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Accord de libre-échange avec les États arabes du Golfe: des partenaires commerciaux de premier plan pour la Suisse

Le 1er juillet dernier, un accord de libre-échange de large portée est entré en vigueur entre les membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) – Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse – et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), composé de l’Arabie saoudite, du Bahreïn, des Émirats arabes unis, du Koweït, d’Oman et du Qatar. Les préférences tarifaires et un meilleur accès au marché des produits et des services ainsi qu’aux marchés publics permettront à l’économie suisse d’exploiter le potentiel des marchés des États arabes du Golfe encore mieux que par le passé. Les pays membres du CCG sont d’importants partenaires commerciaux extra-européens pour la Suisse. Au niveau mondial, ils représentent le cinquième destinataire des exportations suisses après l’UE, les États-Unis, la Chine et Hong Kong.

Accord de libre-échange avec les États arabes du Golfe: des partenaires commerciaux de premier plan pour la Suisse

Les six États du Conseil de coopération du Golfe: Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar

Le CCG est une organisation fondée en 1981 par six pays de la péninsule Arabique. Il compte quelque 50 millions d’habitants et génère un PIB annuel de plus de 1600 milliards d’USD[1]. Le revenu moyen par habitant y est supérieur à 30 000 dollars par an, ce qui correspond, dans la classification de la Banque mondiale, à la catégorie des pays non membres de l’OCDE à revenu élevé. Depuis 2003, le CCG constitue une union douanière: les États membres mènent en principe une politique de commerce extérieure commune et concluent des accords de libre-échange dans le cadre du CCG.

Des relations économiques étroites avec les États du CCG


En 2013, les exportations suisses de marchandises vers les États du CCG se sont élevées à 6,9 milliards de francs[2], tandis que les importations se sont montées à 860 millions. La Suisse exporte principalement des produits pharmaceutiques, de l’horlogerie, des machines, des articles ornés de pierres gemmes et des bijoux. Elle importe surtout des pierres gemmes, des métaux précieux et des bijoux.

À fin 2012, les investissements directs suisses dans les États du CCG étaient de 11,3 milliards de francs, dont environ 9 milliards dans les Émirats arabes unis (EAU), considérés comme le centre névralgique de la région en matière de commerce et d’investissement. Ils concernent, outre l’industrie, majoritairement le secteur des services (notamment les prestations financières, l’hôtellerie et le tourisme, ainsi que des services de logistique et d’autres destinés aux entreprises). Les investissements directs des États du CCG en Suisse s’élevaient, quant à eux, à 209 millions de francs à fin 2012.

Contenu de l’accord et intérêt pour la place économique suisse


L’accord de libre-échange (ALE) entre le CCG et l’AELE, entré en vigueur le 1er juillet dernier[3], couvre un grand nombre de secteurs. Il contient des règles et des engagements concernant l’accès au marché en matière de commerce des marchandises, de commerce des services et de marchés publics, ainsi que des règles générales relatives à la concurrence et à la propriété intellectuelle[4]. Il renforce ainsi dans une large mesure les conditions-cadres et la sécurité juridique pour les relations économiques de la Suisse avec le CCG.

Dès l’entrée en vigueur de l’accord, plus de 90% des lignes tarifaires pour les exportations vers le CCG de produits industriels originaires des États de l’AELE ont été exemptées de droits de douane. En outre, le CCG les supprimera pour 6% de lignes tarifaires supplémentaires au terme d’une période transitoire de cinq ans. Comme dans les autres ALE qu’ils ont conclus, les États de l’AELE ont supprimé, dès l’entrée en vigueur de l’accord, les droits de douane perçus sur les produits industriels. Par ailleurs, le CCG accordera, dès l’entrée en vigueur de l’accord ou dans un délai de cinq ans, la franchise douanière pour différents produits agricoles transformés, comme les soupes, les sauces, les aliments pour enfants en bas âge, les compléments alimentaires, les yoghourts, les boissons non alcoolisées ou certains types de pâtes. Inversement, la Suisse concède des allégements douaniers analogues à ceux consentis dans ses autres accords de libre-échange, sous réserve de la compensation du prix des matières premières. Les allégements douaniers pour les produits agricoles de base sont réglés dans des accords bilatéraux distincts entre le CCG et chaque État de l’AELE. Pour divers produits d’exportation suisses – comme la viande, y compris la viande séchée, le fromage, le café et les légumes – les droits de douane appliqués par le CCG sont supprimés dès l’entrée en vigueur de l’accord ou au terme d’une période de cinq ans. De son côté, la Suisse abaisse ou supprime, dans le cadre de sa politique agricole, les droits de douane pour une sélection de produits agricoles.

Au chapitre du commerce des services, l’accord de libre-échange prévoit des engagements plus poussés en matière d’accès au marché que l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’OMC. Pour la Suisse, les engagements supplémentaires pris par chacun des États membres du CCG sont particulièrement importants en ce qui concerne les services financiers, les services aux entreprises, la mise en place et l’entretien d’installations industrielles, la représentation commerciale à l’étranger et le transfert de cadres. S’agissant de l’accès aux marchés publics, les parties contractantes sont convenues d’engagements analogues à ceux de l’Accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP) de l’OMC. Étant donné que, contrairement à la Suisse et aux autres pays de l’AELE, les États du CCG ne sont pas parties à l’AMP, l’accord de libre-échange crée de nouvelles possibilités d’accès au marché dans ce domaine pour les fournisseurs suisses.

S’agissant des domaines dans lesquels les États du CCG connaissent des législations nationales parfois très divergentes, l’accord contient des principes généraux de base. Ainsi, il prévoit un mécanisme de consultation pour les entraves à la concurrence ainsi que pour les principes de traitement national et de nation la plus favorisée appliqués dans le contexte de la protection des droits de propriété intellectuelle. De plus, les parties sont convenues, dans ce dernier cas comme dans d’autres domaines, de clauses de négociation (notamment pour les investissements en dehors du secteur des services[5]) qui permettront de tenir compte des évolutions juridiques. Enfin, des dispositions horizontales règlent la mise en œuvre, la gestion et le développement de l’accord. Elles prévoient notamment l’institution d’un comité mixte, composé de représentants de chaque partie, et la mise en place d’une procédure d’arbitrage.

Les accords de libre-échange renforcent le commerce extérieur de la Suisse


Après l’accord de libre-échange AELE-CCG et l’ALE bilatéral Suisse-Chine[6], également entré en vigueur le 1er juillet dernier, la Suisse dispose actuellement d’un réseau de 28 ALE avec des partenaires extra-européens[7]. À cela s’ajoute l’accord de libre-échange conclu avec l’UE en 1972, qui est de loin le plus important, étant donné que 55% des exportations suisses sont acheminées vers cette région. À la suite de l’entrée en vigueur des deux nouveaux accords, la part des exportations vers les autres pays avec lesquels la Suisse a conclu un ALE est montée à 25%. Cela porte à environ 80% le volume des exportations suisses vers des pays partenaires de libre-échange. Ce taux de couverture élevé renforce considérablement la place économique suisse, largement tributaire des relations économiques extérieures. De fait, les accords de libre-échange permettent d’éviter des discriminations sur les marchés d’exportation et de se procurer des avantages concurrentiels supplémentaires.

  1. À titre de comparaison (pour 2013), le PIB de la Corée du Sud s’élève à environ 1200 milliards d’USD et celui de l’Inde à environ 1900 milliards d’USD. []
  2. À titre de comparaison (pour 2013), les exportations vers le Japon se sont élevées à 6,2 milliards de francs et celles vers la Chine à 8,8 milliards de francs. []
  3. Le CCG étant une union douanière, l’accord de libre-échange AELE-CCG, signé en juin 2009, ne pouvait entrer en vigueur qu’une fois les procédures d’approbation internes achevées dans chaque État membre, condition qui a été remplie en avril 2014. []
  4. Pour le contenu de l’accord, voir www.seco.admin.ch, rubriques «Thèmes» > «Politique économique extérieure» > «Accords de libre-échange» > «Partenaires d’outre-mer» > «CCG – Conseil de coopération du Golfe». []
  5. La protection des investissements effectués (post-établissement) demeure assurée par les accords bilatéraux sur la promotion et la protection réciproque des investissements, que la Suisse a déjà conclus avec les différents États du CCG et qui resteront en vigueur. []
  6. Voir La Vie économique, 11-2013, pp 50–53. []
  7. Voir la liste des ALE de la Suisse: www.seco.admin.ch, rubriques «Thèmes» > «Politique économique extérieure» > «Accords de libre-échange» > «Liste des accords de libre-échange de la Suisse». []

Proposition de citation: Christian Etter (2014). Accord de libre-échange avec les États arabes du Golfe: des partenaires commerciaux de premier plan pour la Suisse. La Vie économique, 01 juillet.

Sur l’auteur

L’auteur était négociateur en chef et chef de la délégation suisse lors des négociations de l’AELE avec le CCG (de mai 2006 à avril 2008).