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Révision de la loi et de l’ordonnance sur les placements collectifs

L’accès au marché financier de l’UE dépend de la reconnaissance par cette dernière de l’équivalence de la législation suisse avec la réglementation ­européenne. La crise financière a provoqué un durcissement des prescriptions au niveau international, en particulier au sein de l’UE. Une révision de la loi sur les placements collectifs de capitaux, en vigueur depuis 2006, était devenue indispensable, puisqu’à cette époque, la Suisse avait renoncé à reprendre intégralement les standards internationaux. La révision partielle de la loi et de l’ordonnance, présentées dans l’article ci-contre, s’applique depuis le 1er mars 2013, à l’exception de certaines dispositions pour lesquelles il existe une période de transition.

L’évolution rapide du droit européen


Depuis l’adoption de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux (LPCC)
Loi fédérale du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux (loi sur les placements collectifs, LPCC), RS 951.31., les exigences relatives à la protection des investisseurs et à la compétitivité pour ce type de placements ont rapidement évolué. De plus, la crise financière a montré les lacunes de la réglementation suisse relative à l’administration, à la garde et à la distribution des placements collectifs. Le durcissement des prescriptions au sein de l’Union européenne (UE), a par ailleurs encore accentué les carences de la réglementation suisse. L’UE a notamment adopté la ­directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (directive AIFM)
Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010, JO L 174/1 du 1er juillet 2011, p. 1 («Alternative Investment Funds Manager Directive», ou directive AIFM).. 
Ce texte soumet à surveillance tous les gestionnaires de placements collectifs qui ne l’étaient pas encore et impose aux dépositaires de strictes conditions en matière de responsabilité. L’UE a également entrepris de réviser la directive portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs ­mobilières (directive OPCVM)
Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), JO L 302 du 17 novembre 2009, p. 32 («Undertakings for Collective Investments in Transferable Securities», ou directive OPCVM IV)., dont elle entend, entre autres, harmoniser les prescriptions en matière de garde avec celles de la directive AIFM.

Principaux objectifs


La révision partielle de la LPCC envisagée par le Conseil fédéral visait à combler le 
retard de la réglementation suisse, à renforcer la protection des investisseurs, à préserver la réputation et la compétitivité de notre place financière et à garantir l’accès des gestionnaires suisses de placements collectifs au marché. Étant donné que l’accès au marché de l’UE dépend de la reconnaissance par cette dernière de l’équivalence de la législation suisse avec la réglementation européenne, il s’agissait en particulier:

  • de soumettre tous les gestionnaires de placements collectifs suisses ou étrangers à surveillance;
  • de durcir les exigences que doivent satisfaire les dépositaires, notamment en ce qui concerne la délégation de tâches et la responsabilité qui en découle;
  • de renforcer les prescriptions en matière de distribution, afin d’assurer une meilleure protection des investisseurs qualifiés et non qualifiés.


Compte tenu de ces objectifs, la révision allait inévitablement susciter des conflits. Le Conseil fédéral s’est donc employé à élaborer un projet servant l’intérêt général, notamment en pondérant de manière équilibrée les objectifs en question.

Les fonds de placement au cœur 
des débats parlementaires


La branche des fonds de placement a fortement influencé les débats parlementaires: elle s’est opposée au fameux «Swiss Finish» que présentait, à ses yeux, le projet du Conseil fédéral. Les tenants du libéralisme économique ont notamment fait valoir que toute disposition de la LPCC 
allant au-delà de la réglementation de l’UE porterait atteinte à la compétitivité du marché suisse des fonds de placement. Les intérêts des investisseurs n’ont été défendus qu’en ordre dispersé; il a fallu attendre la procédure d’élimination des divergences pour que les parlementaires favorables à l’obligation de dresser un inventaire écrit de la teneur des entretiens de conseil et des recommandations de placement, ainsi qu’à la protection des investisseurs . Au final, le Parlement a fortement atténué cette protection, y compris celle des investisseurs qualifiés, visée par le Conseil fédéral. Ainsi, selon la nouvelle définition de la distribution, l’acquisition de placements collectifs, opérée dans le cadre d’un contrat de conseil, n’est pas considérée comme telle. Il s’ensuit que les entretiens de conseil entre intermédiaires financiers et investisseurs se déroulant dans ce cadre ne sont pas soumis à la nouvelle obligation d’inventaire.De plus, en ce qui concerne la fourniture de services relatifs à des placements collectifs ayant un lien avec l’étranger, le projet du Conseil fédéral exigeait la conclusion de conventions de coopération entre la Finma et les autorités de surveillance étrangères compétentes. Le Parlement a, cependant, adouci cette exigence en la faisant dépendre, dans la plupart des cas, du droit étranger applicable. Il sera, dès lors, souvent plus difficile pour la Finma d’obtenir des renseignements auprès des autorités de surveillance étrangères, indépendamment du droit national concerné, ce qui peut avoir une incidence sur la protection des investisseurs.Le durcissement proposé de la responsabilité de la banque dépositaire, en cas de délégation de tâches à un tiers ou à un dépositaire central, a par ailleurs été très controversé. Dans la directive européenne AIFM, la responsabilité du dépositaire qui confie la garde d’instruments financiers à un tiers s’apparente à une responsabilité causale. Dans le droit suisse en vigueur avant la révision – contrairement aussi bien à la directive AIFM qu’aux règles générales de responsabilité de la LPCC –, la responsabilité de la banque dépositaire déléguant ses tâches se limitait au soin avec lequel elle choisissait et instruisait le tiers ou le dépositaire central concerné et contrôlait que les critères de choix étaient durablement respectés. Désormais, les règles générales de responsabilité de la LPCC, qui exigent la surveillance permanente de l’exécution des tâches déléguées, s’appliquent aussi à la banque dépositaire.

La grandes lignes de 
la révision de la LPCC

L’administration des placements collectifs


En matière d’administration, la nouvelle LPCC s’applique à tous les gestionnaires qui administrent des placements collectifs en Suisse ou à partir de la Suisse (art. 2, al. 1, nLPCC). Toutefois, sur le modèle de la dérogation prévue dans la directive AIFM, elle prévoit également une règle dite «de minimis», qui exclut les petits gestionnaires de placements collectifs et de fonds de capital-investissement (art. 2, al. 2, let. h, nLPCC). De plus, les gestionnaires de placements collectifs sont ­désormais soumis à une réglementation ­détaillée concernant leur organisation, leur domaine de prestations et la délégation de tâches (art. 18 à 18c, nLPCC). En particulier, les succursales suisses de gestionnaires étrangers peuvent être assimilées à des gestionnaires de placements collectifs dont le siège est en Suisse, pour autant que certaines conditions strictes soient remplies (art. 18, al. 1, let. c, nLPCC).

La garde des placements collectifs


S’agissant de la garde, le nouveau droit contraint les Sicaf
Société d’investissement à capital fixe. à avoir une banque dépositaire (art. 114 nLPCC). Cette obligation leur incombait déjà sous l’ancien droit, mais uniquement par analogie avec les Sicav
Société d’investissement à capital variable.. Elle est, désormais, inscrite dans 
la loi (art. 44a nLPCC). De plus, la banque dépositaire n’a le droit de confier la garde d’instruments financiers, que ce soit en Suisse ou à l’étranger, qu’à un tiers ou à un dépositaire central de titres soumis à ­surveillance (art. 73, al. 2 et 2bis, nLPCC). Elle est, en outre, soumise aux règles générales de responsabilité plus strictes arrêtées à l’art. 145 LPCC.

La distribution des placements collectifs


La distribution uniquement à partir de la Suisse de placements collectifs étrangers destinés exclusivement à des investisseurs qualifiés est exclue du champ d’application de la loi, aucun lien n’existant avec notre pays (art. 2, al. 1, let. e, nLPCC). Parmi les nouveautés importantes figure, en outre, la définition des investisseurs qualifiés non institutionnels. Désormais, les particuliers fortunés ne sont plus automatiquement considérés comme des investisseurs qualifiés, mais doivent demander à être considérés comme tels par une déclaration écrite (art. 10, al. 3bis, nLPCC). Les exigences inhérentes à la qualification ont, en outre, été durcies au niveau de l’ordonnance. Les clients ayant conclu un contrat écrit de gestion de fortune avec un gestionnaire continuent quant à eux d’être automatiquement considérés comme des investisseurs qualifiés. Ils peuvent, cependant, renoncer à cette qualité par une déclaration écrite (art. 10, al. 3ter, nLPCC). L’intermédiaire financier ou le gestionnaire indépendant est tenu d’informer les clients concernés des conséquences de leur qualification et de la possibilité de faire une déclaration écrite. Relève également de la distribution l’obligation de dresser l’inventaire écrit de la teneur des entretiens de conseil et des recommandations de placement (art. 24, al. 3, nLPCC). Les nouvelles règles concernant les investisseurs qualifiés non institutionnels n’entreront en vigueur que le 1er juin 2013 et celles relatives à l’obligation d’inventaire le 1er janvier 2014. Les intermédiaires financiers disposent ainsi d’un délai suffisant pour se réorganiser et mettre en place les nouvelles procédures administratives requises. Par ailleurs, les conditions régissant l’approbation de la distribution de placements collectifs étrangers à des investisseurs non qualifiés ont été durcies. Les dépositaires concernés doivent, par exemple, être soumis non seulement à une surveillance de l’État visant la protection des investisseurs, mais également à une réglementation équivalente à celle de la LPCC sur le plan de l’organisation, des droits des investisseurs et de la politique de placement (art. 120, al. 2, let. a et b, nLPCC). De plus, la Finma et les autorités de surveillance étrangères compétentes en matière de distribution doivent conclure une convention de coopération et d’échange de renseignements (art. 120, al. 2, let. e, nLPCC). Enfin, si elle prévoit expressément que la distribution de placements collectifs étrangers destinés 
exclusivement à des investisseurs qualifiés ne requiert pas d’approbation, la nouvelle loi exige néanmoins que la dénomination de ces placements soit claire. Elle demande également qu’un représentant et un service de paiement soient désignés en Suisse (art. 120, al. 4, nLPCC).

La réglementation des produits


La réglementation de la distribution de produits structurés aux investisseurs non qualifiés présente d’importants changements (art. 5 nLPCC). Contrairement aux investisseurs en placements collectifs, les investisseurs en produits structurés ne peuvent pas faire valoir de droit de distraction en cas de faillite de l’émetteur. C’est pourquoi ces produits doivent être pour le moins émis, garantis ou assortis de sûretés équivalentes par un ­intermédiaire financier soumis à surveillance (art. 5, al. 1, let. a, phrase introductive, nLPCC). S’agissant des produits structurés négociés en Bourse, leur émission par des sociétés à but spécial («special purpose vehicles») est désormais expressément réglée (art. 5, al. 1bis, nLPCC).Le législateur a en outre étendu aux assureurs choses la licéité des fonds à investisseur unique, inscrite dans la loi par le Conseil fédéral (art. 7, al. 3, nLPCC). Ce droit marque l’abandon de la théorie dite du destinataire, selon laquelle l’investisseur unique devait lui-même représenter un grand nombre de bénéficiaires finaux, comme c’est le cas des caisses de pension ou des institutions d’assurance-vie.

La révision de l’ordonnance sur 
les placements collectifs (nOPCC)


La révision de l’ordonnance sur les placements collectifs reflète pour l’essentiel la modification du 28 septembre 2012 de la loi homonyme. Quelques autres dispositions ont aussi été adaptées, par exemple concernant les exigences que doit satisfaire l’organisation du titulaire (art. 12, al. 3 et 12a OPCC). Les placements autorisés pour les fonds immobiliers et les sociétés en commandite ont, par ailleurs, été précisés (art. 86, al. 1 à 2bis et 4, et art. 121, al. 1, 3 et 4, nOPCC). D’autres dispositions ont été abrogées du fait que, suite à la révision de la loi, elles étaient devenues sans objet ou figuraient directement dans celle-ci (par ex. art. 9, 29 et 57 OPCC). Comme la nouvelle LPCC, l’OPCC révisée est entrée en vigueur le 1er mars 2013, à l’exception de l’art. 34a, qui prendra effet le 1er janvier 2014.En ce qui concerne l’administration, la nouvelle ordonnance précise qui est considéré comme un investisseur qualifié selon un droit étranger et n’est, par conséquent, pas soumis à la LPCC (art. 2, al. 1, let. e, nLPCC; art. 1 nOPCC). L’art. 1b nOPCC fixe les principes qui régissent le calcul des seuils – découlant de la règle «de minimis» – des valeurs patrimoniales administrées par des gestionnaires de placements collectifs. Pour les gestionnaires soumis au droit suisse, les exigences de fonds propres ont par ailleurs été durcies et adaptées à la réglementation de l’UE. De plus, étant donné que la gestion de placements collectifs étrangers expose à des risques de réputation et de responsabilité civile, les gestionnaires qui exercent cette activité de manière originaire sont tenus de disposer d’un capital minimal plus élevé (art. 19ss nOPCC). La nouvelle réglementation concernant les gestionnaires de placements collectifs soumis à un droit étranger est reprise de l’ordonnance de la Finma sur les banques étrangères
Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur les banques étrangères en Suisse (OBE-FINMA, RS 952.111). (art. 29a à 29f nOPCC).Par analogie avec les dispositions des directives européennes OPCVM et AIFM relatives à la garde, l’ordonnance règle désormais en détail les exigences que doit satisfaire la banque dépositaire pour exercer son activité et exécuter ses tâches, ainsi que la surveillance du tiers ou du dépositaire central mandaté (art. 102a, 104, al. 2, et 105a nOPCC).S’agissant de la distribution, l’ordonnance révisée commence par en donner une nouvelle définition et précise les dérogations légales (art. 3 nOPCC). Autre élément essentiel: la révision des conditions que les particuliers fortunés doivent remplir pour être considérés comme des investisseurs qualifiés (art. 6 et 6a, al. 1, nOPCC).Outre les nouvelles prescriptions légales relatives à la réglementation des produits, la nouvelle ordonnance précise certaines dis-positions applicables aux fonds immobi-liers. L’art. 91a, par exemple, clarifie la no-tion de «personnes proches» figurant à l’art. 63 LPCC et en dresse une liste non exhaustive. La réglementation a également changé en ce qui concerne l’approbation du contrat de fonds de placement par la Finma. Désormais, celle-ci n’examine plus que les éléments du contrat essentiels à la protection des investisseurs (art. 35a et 41 nOPCC). Ainsi, abstraction faite des prescriptions impératives du droit des placements collectifs relatives à la protection des investisseurs, la conception du contrat est dorénavant laissée aux parties.

Conclusion


Bien qu’elles ne renforcent pas la protection des investisseurs dans toute la mesure proposée par le Conseil fédéral, la révision de la LPCC finalement adoptée par le Parlement et celle de l’ordonnance paraissent globalement bien équilibrées. Reste à savoir si l’UE reconnaît cette nouvelle réglementation comme équivalente à la sienne.

Proposition de citation: Anne-Helene Wuerth (2013). Révision de la loi et de l’ordonnance sur les placements collectifs. La Vie économique, 01 mai.