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Suisse dehors, suisse dedans!

L’utilisation de la croix suisse sur les marchandises était théoriquement illicite. Désormais, avec l’adoption par les Chambres du projet «Swissness», les consommateurs devraient pouvoir se fier à la «marque Suisse» et à son symbole pour identifier les produits de provenance réellement helvétique. La Fédération romande des consommateurs (FRC) considère que le résultat final des délibérations parlementaires est globalement satisfaisant et améliorera la protection des consommateurs contre la tromperie. Des questions subsistent, néanmoins, sur la mise en œuvre de la législation.

La FRC suit ce dossier depuis la consultation de 2008. Elle a toujours défendu l’idée que, pour être déclarés «suisses», les produits alimentaires ne doivent pas seulement être transformés dans le pays. Il faut également qu’une partie prépondérante des ingrédients en soit issue, soit 80% pour la FRC.

Les consommateurs veulent des produits vraiment suisses


Dans l’enquête réalisée en 2010 auprès des lecteurs du magazine FRC Mieux choisir, 33% d’entre eux refusaient tout compromis et réclamaient 100% d’ingrédients suisses, 45% en exigeaient 80% et seuls 11% se satisfaisaient de la seule fabrication dans le pays. Rien n’indique que les mentalités aient aujourd’hui changé. Au contraire, les questions posées à notre permanence démontrent que les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’origine des denrées alimentaires.

Les dispositions adoptées par les Chambres correspondent à ce que réclamait la FRC: les produits alimentaires bruts devront être 100% suisses pour arborer la croix fédérale. Les produits transformés, comme les biscuits, devront contenir 80% de matières premières indigènes. Les produits laitiers devront, eux, se composer à 100% de lait suisse. Des exceptions sont prévues pour les matières premières ne pouvant temporairement pas être produites en Suisse ou dont le taux d’auto-approvisionnement est inférieur à 50 ou à 20%. Ces finesses sont difficiles à comprendre pour les consommateurs et ne sont pas favorables à la transparence souhaitée.

Pour les produits industriels, 60% des coûts de production, hors des dépenses liées au marketing, à la distribution et à l’emballage, devront avoir eu lieu sur le sol national. C’est une bonne nouvelle pour les consommateurs qui s’attendent à ce qu’un produit estampillé suisse soit principalement conçu et fabriqué dans le pays.

Faire respecter la législation


Les quatre ordonnances d’exécution liées au projet «Swissness», actuellement en consultation, posent des questions qui, pour la FRC, ne sont pas résolues. Nous craignons qu’elles ne vident le projet de sa substance, en particulier concernant les denrées alimentaires:

  • Rien n’est prévu en ce qui concerne les autorités d’exécution: seul le rapport explicatif mentionne celles figurant dans la législation sur les denrées alimentaires. Celles-ci sont chargées de faire respecter les critères liés à la protection des marques et ainsi de lutter contre les tromperies dans le domaine alimentaire. Cette tâche est, en principe, dévolue aux chimistes cantonaux. Or, leur cahier des charges est déjà bien rempli. Étant donné que ce genre de contrôles demande des collaborateurs spécialisés, il leur faut des ressources supplémentaires. Comme ce n’est pas prévu, la surveillance risque de ne pas s’effectuer. Elle n’est d’ailleurs pas mentionnée dans l’ordonnance et, sans base légale, les cantons ne peuvent pas justifier la mise à disposition de telles ressources.
  • Aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de la législation. L’administration fédérale n’a visiblement pas pris en compte le rôle préventif que pourrait avoir l’introduction d’une sanction en cas de non-respect des ordonnances. La loi prévoit évidemment des voies de droit, mais celles-ci ne sont pas suffisantes et ne découlent pas de la surveillance du marché. Ainsi, même si un chimiste cantonal avait la possibilité de faire des contrôles, il ne pourrait pas sanctionner lui-même le producteur indélicat. Pour la FRC, il serait utile de prévoir une autorité de contrôle au niveau fédéral, qui aurait les compétences, les capacités et les moyens nécessaires pour effectuer cette surveillance de manière efficace.


Le projet comporte une autre surprise: l’ajout d’eau minérale ou de source suisse pourrait servir à transformer en jus suisse un concentré de poire importé. Pour la FRC, seule une eau mise en bouteille dans sa forme pure devrait bénéficier de cette indication d’origine.

Enfin, la FRC considère qu’il sera très compliqué d’appliquer cette réglementation aux produits industriels, par exemple aux cosmétiques. Le calcul du coût de revient déterminant sera notamment impossible à vérifier.

Proposition de citation: Florence Bettschart (2014). Suisse dehors, suisse dedans!. La Vie économique, 10 octobre.