Les hommes gagnent en moyenne 7614 francs par mois dans le secteur privé et les femmes 1800 francs de moins, soit un quart. Cette différence s’explique pour deux tiers seulement par des facteurs objectifs comme, par exemple, davantage d’ancienneté ou d’expérience professionnelle ou encore un poste plus élevé dans la hiérarchie. Restent 677 francs uniquement liés au sexe et donc discriminatoires.
Toutes les femmes sont concernées
Même les femmes bien rémunérées sont discriminées, en ce sens qu’elles sont souvent laissées de côté lors de promotions. Plusieurs études attestent également qu’elles reçoivent plus rarement des primes exceptionnelles, comme des commissions ou des bonus. S’agissant des bas revenus, perçus par des femmes dans les deux tiers des cas, la situation de ces dernières ne s’est que peu améliorée par rapport à leurs homologues masculins. À considérer les moyennes nationales, les différences de salaires discriminatoires sont particulièrement importantes dans la chimie, le commerce de détail et les transports. Les secteurs du social et de la santé, ainsi que les branches de l’information et de la communication sont aussi concernés, mais désormais dans une moindre mesure. L’impact total de la discrimination est de 7,7 milliards de francs au détriment des femmes[1].
Elles ne sont pas les seules victimes: toute la famille est discriminée. À, celle-ci dispose de moins d’argent pour couvrir ses besoins quotidiens et, à long terme, les effets se ressentent surtout dans la prévoyance professionnelle. En cas de divorce
– la moitié des mariages finissent ainsi –, les hommes doivent compenser les lacunes dans la prévoyance professionnelle des femmes. En outre, si les salaires étaient plus justes, l’État verserait moins de prestations sociales. Enfin, les entreprises qui respectent la loi sur l’égalité seraient récompensées, alors qu’aujourd’hui, elles sont punies puisque leurs concurrents ont des coûts de personnel moins élevés et sont donc plus compétitifs.
Des solutions existent
Les entreprises de plus de cinquante employés qui souhaitent identifier un éventuel problème de discrimination salariale en raison du sexe peuvent utiliser Logib. Il s’agit d’un instrument simple, basé sur Excel, que l’on peut télécharger gratuitement sur le site Internet http://www.logib.ch. Les données restent dans l’entreprise, l’anonymat est donc garanti. Le site propose aussi un guide en français, allemand, italien et anglais. Un soutien téléphonique gratuit est également possible en cas de problème[2].
Logib a été très bien accueilli. Le Tribunal fédéral en a ainsi validé la méthode dans le cadre d’une procédure judiciaire. L’UE, l’OCDE et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) ont aussi qualifié cet outil de «bonne pratique». En 2013, chaque mois, quelque 300 nouvelles personnes s’y sont intéressées.
Objectivité maximale garantie
La Banque cantonale de Lucerne fait partie des entreprises qui travaillent avec Logib. L’analyse des salaires a fait état d’une différence non expliquée de 1,1% en faveur des hommes. «Nous avons donc ainsi rempli avec succès les exigences du Dialogue sur l’égalité des salaires. Ce bon résultat est le fruit d’un système salarial équilibré en vigueur dans l’entreprise depuis plus de vingt ans», explique Beat Bieri, responsable du «controlling» du personnel. La banque entend répéter l’opération après chaque négociation salariale et publier les résultats à l’interne. «Nous revendiquons depuis longtemps l’égalité hommes-femmes en matière de salaires», ajoute Beat Bieri. Contrôler systématiquement la situation à l’aide d’un outil externe comme Logib «va donc de soi et garantit une objectivité maximale.»
Proposition de citation: Durrer, Sylvie (2014). La discrimination salariale reste à l’ordre du jour. La Vie économique, 01. avril.
Lancé au printemps 2009 par les partenaires sociaux et la Confédération, le Dialogue sur l’égalité des salaires avait pour objectif de supprimer le plus rapidement possible la discrimination salariale des femmes par le biais d’une procédure volontaire de vérification des salaires dans les entreprises. Fin février dernier, à l’échéance du projet pilote de cinq ans, 51 entreprises employant environ 230 000 personnes avaient pris part à ce dialogue. Parmi elles, 18 avaient déjà procédé à la vérification évoquée plus haut, supprimé les éventuelles discriminations constatées et envoyé leur rapport final. Les 33 entreprises restantes ont jusqu’à 2018 pour clore la procédure. Quant à savoir pourquoi davantage d’entreprises n’ont pas participé au dialogue, la question est actuellement à l’étude. Les conclusions de cette évaluation et de deux analyses sur les instruments à la disposition des pouvoirs publics pour concrétiser l’égalité des salaires permettront de définir la procédure ultérieure. Le Conseil fédéral devrait décider d’ici la fin de l’année si et, le cas échéant, quelles mesures étatiques supplémentaires doivent être examinées afin de lutter contre la discrimination salariale en raison du sexe.