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Mobilité 2025: du système à l’usager

Plutôt que d’évoquer le «transport du futur», on devrait parler de «mobilité du futur». En effet, les grandes mutations actuelles ne concernent pas l’infrastructure des transports, mais la conception individuelle des déplacements. L’homme mobile d’aujourd’hui ne veut pas de moyens de transport plus rapides. Il a besoin d’un soutien dans les nombreux trajets de sa vie quotidienne.

Mobilité 2025: du système à l’usager

Avec l’ouverture du tunnel sous la Manche, en 1994, Londres ne se trouvait plus qu’à 2h50 de Paris en train. Néanmoins, des ingénieurs ferroviaires anglais ont immédiatement commencé de réfléchir à la manière de raccourir encore la durée du trajet. Leur réponse s’appelle High Speed 1. Cette ligne à grande vitesse, inaugurée en 2007, relie Londres à la côte britannique. Elle a coûté 6 milliards de livres et causé la ruine de plusieurs entreprises. Il a fallu acheter beaucoup de terrain et lancer de nombreux projets de protection de la nature. Mais High Speed 1 a permis de gagner 35 minutes supplémentaires: depuis lors, le voyage entre les deux capitales ne dure plus que 2h15. Est-ce là l’avenir de la mobilité?

Non, répond Rory Sutherland, publicitaire britannique de renommée internationale et vice-directeur du groupe Ogilvy. À ses yeux, il faut être dénué d’imagimation pour améliorer un trajet uniquement en le raccourcissant. Au lieu d’investir 6 milliards de livres dans la construction d’un nouveau tracé, on aurait pu, avec 3 milliards, engager les plus beaux top-modèles de la planète – hommes et femmes – et les payer pour qu’ils parcourent le train en servant gratuitement du «château» Petrus aux passagers. De cette manière, on aurait économisé beaucoup d’argent et amélioré vraiment la qualité du voyage. Aujourd’hui, les passagers demanderaient que le train roule plus lentement.

Faut-il continuer de développer l’infra-structure ferroviaire en Suisse ou servir de grands crus dans les transports publics? La question reste ouverte, mais cette histoire montre toutefois une chose, valable dans les deux cas: ce n’est pas le bien-être du système de transport, mais celui de l’homme qui doit définir l’avenir de la mobilité. Pendant longemps, la construction de nouvelles routes et voies ferrées a été le moteur de la mobilité, car c’est seulement grâce à elles que l’on se déplaçait. Aujourd’hui, la plupart des gens sont très mobiles dans leur vie quotidienne en Suisse. Les solutions d’hier sont donc de mauvaises réponses aux problèmes de demain. Pour savoir à quoi ressemblera la mobilité – et non le transport – du futur, il faut se demander si nous voulons nous déplacer toujours davantage ou plutôt autrement. Les paragraphes qui suivent nous projettent dans l’avenir.

Information et navigation


Le globe-trotter de 2025 disposera d’outils techniques lui permettant d’observer très exactement son propre comportement en matière de mobilité. Les informations fournies l’aideront à prendre des décisions relatives à ses déplacements, que ce soit pour choisir un moyen de transport ou pour traverser le plus rapidement possible la foule d’une grande gare. Le voyageur ne devra plus s’adapter à un horaire imposé, mais pourra suivre celui qu’il s’est fixé. Différents systèmes, aujourd’hui séparés, fusionneront pour n’en former plus qu’un: les transports publics, la voiture, mais également les planificateurs d’itinéraires ou l’offre de restauration dans les gares. Avant un déplacement, le voyageur pourra en coordonner les divers modes de transport: le vélo «sait» à quelle heure la personne doit prendre son train; le voyageur est ensuite guidé vers le parc à vélos de la gare, puis vers une place assise dans le train; les magasins situés sur son chemin connaissent ses besoins et ses préférences.

Partage et mise en commun


En 2025, les voyageurs seront plus nombreux à partager une voiture – la leur ou celle d’un service d’autopartage. Même si elle choisit de passer ses vacances dans une contrée lointaine, une jeune famille pourra s’accorder avec une autre pour n’utiliser qu’un seul véhicule. Outre l’économie financière, cela permet aux parents de se relayer au volant et de s’occuper des enfants. Les vélos et les voitures deviendront un bien commun, dont les fournisseurs assumeront l’entretien et les réparations. Alors que les transports publics s’individualiseront, les moyens de transports individuels deviendront collectifs. Il ne faut toutefois pas que la fiabilité, la ponctualité et la qualité souffrent de ce système de partage, ni que son fonctionnement soit compliqué. En outre, nous ne devrons pas perdre le sentiment de contrôler la situation. Actuellement, les voyageurs les plus heureux sont déjà ceux qui ont une grande influence sur leur itinéraire, à savoir les cyclistes et les piétons.

Dépôt et retrait de colis


La vie continuera de se flexibiliser d’ici 2025. Cela concerne aussi les déplacements. Une nouvelle forme de transport d’objets sera nécessaire, car il est de plus en plus fréquent que les colis voyagent indépendamment de leurs propriétaires. Valises, sacs de sport et autres cabas «communiqueront» à l’avenir avec ces derniers et avec leur environnement. Cela se fait déjà aujourd’hui: la voiture sans conducteur de Google, par exemple, reçoit des informations sur l’emplacement des autres usagers de la route. Par ailleurs, de moins en moins de voyageurs portent eux-mêmes leurs bagages, notamment en raison du vieillissement de la population. Prenons l’exemple d’un couple de seniors qui visitent une petite ville et achètent dans les magasins: ils emportent directement quelques bricoles et se font livrer les achats plus volumineux à la prochaine gare ou à leur domicile. En 2025, un réseau de stations «drop off and pick up» (dépôt et retrait) permettra ainsi de faire circuler les colis.

La monnaie de la mobilité


Les coûts des déplacements ne baisseront pas d’ici 2025. L’énergie, les infrastructures et la pollution sont très onéreuses. Les milieux politiques et les contribuables ne sont pas prêts à couvrir les déficits. Par conséquent, le prix des transports motorisés va fortement augmenter. En revanche, la marche à pied et le vélo resteront bon marché; la société les encouragera afin de réduire les coûts de la santé. La mobilité sera non seulement plus chère, mais également plus précieuse. Nous ne nous déplacerons pas davantage, mais plus consciemment. C’est pourquoi il y aura en 2025 un système de points: celui qui se déplacera par ses propres moyens gagnera des points et celui qui se fera transporter en perdra. Il faudra payer pour utiliser le système «drop off and pick up». En revanche, on obtiendra des points en transportant les colis d’autres voyageurs. Les points engrangés pourront être utilisés partout, le long du trajet, par exemple pour acheter un billet ou pour boire un café à la gare.

Le centre du village, du quartier et de la ville


En 2025, les gens seront plus nombreux à habiter dans les métropoles. Ils voyageront plutôt à l’intérieur de leurs périmètres qu’entre les villes. À cet effet, de nouveaux centres seront nécessaires. Hormis les rues, on verra surtout les gares, les arrêts des transports publics et les magasins devenir de véritables points de convergence. C’est là où les gens vivent et travaillent, là où ils font leurs courses. La multiplication de ces nouveaux petits centres évitera de saturer le trafic. Pour des raisons liées à l’environnement et à la santé, la mobilité douce sera revalorisée. Les déplacements d’une métropole à l’autre seront faciles, mais chers. À la campagne, la voiture conservera son monopole, encore renforcé par la tendance au partage. À l’instar du train ou du vélo, elle sera complètement intégrée dans les itinéraires personnels et perdra largement sa fonction de symbole de statut social.

Proposition de citation: Frerk Froboese (2013). Mobilité 2025: du système à l’usager. La Vie économique, 01 décembre.

Mobilité 2025 – de nouveaux itinéraires à travers un monde en mutation

L’étude du GDI «Mobilität 2025 – unterwegs in der Zukunft» décrit huit changements majeurs qui vont marquer la mobilité d’ici 2025. Elle présente également, sous la forme de six nouveaux concepts, les itinéraires qui conduiront à travers le monde mobile de 2025. Cette étude est disponible gratuitement à l’adresse http://www.gdi.ch/mobilitaet.

Un film d’animation montre les itinéraires de Tobias, l’un des protagonistes de l’étude. On peut le visionner à l’adresse http://www.gdi.ch/mobi2025bilder.

La mobilité résulte des besoins

La mobilité est souvent considérée comme un besoin fondamental. Pour justifier l’extension des infrastructures de transport, on fait valoir que les gens sont toujours plus mobiles et que c’est un signe de prospérité économique. Or, la mobilité repose toujours sur des déficits. Elle naît lorsque les besoins ne peuvent pas être satisfaits sur place: si une personne souhaite, par exemple, faire des achats, travailler ou vivre une nouvelle expérience, mais que cela n’est pas possible dans son quartier, elle est contrainte de se déplacer. La mobilité n’est donc pas un besoin, mais la conséquence de divers besoins. D’ici 2025, on devra faire en sorte de satisfaire ces derniers localement et d’une manière intelligente, au lieu de raccourcir encore la durée des trajets et de rapetisser sans arrêt la Suisse.