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Les coûts faibles comportent des avantages,mais il vaut bien mieux maximiser l’utilité nette

C’est une bonne chose que la Confédération examine les coûts de sa réglementation. Pour que cet exercice débouche véritablement sur des outils qui aideront à prendre des décisions politiques, il doit toutefois tenir compte de tous les coûts engendrés par la législation – quel que soit le groupe d’acteurs touchés – et en analyser soigneusement les avantages. C’est la seule manière d’identifier les solutions offrant le meilleur rapport coûts-­bénéfices. Faire abstraction de ces deux aspects peut se révéler ­néfaste, comme le montrent ­plusieurs exemples relevant de la politique actuelle en matière d’énergie et d’environnement.

Le laboratoire d’idées Competitive Enterprise Institute, proche de l’économie, estime à 1750 milliards d’USD les coûts annuels de la réglementation aux États-Unis. Cela représente presque la moitié du budget fédéral américain. Depuis plus de quarante ans, l’efficacité des réglementations fait l’objet d’évaluations systématiques. Dès 1971, le président Richard Nixon a institué un «examen de la qualité de la vie», processus qui englobe non seulement les coûts, mais aussi les bénéfices d’une réglementation.

Le Conseil fédéral vient de publier une analyse portant sur une partie des coûts de la réglementation. Les résultats sont relativement rassurants: les charges supportées par les entreprises sont certes considérables, mais à peine plus élevées que nécessaire; les mesures proposées ne déboucheront donc pas sur des économies extraordinaires. Ce résultat est réjouissant, mais il surprend aussi quelque peu. Les projets de loi et leur mise en œuvre se concentrent rarement sur les coûts globaux, autrement dit sur l’ensemble des coûts (et des bénéfices) engendrés à l’échelle de la Confédération, des cantons et des communes ainsi que dans les entreprises et les ménages privés.

Tournant énergétique: les principaux ­bénéfices occultés


Garder à l’esprit les coûts globaux est important. Évaluer sérieusement les bénéfices l’est encore plus. Ce n’est qu’en connaissant les coûts et les bénéfices que l’on déterminera le niveau optimal de la réglementation.

Cette évidence ne transparaît pas toujours dans la mise en œuvre de la politique climatique et environnementale. Prenons l’exemple de la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral. La sortie du nucléaire et des combustibles fossiles devrait réduire les coûts nets induits aujourd’hui, mais surtout dans le futur, par le changement climatique et l’énergie atomique. On pourrait donc imaginer que la quantification de ces deux bénéfices essentiels figure au centre d’une évaluation des conséquences de la réglementation. Or, malgré le fait qu’ils n’aient pas été pris en compte, le Conseil fédéral conclut que le tournant énergétique n’engendrera pas d’ici 2050 de coûts substantiels pour l’économie. La Suisse en sortira certes gagnante, mais on peut se demander si la stratégie fédérale est également optimale sur le plan économique? Si elle incluait et maximalisait complètement les avantages, ne devrait-elle pas fixer des objectifs plus ambitieux et proposer d’autres mesures?

Un deuxième exemple vient de l’Office fédéral de l’énergie (Ofen) et des normes minimales qu’il prévoit pour les appareils électriques. Une analyse, réalisée en octobre dernier sur mandat du Secrétariat d’État à l’économie (Seco), a conclu que les propositions de l’Ofen sont profitables sur le plan économique. Ces dernières sont pourtant loin d’exploiter tout le potentiel d’efficacité énergétique. Faudrait-il fixer des normes plus exigeantes et les étendre à d’autres types d’appareils? Cette question centrale n’a pas été examinée. Par conséquent, on ne sait toujours pas si ces prescriptions sont vraiment optimales économiquement. Il est sûr, en revanche, qu’elles n’exploitent qu’une infime partie du potentiel d’économie énergétique.

Politique fiscale: ni efficace pour l’environnement ni rentable


Un troisième exemple se trouve dans l’analyse des coûts de la réglementation, dont nous traitons ici. Le prélèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) coûte aux entreprises la somme exorbitante de 1,8 milliard de francs, soit 8% des recettes fiscales générées. Le remplacement de la TVA par une taxe sur l’énergie ou les ressources réduirait massivement ce fardeau. Ainsi, les prix refléteraient les coûts externes des agents énergétiques (meilleur fonctionnement du marché). Cela permettrait également de réduire la consommation et les dommages causés à l’environnement. En d’autres termes, le rapport coûts-bénéfices de la réglementation peut s’améliorer à trois niveaux: marché plus efficace, baisse des coûts de la réglementation et utilité écologique accrue. Il est urgent et nécessaire de faire évoluer le système fiscal de manière intelligente si l’on veut limiter le gaspillage des ressources.

Ces trois exemples montrent pourquoi il convient de se focaliser davantage sur les bénéfices de la législation et pas seulement sur ses coûts. Ensuite, on pourra concevoir la réglementation de telle manière qu’il en résulte un rapport coûts-bénéfices optimal.

Proposition de citation: Thomas Vellacott ; Patrick Hofstetter (2014). Les coûts faibles comportent des avantages,mais il vaut bien mieux maximiser l’utilité nette. La Vie économique, 01 janvier.