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Les coûts de la réglementation présentent peu d’intérêt s’ils ne tiennent pas compte de ses bénéfices

L’allégement administratif des entreprises fait partie intégrante de la politique de croissance du Conseil fédéral. Il contribue ­incontestablement à façonner des conditions-cadres intéressantes, grâce auxquelles les entreprises peuvent créer des emplois et ­générer de la valeur ajoutée. Il est, toutefois, peu pertinent d’évaluer les coûts de la réglementation sans tenir compte de ses bénéfices.

Les coûts de la réglementation présentent peu d’intérêt s’ils ne tiennent pas compte de ses bénéfices

Les postulats du conseiller aux États Jean-René Fournier et du conseiller national Bruno Zuppiger, acceptés en 2010, ont constitué le point de départ du récent rapport sur les coûts de la réglementation. Ils dénonçaient les charges administratives excessives qui pèsent sur l’économie suisse (en particulier sur les PME) et portent atteinte à sa compétitivité. Les réglementations engendrent des coûts, ce qui est logique, mais elles apportent aussi des bénéfices. Elles résultent d’une volonté politique et bénéficient d’une légitimité démocratique. Or, le rapport du Conseil fédéral a quantifié leurs coûts sans tenir compte de leurs avantages. Dès la première page, il reconnaît que les chiffres énoncés ne permettent pas de tirer de conclusion sur le niveau optimal de la réglementation. La pertinence de ce rapport s’en trouve limitée et ses estimations pourraient faire l’objet de controverses.

La Suisse offre de bonnes conditions-cadres avec peu de bureaucratie


Les classements internationaux montrent que les entreprises bénéficient en Suisse de très bonnes conditions-cadres. En ce qui concerne la performance et la compétitivité de l’économie, la Suisse obtient d’excellents résultats. Depuis cinq ans, elle se maintient à la première place de l’Indice global de la compétitivité, établi par le World Economic Forum. En 2013, elle est deuxième dans l’Annuaire mondial de la compétitivité (World Competitiveness Yearbook). Elle n’arrive pas seulement en tête des classements globaux; elle réalise aussi de bons scores par rapport aux indicateurs qui comparent spécifiquement la charge administrative et les obstacles bureaucratiques[1].

Il est compréhensible que les frais inhérents à la réglementation soient ressentis comme un fardeau. Ils pèsent d’ailleurs plus sur les PME que sur les grandes entreprises. Néanmoins, on ne devrait pas sur­estimer le problème. Comme le montrent des travaux de recherche, la charge administrative n’est que l’une des nombreuses question dont les PME doivent s’occuper, et elle n’est pas cruciale pour le succès d’une entreprise[2].

Allégement administratif n’est pas ­synonyme de déréglementation


Le rapport du Conseil fédéral relève à juste titre que l’évaluation des coûts n’a pas pour objectif de supprimer les réglementations existantes, mais de les optimiser sans remettre en cause leur utilité[3]. La Suisse pratique depuis plus de dix ans l’analyse d’impact de la réglementation. Cela l’oblige à confronter tous les projets d’actes normatifs à leur coût économique. Si d’autres possibilités d’optimisation émergent dans le cadre du rapport accompagnant, elles devront également être éprouvées. Tout allégement administratif des entreprises renforce la compétitivité de la Suisse. Si, au contraire, l’évaluation des coûts réglementaires ne sert qu’à alimenter une discussion idéologique sur la déréglementation, il conviendrait alors d’émettre de sérieuses réserves.

En tant que représentants des travailleurs, nous observons attentivement les domaines dans lesquels se déroule la discussion sur les coûts de la réglementation et les moyens de les éviter. Quand le rapport estime que ces charges s’élèvent à 637 millions de francs[4] pour le droit de la construction et qu’une harmonisation de la législation permettrait d’économiser plusieurs centaines de millions, cela ne pose aucun problème. Il n’en va pas de même avec l’évaluation des coûts engendrés par l’enregistrement et la documentation de la durée du travail: le rapport indique que ces prescriptions de la loi sur le travail coûtent 153 millions par an, sans mentionner en parallèle les bénéfices qui en résultent. C’est une approche très sensible politiquement.

Le rapport du Conseil fédéral offre une vue d’ensemble. Il permet en particulier d’identifier les domaines dans lesquels les coûts réglementaires sont élevés. Pour savoir dans quelle mesure ces charges s’accompagnent d’un potentiel d’économies, il faut examiner chaque réglementation séparément et prendre en considération les bénéfices qu’elle apporte. Il ne suffit pas de considérer simplement les coûts de la réglementation comme un potentiel d’économies en soi.

  1. Voir l’article de Kägi et Meier, La Vie économique, 9-2011, p. 9ss. []
  2. Voir l’article de Fueglistaller et Müller, La Vie ­économique, 9-2011, p. 24ss. []
  3. Voir le rapport sur les coûts de la réglementation, p.10. []
  4. Voir le rapport sur les coûts de la réglementation, p.16. []

Proposition de citation: Gabriel Fischer (2014). Les coûts de la réglementation présentent peu d’intérêt s’ils ne tiennent pas compte de ses bénéfices. La Vie économique, 01 janvier.