Le Conseil fédéral prévoit notamment d’augmenter les moyens financiers alloués à l’assainissement énergétique des bâtiments. Keystone
La Stratégie énergétique 2050 veut transformer progressivement l’approvisionnement énergétique suisse d’ici cette date. Dans le message qu’il a adressé au Parlement le 4 septembre dernier, le Conseil fédéral propose de réviser une série de lois. Cette réforme comporte trois éléments essentiels:
- Les nouvelles dispositions de la loi sur l’énergie nucléaire consacrent la sortie du nucléaire. Elles stipulent qu’aucune autorisation générale ne sera plus accordée à l’avenir pour la construction de telles centrales.
- La loi sur l’énergie définit de nouveaux objectifs stratégiques pour le développement des énergies renouvelables ainsi que pour la réduction de la consommation d’énergie et d’électricité. Ces cibles quantitatives doivent être atteintes d’ici 2035. Elles constituent la base des mesures destinées à promouvoir les énergies renouvelables et à renforcer l’efficacité énergétique.
- Cet élément est le plus vaste et comprend un important train de mesures (voir encadré 1) que le Conseil fédéral conçoit comme la première étape de sa stratégie énergétique. Les principales consistent à augmenter et à réformer la rétribution de l’injection d’électricité issue d’énergies renouvelables (RPC), et à renforcer le programme Bâtiments.
Le Conseil fédéral prévoit de franchir une deuxième étape, à partir de 2020, en remplaçant cette politique d’encouragement par un système d’incitation. Il entend ainsi réduire les coûts de la stratégie énergétique pour l’économie nationale. Au début de septembre dernier, le Département fédéral des finances (DFF) a mis en consultation dans les milieux intéressés un rapport de base sur ce thème.
Comment concilier sécurité de l’approvisionnement et protection du climat?
Les centrales nucléaires seront désaffectées au terme de la durée d’exploitation qu’autorisent les critères techniques de sécurité. Il faudra alors un renouvellement important de l’offre énergétique. Ces installations produisent environ 40% de l’électricité consommée en Suisse. D’autres technologies ou le recours accru aux importations devront remplacer les réacteurs nucléaires, pour que la sécurité de l’approvisionnement reste élevée. Il sera également nécessaire de renouveler et de développer les réseaux de distribution d’électricité.Avec des centrales à gaz à cycle combiné ou en augmentant les importations, on pourrait assurer l’approvisionnement futur en électricité aux coûts les plus bas possibles sur le plan énergétique. Les dernières Perspectives énergétiques, [1] calculées sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie, montrent que la Suisse aura besoin de neuf centrales à gaz à cycle combiné dès 2035 si elle renonce à construire de nouvelles centrales nucléaires.En raison du coût élevé du courant issu d’énergies renouvelables, c’est à l’État qu’il incombera en priorité de résoudre le conflit entre ces installations et les objectifs de la politique climatique. En effet, les neuf centrales à gaz à cycle combiné dégageraient chaque année plus de 8 millions de tonnes de CO2, augmentant ainsi le volume des émissions suisses de 30% en 2035. Ces rejets supplémentaires ne seraient pas compatibles avec les objectifs proposés par le Conseil fédéral dans la loi sur l’énergie: le volume des émissions de CO2, qui dépasse aujourd’hui 5 tonnes par habitant et par an, doit descendre jusqu’à un niveau situé entre 1 et 1,5 tonne d’ici la moitié du siècle.Selon les Perspectives énergétiques, le premier train de mesures présenté par le Conseil fédéral constitue un pas important vers la réduction des émissions de CO2. La promotion des énergies renouvelables et le renforcement de l’efficacité énergétique permettront déjà de ramener ces rejets à environ 3 tonnes par habitant et par an dès 2035.
Les pays étrangers influencent l’impact sur l’économie
Durant la deuxième étape, les émissions devront tomber à un niveau compris entre 1 et 1,5 tonne par habitant pour atteindre les objectifs de la politique climatique. Ce défi est difficile à relever et implique l’économie. C’est ce que montre l’analyse des impacts macroéconomiques [2], également réalisée dans le cadre des Perspectives énergétiques. Les mesures de la première étape ont un effet comparable à une taxe de 140 francs par tonne sur toutes les émissions de CO2 et à une taxe de 23% sur le prix de l’électricité en 2035. Pour atteindre les objectifs de la stratégie énergétique, il faudra, toutefois, prendre en 2035 des mesures ayant des effets comparables à une taxe de 540 francs la tonne sur le CO2 et de 31% sur l’électricité.Des mesures d’une telle portée auront nécessairement un impact sur l’économie. Les modèles montrent qu’avec le premier train de mesures, le produit intérieur brut (PIB) pourrait baisser de 1,8% en 2035. Exprimé en valeur absolue, cela signifie une perte cumulée de 100 milliards de francs entre 2020 et 2035.Pour que la Suisse puisse atteindre les objectifs de sa stratégie énergétique à des coûts économiquement acceptables, l’évolution de la politique climatique à l’étranger sera déterminante. Les Perspectives énergétiques supposent que d’autres pays chargeront de manière significative leurs émissions. S’ils ne se décident pas à prendre des mesures similaires et continuent de rejeter gratuitement de grandes quantités de CO2, il faut s’attendre à ce que la stratégie énergétique ait un impact nettement plus néfaste pour l’économie nationale; la place économique suisse pourraient en souffrir. De même, si les mesures étatiques devaient conduire, non pas à réduire les émissions de CO2, mais simplement à les déplacer vers les pays étrangers, elles n’auraient pas l’effet escompté sur la stabilisation du climat.
Des mesures d’encouragement aux incitations
En tous les cas, la Stratégie énergétique 2050 obligera à renforcer les interventions étatiques sur le marché de l’énergie. Cela pose avec d’autant plus d’acuité la question des outils utilisés. Le Conseil fédéral a décidé de remplacer après 2020 la politique d’encouragement, qui prévaut actuellement, par un système d’incitation. Il s’agit notamment de savoir si l’État encourage le «bien» – en l’occurrence les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique – ou s’il charge le «mal», à savoir les émissions de CO2.En règle générale, la promotion du «bien» passe pour être moins efficace que la pénalisation du «mal». Ainsi, l’encouragement direct de technologies – comme cela se pratique avec la rétribution à prix coûtant du courant injecté – se focalise sur celles qui existent déjà. Il n’incite guère à en développer d’autres, innovantes et encore inconnues de la politique promotionnelle. En revanche, les incitations financières facilitent l’innovation et la mise au point de technologies qui contribueront à une consommation plus efficace de l’énergie ou à la réduction des émissions.
- Prognos AG, Die Energieperspektiven für die Schweiz bis 2050, sur mandat de l’Office fédéral de lénergie, 2012, http://www.bfe.admin.ch.
- Ecoplan, Energiestrategie 2050 – volkswirtschaftliche Auswirkungen, sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie, 2012, http://www.bfe.admin.ch.