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Développer l’égalité des chances et exploiter le potentiel inutilisé

La compétition croissante que connaît le marché de l’emploi impose de donner de meilleures chances d’employabilité aux femmes, aux travailleurs âgés, aux personnes issues de la migration et à celles qui sont socialement défavorisées. De nombreuses entreprises réagissent à l’évolution démographique et à la diversité croissante de leurs collaborateurs avec une large palette de mesures. Il s’agit désormais de faire mieux connaître ces idées, stratégies et instruments, et de les mettre à la portée de tous.

Il y aura égalité des chances non seulement quand les gens trouveront du travail grâce à leur potentiel, à leurs capacités et à leurs compétences, mais aussi quand les entraves structurelles et juridiques auront été éliminées et qu’il existera une protection légale contre la discrimination. Sur le marché de l’emploi, en effet, l’égalité signifie que tous ont les mêmes chances d’accéder au travail et à la formation. Personne ne doit être discriminé en raison de caractéristiques extérieures comme la nationalité, l’origine, le sexe, l’âge ou la religion.

Un potentiel inexploité


L’Entraide protestante suisse (Eper) aide les personnes socialement défavorisées à améliorer leurs compétences personnelles et techniques pour pouvoir s’insérer sur le marché de l’emploi. Nous constatons régulièrement que certains groupes de population sont nettement défavorisés en ce domaine. Ce sont:

  • Les jeunes ayant raté le passage de l’école à la formation professionnelle ou à la vie active en raison de leurs origines ou de leur insuffisance scolaire. C’est le cas d’Adina Budzic, de Bosnie, qui a grandi en Suisse et terminé l’école avec de bonnes notes, mais n’a trouvé de place d’apprentissage que deux ans après la fin de sa scolarité. Il est attesté que les jeunes issus de la migration doivent rédiger cinq fois plus de candidatures que les Suisses pour parvenir à un entretien d’embauche et qu’il leur faut deux fois plus de temps pour trouver une place d’apprentissage.
    OFPT (2009).
  • Les chômeurs de plus de 50 ans qui ont de la peine à se réinsérer dans la vie professionnelle. Ainsi, le peintre H. Gurtner (58 ans) cherche du travail depuis plus de trois ans et après l’envoi de 400 candidatures. Une étude montre que seule une personne sur cinq ayant perdu son emploi après 55 ans retrouve une activité; les quatre autres restent longtemps au chômage.
    Ruch (2011).
  • Les personnes hautement qualifiées en provenance d’États tiers, qui ne trouvent accès au monde professionnel qu’avec difficulté et doivent souvent accepter un déclassement. Comme exemple, citons la Brésilienne L. Grandchamp, professeure d’université, dont les diplômes n’ont été reconnus qu’au terme d’une longue procédure et de divers examens. Elle est aujourd’hui institutrice dans une classe d’intégration. Selon les chiffres actuels, les personnes hautement qualifiées arrivant de pays extérieurs à l’UE sont trois fois plus frappées par le chômage que leurs homologues suisses, même quand elles ont achevé leur formation en Suisse.
    Aratnam (2012).
  • Les personnes peu qualifiées ayant obtenu un certificat d’études. Seules 20% d’entre elles effectuent une formation continue ou un rattrapage. À l’opposé, 73% des diplômés universitaires entreprennent une formation continue.
    Ruch (2011).

Les enjeux


En Suisse, ce potentiel inutilisé peut être mis en regard d’importants mouvements et enjeux sociaux, comme l’évolution démographique – qui fait que la proportion de travailleurs âgés augmente –, l’arrivée de migrants originaires de pays extérieurs à l’UE ou celle, de plus en plus nombreuse, de personnes hautement qualifiées provenant d’États tiers, ou encore le nombre croissant de femmes candidates à l’emploi. L’académisation du monde professionnel fait, en outre, que les professions manuelles et techniques ont perdu de leur attrait. On manque cruellement de main-d’œuvre spécialisée et plus d’un tiers des entreprises ont de la peine à trouver suffisamment de personnel qualifié. Nombre d’entre elles recrutent toujours dans l’UE, mais cette source pourrait se tarir. En même temps, des travailleurs établis en Suisse cherchent en vain un emploi. On n’a pas encore reconnu le potentiel des personnes hautement qualifiées issues d’États tiers et au bénéfice d’un permis de séjour. C’est qu’il est difficile pour beaucoup d’entreprises d’évaluer les qualifications obtenues dans ces États ou simplement de s’accommoder de cultures étrangères.

La campagne L’égalité des chances, 
un investissement gagnant


Grâce à ses programmes d’intégration professionnelle, l’Eper est en contact étroit avec les entreprises. Elle connaît donc la situation dans plusieurs PME et grandes sociétés. Par expérience, elle sait que beaucoup d’entre elles sont déjà très engagées dans la promotion de l’égalité des chances et que cet engagement est payant à deux égards: d’abord pour les personnes défavorisées sur le marché suisse de l’emploi, ensuite pour les entreprises elles-mêmes.C’est pour cette raison que l’Eper et l’Union patronale suisse ont lancé la campagne L’égalité des chances, un investissement gagnant, dans le cadre de laquelle elles ont édité une publication présentant douze entreprises de toute la Suisse qui s’engagent dans ce domaine (voir encadré 1

Égalité des chances


La publication de l’Eper et de l’Union patronale suisse comprend:

  • les portraits de douze entreprises suisses de différents secteurs;
  • une liste de mesures pour mettre en œuvre l’égalité des chances dans une entreprise;
  • les formes les plus fréquentes de discrimination sur le marché de l’emploi;
  • des documents et liens pour approfondir le sujet.


Pour commander: EPER – Entraide protestante suisse, Seminarstrasse 28, Case postale, 8042 Zurich. Tél. +41 44 360 88 00, info@heks.ch, http://www.heks.ch/chancengleichheit

Manifestations régionales

Dans le cadre de la campagne L’égalité des chances, un investissement gagnant, nous sommes volontiers disposés soit à réaliser une manifestation avec votre association, entreprise, club de service ou autres, soit à participer à une manifestation que vous organisez.

). Parallèlement, les antennes régionales de l’Eper ont organisé avec les associations cantonales diverses manifestations locales dans lesquelles les entreprises ont pu apprendre à travers des cas concrets comment promouvoir l’égalité des chances. La campagne a donc permis de propager des exemples de bonnes pratiques entrepreneuriales.

Que font les entreprises pour promouvoir l’égalité des chances?


L’engagement en faveur de l’égalité des chances exprime un mélange de responsabilité sociale et d’intérêt économique bien compris. Un facteur décisif de succès est la conviction personnelle des cadres directeurs qui placent le respect, l’équité et le bien commun au-dessus du profit personnel. Associée au sentiment de responsabilité vis-à-vis du personnel et de l’entreprise, ainsi qu’à une vision à long terme, cette attitude fait partie de la culture de beaucoup d’entreprises (familiales); elle est vécue et transmise de génération en génération. Les considérations économiques jouent aussi un rôle important. En effet, même si elles insistent régulièrement sur le fait qu’elles ne sont pas des œuvres sociales et doivent être rentables, les entreprises n’en réagissent pas moins à l’évolution démographique; elles s’ouvrent de nouveaux marchés et clientèles grâce à la diversité de leur personnel, s’assurent d’une relève et d’une main-d’œuvre spécialisée, cherchent à exploiter au mieux les aptitudes de leurs employés et en font ainsi des collaborateurs loyaux et motivés.Les mesures appliquées par les entreprises relèvent de quatre domaines: recrutement, avancement du personnel, conditions de travail et philosophie (ou organisation) générale. En voici la description, suivie de recommandations concrètes.

Recrutement


Le libellé des offres d’emploi peut décider si les candidats potentiels se sentiront interpellés et s’ils réagiront ou non. Les journées d’initiation et les tests approfondis montrent qui est véritablement apte.Recommandations. Formuler les offres d’emploi de façon neutre quant au sexe, à l’âge et à la nationalité, et le faire au besoin en plusieurs langues. Pour les jeunes, tester en premier lieu la motivation et l’aptitude, et accorder moins d’importance aux notes et aux diplômes. Reconnaître les qualifications étrangères de personnes hautement qualifiées issues de la migration et utiliser des 
plateformes spécifiques de recrutement pour les femmes disposant de bonnes qualifications, le groupe des 50 ans et plus ou les personnes hautement qualifiées issues d’États tiers.

Avancement du personnel


Le savoir donne une longueur d’avance. Dans une société du savoir, l’importance de la qualification et de la formation continue des collaborateurs augmente. Même les travaux dits peu qualifiés sont aujourd’hui plus exigeants qu’autrefois. Or, le taux de formation continue des personnes à faible revenu et peu qualifiées est toujours très bas. C’est un luxe que les entreprises ne pourront plus se payer à long terme.Recommandations. Les cours de langue donnés à l’interne ou à l’extérieur pendant les heures de travail suscitent beaucoup d’intérêt de la part des employés. Un fonds de formation continue, comme celui du secteur de la construction, permet aussi aux personnes à faible revenu de se qualifier. Même les collaborateurs âgés doivent pouvoir bénéficier d’un perfectionnement et d’une spécialisation systématique dans l’entreprise. Les cadres seront formés pour acquérir des compétences transculturelles.

Conditions de travail


Les horaire de travail flexibles et le partage de poste au niveau des cadres sont devenus une nécessité économique pour permettre aux femmes, parents et travailleurs âgés limités par leur santé d’accéder au marché de l’emploi. Au sein des entreprises décrites dans notre campagne, la coexistence pacifique des générations et des nationalités ainsi que l’égalité de traitement ont une haute importance, parce qu’elles favorisent l’ambiance professionnelle. Recommandations. Former des équipes mixtes quant à l’âge, à la nationalité et au sexe. Sensibiliser au racisme, au sexisme et à la discrimination en raison de l’âge. Fixer une procédure écrite pour les cas de discrimination.

Philosophie de l’entreprise


Dans les entreprises, l’égalité des chances et la protection contre la discrimination connaissent des ancrages institutionnels différents, ce qui se traduit aussi par un degré variable de formalisation. Ce sont surtout les grandes sociétés qui se sont dotées d’une gestion de la diversité et ont ainsi réorienté toute leur philosophie et leur organisation. Elles connaissent souvent des directives sur l’égalité de traitement, la non-discrimination ou la diversité, de même que des responsables de l’égalité des chances. Dans les entreprises plus petites, l’égalité des chances est souvent vécue au quotidien de façon pragmatique.Recommandation. Favoriser l’engagement personnel et la conviction explicite de la direction.

Qu’y gagne-t-on?


La promotion de l’égalité des chances a un effet positif.

  • Faible fluctuation de personnel et coûts moindres de recrutement. Les entreprises peuvent compter sur des collaborateurs fidèles et loyaux qui leur restent attachés à long terme.
  • Bonne ambiance de travail. Plusieurs entreprises parlent de collaborateurs satisfaits et motivés qui s’identifient à elles, et d’une bonne ambiance de travail. Quand celle-ci règne, cela se ressent également à l’extérieur, d’où un lien étroit avec la satisfaction de la clientèle.
  • Gain d’image. Beaucoup d’entreprises ont remarqué que, grâce à leur engagement en faveur de l’égalité des chances, elles ont gagné une image positive dans la société.
  • Garantie de relève et de main-d’œuvre spécialisée. Les entreprises peuvent répondre avec succès au manque de relève et de main-d’œuvre spécialisée, trouver des apprentis et des spécialistes motivés, puis les fidéliser.
  • Exploitation optimale du potentiel. Les entreprises estiment que grâce aux mesures appliquées, elles parviennent à exploiter au mieux le potentiel de leurs collaborateurs.
  • Succès économique grâce à la promotion de la diversité. Les entreprises constatent généralement une amélioration de leurs résultats financiers. La diversification du personnel renforce le taux d’innovation, permet d’atteindre et de mieux servir certains segments spécifiques de la clientèle, et même d’ouvrir de nouveaux marchés.


Les travailleurs âgés, les personnes issues de la migration et les femmes marquent de plus en plus le marché de l’emploi. Maîtriser la diversité et promouvoir l’égalité des chances font partie intégrante d’un modèle d’affaires moderne qui anticipe les changements ­sociaux et les pilotent avec succès.

Encadré 1: Égalité des chances

Égalité des chances


La publication de l’Eper et de l’Union patronale suisse comprend:

  • les portraits de douze entreprises suisses de différents secteurs;
  • une liste de mesures pour mettre en œuvre l’égalité des chances dans une entreprise;
  • les formes les plus fréquentes de discrimination sur le marché de l’emploi;
  • des documents et liens pour approfondir le sujet.


Pour commander: EPER – Entraide protestante suisse, Seminarstrasse 28, Case postale, 8042 Zurich. Tél. +41 44 360 88 00, info@heks.ch, http://www.heks.ch/chancengleichheit

Manifestations régionales

Dans le cadre de la campagne L’égalité des chances, un investissement gagnant, nous sommes volontiers disposés soit à réaliser une manifestation avec votre association, entreprise, club de service ou autres, soit à participer à une manifestation que vous organisez.

Encadré 2: Revendications communes de 
l’Eper et des employeurs

Revendications communes de 
l’Eper et des employeurs


L’Eper et l’Union patronale sont toutes deux d’avis que les institutions et les milieux politiques doivent également contribuer à l’égalité des chances. Elles poursuivent les objectifs suivants:

  • mise à disposition des entreprises, administrations, organisations et personnes visées par les discriminations d’informations accessibles et de conseils professionnels en matière d’égalité des chances;
  • mesures pour améliorer l’accès aux formations de base ou de rattrapage et à la for-
mation continue;
  • élargissement et simplification des procédures de reconnaissance des diplômes étrangers; validation des compétences et de la pratique professionnelle;
  • mesures pour concilier le travail et la famille;
  • politiques du personnel, de l’emploi et des assurances, qui tiennent compte de l’âge.


Si l’Eper est d’avis qu’il est également urgent d’agir sur le plan légal pour donner un caractère contraignant à la promotion de l’égalité des chances, l’Union patronale estime de son côté que les mesures doivent être conçues sur une base volontaire. L’Eper milite pour la création d’interdictions des discriminations dans le droit privé, administratif et pénal, ainsi que pour l’adoption d’une loi ­nationale garantissant l’égalité de traitement, comme celle que connaissent déjà plusieurs États de l’UE.

Encadré 3: Bibliographie

Bibliographie

  • AratnamGanga Jey, Hochqualifizierte mit Migrationshintergrund. Studie zu möglichen Diskriminierungen auf dem Schweizer Arbeitsmarkt, Bâle, 2012, séminaire de sociologie de l’université de Bâle et Commission fédérale contre le racisme (CFR).
  • Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFPT) et al., Integrationsprobleme von jungen Erwachsenen. Schlussbericht, Zurich, 2009, BHP – Brugger und Partner AG.
  • Ruch Thomas et al., Rapport social statistique suisse 2011. Rapport du Conseil fédéral du 18 mai 2011 en réponse au postulat «Législature. Rapport social», 2011.

Proposition de citation: Antoinette Killias (2013). Développer l’égalité des chances et exploiter le potentiel inutilisé. La Vie économique, 01 juillet.