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Institutions de prévoyance et flexibilité de l’âge de la retraite

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Une forte participation des générations âgées à la vie active allège le financement de la sécurité sociale. C’est pourquoi il est important que la population résidante active reste motivée. La Suisse est bien placée en ce domaine, puisque 70% des 55–64 ans sont toujours en activité. Pour que la participation au marché du travail demeure élevée, les institutions de prévoyance doivent toujours veiller à une stricte neutralité des incitations. Que peut-on dire à cet égard des propositions du Conseil fédéral contenues dans la réforme Prévoyance vieillesse 2020?

Photo: Keystone


La sécurité sociale et les conséquences de la politique économique sont au cœur des discussions sociopolitiques. Or, selon les règles définies, les institutions de prévoyance peuvent avoir une grande influence sur le marché du travail.

Un taux d’activité professionnelle élevé garant de la prospérité


L’important taux d’activité professionnelle des générations âgées facilite le financement des institutions sociales, car ces personnes ont versé des cotisations salariales pendant de plus longues années que les autres et perçoivent des rentes pendant une durée plus courte. En outre, un réservoir de main-d’œuvre qualifiée est un atout économique décisif; il le restera ces prochaines années. À cet égard, le savoir-faire et l’expérience des salariés âgés peuvent jouer un rôle considérable.

Une situation favorable en Suisse


Le graphique 1 montre qu’en Suisse, 70% de la population âgée de 55 à 64 ans exerce une activité professionnelle, une proportion supérieure à la moyenne internationale. Parmi les pays de l’OCDE, seules l’Islande, la Nouvelle-Zélande et la Suède affichent des taux plus élevés.Les pays dont le taux d’activité professionnelle des travailleurs âgés est bas disposent pour les années à venir d’un potentiel que des mesures politiques adéquates peuvent rendre exploitable. S’ils parviennent à réduire les généreuses dispositions qui incitent à la retraite anticipée ou à les cibler davantage, ils pourront avantageusement en tirer parti.En Suisse, le potentiel des 55-64 ans est aujourd’hui largement épuisé. Selon une étude de l’Office fédéral des assurances sociales (Ofas)
Trageser Judith, Hammer Stefan et Fliedner Juliane, Altersrücktritt im Kontext der demografischen Ent- wicklung (résumé en français), rapport de recherche  Ofas n° 11/12., quelque 40% des actifs prennent leur retraite un an ou plus avant l’âge officiel. Ce chiffre est, toutefois, faible par rapport à d’autres pays. En outre, un tiers des actifs continuent de travailler après l’âge légal. Bien que ce groupe jouisse glo-balement de revenus élevés, entre un tiers et la moitié de ceux qui ont répondu à l’enquête évoquent des questions financières
Rapport de recherche Ofas n° 11/12, p. 18.. La même étude montre qu’il existe une demande de plus en plus forte envers un assouplissement de l’âge de la retraite.

Décision concernant l’âge de la retraite


Les institutions de prévoyance des différents pays définissent un âge de la retraite statutaire. C’est, en général, celui auquel l’assuré peut toucher l’entier des prestations de prévoyance. La plupart des systèmes offrent, toutefois, une certaine souplesse qui peut s’exprimer sous la forme d’un âge de la retraite flexible ou de possibilités de retraite anticipée, comme dans le cas de crises majeures.De multiples raisons poussent le salarié à prendre sa retraite à tel ou tel âge. Les sondages sont à prendre avec prudence, les réponses dépendant de l’état d’esprit des personnes interrogées. Plusieurs facteurs économiques «durs» sont, en outre, indirectement liés aux institutions de prévoyance, notamment:

  • la situation économique générale, qui détermine la demande de main-d’œuvre;
  • le fonctionnement général du marché du travail et, plus particulièrement, les conditions offertes aux travailleurs âgés;
  • le niveau de formation des demandeurs d’emploi âgés;
  • les capitaux dont les assurés disposent, par exemple des biens immobiliers;
  • la propension des entreprises à employer des travailleurs âgés.


La prévoyance professionnelle peut aussi induire directement des incitations négatives. Lorsque la rente n’est pas adaptée malgré un départ à la retraite retardé d’une année et que le salaire n’est pas beaucoup plus élevé que la rente, il n’est économiquement pas intéressant de travailler plus longtemps. Les départs à la retraite anticipée sont alors très nombreux. Pour inciter les travailleurs âgés à rester actifs, il faut éviter d’octroyer des avantages matériels trop importants en cas de retraite anticipée et accorder un supplément de rente correct d’un point de vue actuariel si celle-ci est différée. Un tel système suit généralement la règle selon laquelle le départ à la retraite ne doit être ni facilité, ni sanctionné. C’est ce que l’on appelle la neutralité d’incitation.

Le système suisse: des incitations à travailler plus longtemps


Dans le cas du Ier pilier, la retraite anticipée implique une réduction des prestations AVS, tandis que le report du départ à la retraite les augmente (voir tableau 1). Les taux correspondants ont été définis par voie actuarielle dans le cadre de la 10e révision de l’AVS
Les taux devraient être actualisés dans le prochain message sur la réforme Prévoyance vieillesse 2020.. Cette dernière n’incite donc pas à la retraite anticipée.Le IIe pilier se fonde sur le principe de la capitalisation. Le capital s’accroît avec chaque année supplémentaire d’activité professionnelle. Un tel système est considéré comme neutre sur le plan incitatif. Ce principe est, toutefois, mis à mal par des répartitions involontaires au sein même du IIe pilier, qui interviennent généralement dans le cadre du financement des prestations promises. Le taux de conversion minimum, qui induit pour les rentes actuelles un transfert des jeunes cohortes vers les plus anciennes et les rentiers, en est un bel exemple.Les bonifications de vieillesse dans le IIe pilier sont fixées en fonction de l’âge. Les travailleurs âgés paient – selon le minimum LPP – nettement plus que les jeunes. Les charges salariales acquittées par les employeurs sont donc aussi nettement plus élevées. Les avis divergent quant à l’impact de ce paramètre sur l’employabilité des travailleurs âgés.Des capitaux surobligatoires élevés dans le IIe pilier peuvent favoriser un départ anticipé de la vie active, parce que le capital suffit pour une retraite confortable, même si une année d’activité professionnelle supplémentaire l’étofferait encore. Ceci explique pourquoi, dans notre pays, les personnes qui ont un bon salaire peuvent partir à la retraite avant l’âge ordinaire. Ce résultat ne peut toutefois pas être reproché à l’institution de prévoyance, car il existe d’autres possibilités en ce domaine, comme une épargne privée suffisante ou des biens immobiliers.

La Suisse en comparaison internationale


La Suisse est, au plan qualitatif, un pays où il vaut la peine de travailler longtemps. Comment son système se positionne-t-il en comparaison internationale? Les informations données ici proviennent d’une étude réalisée par l’OCDE en 2011
OCDE, Panorama des pensions 2011: les systèmes de retraite dans les pays de l’OCDE et du G20, 2011, éd. OCDE.. Deux indicateurs y sont utilisés pour mesurer les incitations financières: le taux de remplacement et l’effet que peut avoir sur le patrimoine retraite l’allongement d’une année de la vie active entre 60 et 65 ans.

  • Le taux de remplacement mesure la différence (en %) entre le revenu perçu après l’âge ordinaire de la retraite et celui obtenu dans le cadre d’une retraite anticipée. Plus le rapport est élevé et plus l’incitation financière à continuer de travailler est grande. Avec un taux de remplacement de 57,9% pour les travailleurs à revenu moyen, la Suisse est très proche de la moyenne de l’OCDE (57,4%).
  • L’effet sur le patrimoine retraite peut être aussi bien négatif que positif (voir graphique 2). Lorsque la valeur est négative, ce capital diminue avec l’allongement de la vie active; il augmente dans le cas contraire. En Suisse, le patrimoine retraite s’accroît d’un montant équivalent à 12,1% du salaire annuel lorsque le travailleur prolonge son activité professionnelle d’une année entre 60 et 65 ans. Ce fait devrait favoriser la poursuite du travail. Si en revanche une personne du même âge, au Luxembourg par exemple, prolonge son activité lucrative d’une année, son patrimoine retraite diminue d’un montant équivalent à 76% d’un salaire annuel.


Les calculs de l’OCDE comportent un fort degré d’abstraction et doivent être considérés comme des ordres de grandeur et non comme des estimations précises. Ils signalent toutefois qu’en Suisse, les travailleurs sont incités de deux manières à rester actifs: a) le taux de remplacement n’incite guère à partir à la retraite; b) prolonger la vie professionnelle comporte un intérêt certain.

Importance de l’évolution économique


Ainsi que nous l’avons déjà précisé, les institutions de prévoyance influencent la participation des travailleurs âgés à la vie active en Suisse, sans pour autant la déterminer de manière prépondérante. À long terme, l’évolution de l’économie et du marché du travail joue un plus grand rôle. Par le passé, on a déjà observé une augmentation des départs à la retraite anticipée pendant les phases de récession prolongées. D’un point de vue purement économique, il est donc logique que leur nombre diminue en période de croissance.La situation est problématique lorsque la conjoncture est mauvaise pendant de longues périodes, comme dans les années nonante où la Suisse a connu une croissance faible et où son marché du travail accumulait les difficultés. Les départs à la retraite anticipée étaient alors facilités par un excellent rendement sur les marchés financiers. Les travailleurs pouvaient donc toucher une rente confortable. Si une telle tendance à la stagnation, associée à une situation défavorable sur les marchés financiers, devait se présenter à l’avenir, il est à craindre que des effectifs entiers quittent prématurément la vie professionnelle et que la retraite anticipée devienne la norme.

Perspectives


Pour les années à venir, le Conseil fédéral a mis en route deux projets importants pour les travailleurs âgés et la flexibilisation de l’âge de la retraite: la réforme Prévoyance vieillesse 2020 et l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié.Pour la Prévoyance vieillesse 2020, le Conseil fédéral a arrêté en novembre 2012 des directives concernant la réforme de l’âge de la retraite dans les Ier et IIe piliers. Les points suivants sont importants du point de vue de la flexibilisation:

  • Harmonisation à 65 ans de l’âge de référence pour les hommes et les femmes (AVS et LPP). Remplacement de l’âge de la retraite statutaire en vigueur jusqu’ici par cet âge de référence harmonisé.
  • Flexibilisation coordonnée et adéquate d’un point de vue actuariel de la retraite dans l’AVS et la LPP. Sur cette base, maintien de la neutralité d’incitation, atout du système de prévoyance suisse en matière d’emploi.
  • Réduction de l’attrait de la retraite anticipée, en particulier en relevant l’âge minimum de 58 ans figurant dans la prévoyance professionnelle.


Parmi les éléments de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié figurent également des mesures destinées à améliorer l’employabilité des travailleurs âgés.:

  • La santé en général et sa protection au travail en particulier jouent un rôle déterminant pour la préservation de l’employabilité. Un forum national destiné à étendre les exigences de promotion de la santé dans l’entreprise a été mis sur pied. Les programmes nationaux de prévention de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) visent à préserver la santé de la population, à la rétablir et à assurer que le vieillissement se fasse dans de bonnes conditions sanitaires. Cela doit permettre d’éviter l’absentéisme et les coûts élevés qui l’accompagnent. Du point de vue de l’entreprise, les programmes de prévention des dépendances ou de la dépression sont importants.
  • La formation continue ou le relèvement du niveau de qualifications à l’âge adulte contribuent à ce que les travailleurs puissent et veuillent conserver plus longtemps une activité professionnelle. La Suisse est déjà bien placée dans ces deux domaines, mais différentes mesures sont destinées à conforter encore cette position favorable.
  • L’assurance-chômage dispose de tout un arsenal de mesures dont le but est de faciliter l’intégration des demandeurs d’emploi. La Confédération a déjà fait un pas dans cette direction en augmentant l’allocation d’initiation au travail pour les chômeurs âgés, introduite lors de la dernière révision partielle de la loi sur l’assurance- chômage.

Un système reposant sur la solidité de la situation économique


Le fonctionnement des institutions de prévoyance est d’ores et déjà très propice à l’emploi des travailleurs âgés. Cela devrait encore être le cas à l’avenir grâce aux directives du Conseil fédéral concernant la réforme Prévoyance vieillesse 2020. La flexibilisation de la retraite doit se mettre en place de façon correcte sur le plan actuariel et ne doit pas reposer uniquement sur les institutions de prévoyance. La solidité des conditions macroéconomiques, la stabilité des finances publiques et la politique sectorielle telle qu’elle est prévue dans le cadre de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié sont tout aussi importantes que les institutions de prévoyance elles-mêmes. Le système suisse de prévoyance vieillesse, dans sa sophistication, a impérativement besoin d’un contexte politico-économique solide.

Graphique 1: «Taux d’activité professionnelle de la population âgée de 55 à 64 ans, 1er trimestre 2013»

Graphique 2: «Variation du patrimoine retraite en % d’un revenu annuel, si la vie active est allongée d’une année entre 60 et 65 ans, 2011»

Tableau 1: «Variation en % en cas de reversement anticipé ou différé de la rente AVS»

Proposition de citation: Aeberhardt, Werner; Misteli, Damian (2013). Institutions de prévoyance et flexibilité de l’âge de la retraite. La Vie économique, 01 septembre.