La nouvelle législation «Swissness» obéit à un objectif fondé: pérenniser la plus-value de la «marque Suisse» et donc renforcer la position des entreprises de production. La possibilité d’utiliser la croix suisse sur les emballages permet d’envisager une augmentation des prix de vente. Cela est surtout vrai pour les produits haut de gamme. Il n’est évidemment pas question d’affaiblir l’économie suisse en lui imposant des règles excessives et perfectionnistes. C’est, pourtant, le cas de la législation «Swissness».
À force de «Swissness», on finit par nuire à la Suisse
Le projet «Swissness» comporte de graves inconvénients pour les PME. Le relèvement, à la fois inutile et excessif, des exigences minimales en matière de produits suisses est particulièrement dommageable. La Suisse s’est de nouveau crue obligée d’aller au-delà des standards internationaux qui les fixent généralement à 50% pour les produits industriels et commerciaux, alors qu’aucune nécessité ne l’y poussait. Le Parlement a monté ces minimums à 60%, ce qui met en difficulté nombre de PME et leurs produits. Cette décision doit être acceptée, mais son application doit tenir compte des dommages qu’elle pourrait entrainer pour nos PME. Si elle ne réussit pas à les atténuer, nos entreprises seront les victimes des bonnes intentions du projet «Swissness».
C’est encore plus vrai si l’on considère la surcharge administrative qui risque d’en résulter. Calculer la part qui revient à notre pays dans un produit industriel peut, en effet, se révéler très complexe. C’est surtout le cas pour les PME, car leur structure ne leur permet pas de disposer d’une équipe ou d’une section de recherche importante qui pourrait mener à bien ces calculs. On en a trop peu tenu compte lors du processus législatif. Citons à ce propos le chocolatier Daniel Bloch: «Il me semble qu’une telle loi aurait pu être conçue en France, formulée en Allemagne et appliquée en Suisse».
Une mise en pratique déterminante
La Suisse se nuira-t-elle à elle-même avec son dispositif «Swissness» ou saura-t-elle en amoindrir les désavantages? Cela dépend d’abord de l’application pratique. Les quatre points suivants seront d’une importance fondamentale pour l’Usam:
- Le «Swissness» ne devrait être vérifié que lors d’un processus concret, soit en cas de litige. Autrement, des dizaines de milliers d’entreprises devraient entreprendre des calculs compliqués et procéduriers pour prouver leur conformité aux exigences minimums de la loi sur la protection des marques.
- Il faut que la période de transition soit assez longue pour réduire les stocks. La date du 1er janvier 2017, prévue pour l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la protection des marques, doit être considérée comme un minimum absolu. L’agriculture, notamment, demande de réduire ce délai. Cela se transformerait en autogoal et l’Usam s’y oppose strictement.
- Les entreprises doivent pouvoir démontrer sans complications inutiles qu’une matière première est insuffisamment disponible et que leurs produits risquent de ne plus être «suisses». On ne peut exiger des branches qu’elles collectent et qu’elles gèrent des masses gigantesques de données sur toutes les entreprises.
- Il est très important de donner les informations suffisamment tôt. Les entreprises doivent être renseignées sur les exigences en matière de «Swissness» de manière simple et intelligible. Il faut qu’elles comprennent clairement ce qu’elles doivent mettre en place et où l’on peut obtenir gratuitement les premiers renseignements juridiques.
La «marque Suisse» doit être pérennisée et renforcer nos entreprises de production! Cela demeure le but du projet «Swissness». Il s’agira de s’en souvenir encore plus lors de l’application. Cette dernière constituera une seconde chance de prendre au sérieux les demandes et les objections des PME du pays. Nous devons absolument nous en préoccuper. Autrement, le projet ratera son objectif et la Suisse portera atteinte à la fois à son économie et à elle-même. Il est impératif de tenir davantage compte des PME.
Proposition de citation: Bigler, Hans-Ulrich (2014). La législation «Swissness» doit avoir plus de considération pour les PME. La Vie économique, 15. octobre.