts durant les années 2001 à 2011, ce qui frappe est la forte augmentation des soins hospitaliers ambulatoires: ces dix dernières années, elle a été de 7,9% en valeur nominale (soit 7,0% en termes réels) par an, ce qui correspond à un quart de la hausse des coûts de l’assurance de base. À raison d’un taux annuel nominal de 4,1% (soit 3,3% en termes réels), le secteur hospitalier stationnaire a crû plus lentement, tout en contribuant pour 22%, soit dans des proportions inchangées, à la hausse réelle des coûts au cours des dix dernières années. Les coûts des cabinets médicaux (17% de la hausse en termes réels) ont augmenté moins fortement, contrairement aux médicaments (14%) remis par les pharmacies et les médecins dispensateurs.

a Statistique de poche de l’assurance-maladie et accidents 2012. Internet: www.ofsp.admin.ch, rubriques «Services», «Commande de publications», «Assurance-maladie», «Statistiques».
Encadré 2: Bibliographie

Bibliographie

  • Conseil fédéral, Politique de la santé: les priorités du Conseil fédéral, Département fédéral de l’intérieur, 2013. Internet: www.ofsp.admin.ch, rubriques «Thèmes», «Santé2020».
  • OCDE/OMS, Rapports de l’OCDE sur les systèmes de santé: Suisse, 2011 .
  • Schoen , Osborn Robin, Squires David, Doty Michelle M., Pierson Roz et Applebaum Sandra, «New 2011 Survey of Patients with Complex Care Needs in Eleven Countries Finds That Care Is Often Poorly Coordinated», Health Affairs, 2011.
  • Trageser Judith, Vettori Anna, Iten Rolf et Crivelli Luca, Ineffizienzen im Schweizer Gesundheitssystem – Stossrichtungen für Verbesserungen, sur mandat des académies suisses des sciences, 2012. Internet: www.academies-suisses.ch, rubriques «Projets et thèmes», «La médecine en mutation», «Système de santé durable», «Colloque: 
un système de santé durable pour la Suisse, 4 décembre 2012, Berne».

Proposition de citation: Margreet Duetz Schmucki ; Stefan Spycher ; (2013). Santé2020: les priorités du Conseil fédéral en matière de ­politique de la santé. La Vie économique, 01 mai.