Étant donné l’importance du commerce extérieur pour l’économie suisse, la question des coûts administratifs attachés aux importations et aux exportations revient régulièrement sur la table. Une étude parue en 2006 les estimait ainsi à quelque 3,8 milliards de francs[1]. L’étude présentée ici[2] avance en revanche un chiffre d’environ 0,5 milliard[3]. Comment expliquer cette différence?
Un objet d’étude clairement délimité
La réponse tient à la délimitation de l’objet. L’étude en question s’est limitée aux importations et aux exportations définitives, soit à la procédure douanière, qui relève de la compétence de l’AFD. Seul un nombre très limité de dispositions autres que douanières ont été prises en compte. De telles dispositions concernent par exemple les importations de denrées alimentaires ou les autorisations de commerce pour certains produits chimiques dangereux[4].
La collecte des données nécessaires à l’étude – coûts en matière de personnel, d’exploitation et d’investissements, taxes – et le calcul des coûts de la réglementation effectué sur la base de ces chiffres diffèrent entre les importations et les exportations ainsi que selon le type d’acteurs: prestataires de services douaniers (par exemple transitaires), entreprises effectuant elles-mêmes leurs dédouanements ou, au contraire, sous-traitant cette tâche à un prestataire douanier, souvent conjointement avec le transport[5]. Sur les 270 questionnaires envoyés à des entreprises tirées au hasard, 36 ont pu être exploités (19 pour les importations, 17 pour les exportations). Cet échantillon comprend différentes branches – et donc différents types de marchandises –, des entreprises de toutes tailles, ainsi qu’un large éventail du nombre annuel de dédouanements. Des experts ont été sollicités pour valider la collecte des données et le calcul des coûts de la réglementation[6].
De quoi se composent les coûts de la réglementation?
L’étude a permis d’estimer le coût des procédures douanières. Les obligations légales prises en compte sont listées dans l’encadré 1. Les plus importantes d’entre elles – soit celles qui entraînent les coûts les plus élevés – incluent la présentation et la déclaration[7], la statistique du commerce extérieur et les preuves d’origine.
Le tableau 1 présente les résultats obtenus pour les différentes obligations légales, tandis que le tableau 2 présente les résultats pour les différents types d’entreprises selon la direction du trafic. Que ce soit pour une importation ou une exportation, un dédouanement coûte entre 30 et 34 francs en moyenne. Les chiffres sont similaires pour les prestataires de services douaniers et pour les entreprises assurant elles-mêmes leurs dédouanements. En multipliant ce coût unitaire par le nombre annuel de déclarations en douane (environ 10,7 millions pour les importations et 5,2 millions pour les exportations), on obtient le coût total de la règlementation: 479 millions de francs (322 millions pour les importations et 157 millions pour les exportations).
Existe-t-il d’autres coûts?
Il faut également tenir compte des coûts indirects, par exemple les frais de retard entraînés par un délai d’attente à la frontière. Ces coûts ont été appréhendés dans l’étude de façon qualitative seulement, quoiqu’ils représentent parfois une charge importante pour les entreprises. La plupart des entreprises interrogées estiment que les coûts indirects sont faibles par rapport aux coûts directs, tant pour les importations que pour les exportations, mais que leur importance semble s’accroître lorsque le nombre de dédouanements augmente.
Comment simplifier la réglementation?
On peut globalement affirmer que les obligations légales pour les importations et les exportations de marchandises sont très bien acceptées par les entreprises interrogées. Des réserves ont toutefois été émises pour certaines obligations, jugées trop formalistes.
Il a souvent été fait mention lors des entretiens de la complexité des procédures de dédouanement. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des problèmes soient liés à la compréhension et à l’application des obligations légales. C’est particulièrement le cas pour les dispositions autres que douanières, sources de charges nettement plus importantes que les dispositions légales considérées dans l’étude. Cette situation fait que nombre de petites et moyennes entreprises renoncent à effectuer leurs dédouanements en interne (sans compter qu’il leur faudrait également se charger des questions de logistique et de transport). La question de la transmission électronique des informations a également été jugée très importante lors des entretiens. Dans l’ensemble, les entreprises interrogées ont bien accueilli les mesures prises récemment en ce sens, mais elles ont critiqué le report de certains décisions en matière d’informatisation contenues dans le projet de l’AFD «Processus de placement sous régime douanier», qui avaient pourtant déjà été discutées et largement acceptées.
Les entreprises interrogées ont également critiqué les différences qui peuvent exister lors du dédouanement, selon l’interlocuteur ou le poste de douane auxquels elles ont affaire. Par exemple, les déclarations faites à un poste de douane ne seront pas forcément reconnues auprès d’un autre poste. Enfin, les experts relèvent une certaine méfiance de la part de l’AFD, comme le montre notamment le fait que des documents internes contenant des informations importantes sur le traitement des questions de droit ne soient pas rendus accessibles au public.
En outre, certains experts estiment qu’une grande partie des problèmes de fonctionnement actuels découlent de méthodes de travail désuètes au sein des douanes, méthodes qui devraient être évaluées et redéfinies («réingénierie») dans un esprit critique et ouvert, afin de réduire la charge administrative sur le long terme. Cela d’autant plus que les procédures douanières vont connaître une numérisation croissante, qui ne devrait pas s’essouffler de sitôt[8].
Quarante-huit propositions de simplification des procédures administratives douanières ont été rassemblées sur la base des quatorze entretiens effectués et des travaux du groupe d’experts. Il faut garder à l’esprit, à la lecture de ces propositions, que ce sont principalement des grandes entreprises qui ont accepté de se prêter à un entretien personnel. Ces propositions recouvrent en partie celles qui ont été présentées dans d’autres études récentes, en particulier les propositions d’extension des applications numériques existantes[9], telles que la transmission de documents à l’AFD par voie informatique pour les contrôles a posteriori. L’administration pourrait également adopter une politique d’information plus transparente, notamment en publiant ses instructions internes. Cela permettrait de réduire la charge des entreprises, mais aussi de dissiper l’impression de méfiance et de renforcer ainsi la légitimité des réglementations.
À quels allègements administratifs doit-on s’attendre?
Maintes simplifications proposées sont déjà contenues dans des projets de réforme de l’AFD, mais plusieurs d’entre elles ont vu leur mise en œuvre suspendue. Il faudra attendre de voir si les résultats de l’étude les relancent. Les simplifications proposées devraient permettre de réduire les coûts directs, mais surtout les coûts indirects des entreprises. Il faut aussi tenir compte du fait qu’une baisse des coûts administratifs bénéficiera d’abord aux prestataires de services douaniers; la grande majorité des entreprises, qui s’adressent à eux pour leurs dédouanements, n’en profiteront que dans un second temps. Cela suppose évidemment que le marché fonctionne correctement. Une meilleure transparence à l’égard des entreprises pourrait y contribuer, car ces dernières seraient dès lors informées des mesures prises pour alléger les procédures et feraient valoir les éventuelles réductions de coûts auprès des prestataires de services.
- Minsch, Moser (2006). []
- B,S,S. (2013). []
- Les droits de douane et autres taxes à régler lors d’importations de marchandises ne relèvent pas des coûts de la réglementation. []
- L’AFD n’est que l’organe d’exécution pour ce type de règlements. []
- Il faut noter ici que l’étude n’a pu ni infirmer ni confirmer le reproche souvent fait aux prestataires de services douaniers, d’utiliser leur position pour surfacturer leurs services en matière d’exécution des obligations douanières. Cela tient d’une part au peu de données récoltées, d’autre part à la difficulté d’extraire de leur facturation les coûts de la réglementation correspondants. []
- On trouvera une description de la méthodologie employée dans l’article de N. Wallart, p.4ss de ce numéro, ainsi que dans le manuel Check-up de la réglementation édité par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco). []
- Ce point comprend la déclaration sommaire (soit l’annonce à l’autorité douanière qu’une marchandise est prête à l’expédition) et la déclaration effective. []
- Cette suggestion reprend une idée mentionnée dans la Stratégie suisse de cyberadministration (2007), pour laquelle cette dernière ne pourra contribuer à alléger la charge administrative que si «une évaluation est faite des procédures sur lesquelles reposent les services administratifs, afin d’établir si ces procédures sont vraiment nécessaires et si des simplifications ou des standardisations sont possibles». []
- Granqvist, Hintsa (2011). []
Bibliographie
- B,S,S., Schätzung der Kosten von Regulierungen und Identifizierung von Potenzialen für die Vereinfachung und Kostenreduktion im Bereich Zollverfahren, étude mandatée par l’Administration fédérale des douanes (AFD) et réalisée en coopération avec Rambøll Management Consulting, septembre 2013.
- Secrétariat d’État à l’économie SECO, Check-up de la réglementation. Manuel d’estimation des coûts engendrés par les réglementations et d’identification des possibilités de simplification et de réduction des coûts, décembre 2011.
- Minsch R. et Moser P., Teure Grenzen. Die volkswirtschaftlichen Kosten der Zollschranken: 3,8 Milliarden Franken, Avenir Suisse, mars 2006.
- Granqvist M. et Hintsa J., «Le potentiel de la douane électronique en Suisse: le point de vue de l’économie», La Vie économique, 3-2011.
- Direction opérationnelle E-Government Suisse, Stratégie suisse de cyberadministration, janvier 2007.
Bibliographie
- B,S,S., Schätzung der Kosten von Regulierungen und Identifizierung von Potenzialen für die Vereinfachung und Kostenreduktion im Bereich Zollverfahren, étude mandatée par l’Administration fédérale des douanes (AFD) et réalisée en coopération avec Rambøll Management Consulting, septembre 2013.
- Secrétariat d’État à l’économie SECO, Check-up de la réglementation. Manuel d’estimation des coûts engendrés par les réglementations et d’identification des possibilités de simplification et de réduction des coûts, décembre 2011.
- Minsch R. et Moser P., Teure Grenzen. Die volkswirtschaftlichen Kosten der Zollschranken: 3,8 Milliarden Franken, Avenir Suisse, mars 2006.
- Granqvist M. et Hintsa J., «Le potentiel de la douane électronique en Suisse: le point de vue de l’économie», La Vie économique, 3-2011.
- Direction opérationnelle E-Government Suisse, Stratégie suisse de cyberadministration, janvier 2007.
Proposition de citation: Meier, Harald; Liechti, David (2014). Les procédures douanières pourraientêtre simplifiées et leur coût réduit. La Vie économique, 01. janvier.
Une obligation légale décrit les procédures que les entreprises doivent suivre pour satisfaire à la réglementation fédérale. Les obligations suivantes, qui représentent la norme en matière de numérisation des procédures douanières, ont été sélectionnées pour l’étude:
- Présentation et déclaration
- Contrôles et inspections
- Ouverture d’un compte de paiement («compte PCD») et paiement des droits de douane (seulement à l’importation)
- Archivage et sécurisation des données
- Statistique du commerce extérieur
- Preuves d’origine
Outre l’estimation des coûts de ces six obligations légales, il a été demandé aux entreprises d’estimer de façon qualitative le rapport coût-bénéfice du statut de «destinataire agréé» ou d’«expéditeur agréé».