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Ne galvaudons pas le projet «Swissness»!

Pour que les familles paysannes suisses puissent avoir leur part de la plus-value associée au «Swissness», la croix suisse ne doit figurer que sur les denrées alimentaires contenant principalement des matières premières indigènes. La proposition d’ordonnance relative à la loi sur la protection des marques tient bien compte de cette condition. Il s’agit d’empêcher que les règles définies par le Parlement ne soient édulcorées, par exemple en considérant l’eau comme une matière première. Le «Swissness» augmente la propension des clients à payer. Tous les niveaux de la chaîne de valeur ajoutée doivent pouvoir en profiter. Ce n’est possible qu’avec une mise en œuvre juste et crédible de la loi sur la protection des marques dans les ordonnances.

Ne galvaudons pas le projet «Swissness»!

Il est crucial pour l’agriculture suisse que les denrées alimentaires contenant des matières premières indigènes se distinguent sur le marché en arborant la croix suisse. De nombreux sondages indiquent que les consommateurs accordent une grande confiance aux denrées alimentaires suisses et qu’ils sont prêts à les payer un peu plus cher.

Une marque essentielle pour l’agriculture


Selon les estimations prudentes de l’Union suisse des paysans (USP), le «Swissness» représente entre 400 et 800 millions de francs par an pour l’agriculture. Pour s’assurer cette somme à long terme et maintenir la crédibilité de l’origine suisse, il faut des dispositions qui correspondent aussi aux attentes des consommateurs. Comme l’ont montré différents sondages, ceux-ci souhaitent que la part de matières premières suisses dans les denrées alimentaires estampillées «Swissness» soit aussi importante que possible. Selon une enquête d’avril 2012 commandée par l’USP, 69,4% des personnes interrogées estiment qu’un produit de ce type devrait contenir au moins 80% de matières premières indigènes. Il faut ajouter que s’il s’agissait seulement d’effectuer la transformation en Suisse, l’agriculture ne participerait pas du tout à la valeur ajoutée attachée à la «marque». Comme la transformation de denrées alimentaires prend de plus en plus d’ampleur, sans réglementation claire, l’agriculture deviendrait un fournisseur interchangeable de matières premières.

Le Parlement a reconnu l’importance de définir des règles «Swissness» crédibles. Il a posé les bases pour les denrées alimentaires dans la loi sur la protection des marques. Il s’agit maintenant de les mettre en œuvre au niveau des ordonnances sans galvauder les règles édictées. De l’avis de l’USP, on peut y parvenir à partir des projets soumis en consultation. L’agriculture est plus particulièrement concernée par l’ordonnance sur l’utilisation de l’indication de provenance «Suisse» pour les denrées alimentaires.

Mise en œuvre rapide et crédible


L’USP espère que le projet «Swissness» sera rapidement mis en œuvre. Les ordonnances doivent entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2016. Les règles qu’elles définissent sont connues depuis bien longtemps. Il ne serait pas bon de retarder encore le projet. Pour l’USP, on peut aussi imaginer que la partie concernant les denrées alimentaires entre en vigueur le 1er janvier 2016 et que les autres ordonnances relatives au «Swissness» suivent un peu plus tard. L’USP craint, en outre, que les décisions du Parlement soient édulcorées au niveau des ordonnances, ce qu’il faut empêcher à tout prix! Dans ce contexte, les points suivants sont cruciaux pour les familles paysannes.

Premièrement, l’eau ne doit pas être prise en compte pour calculer la part minimale de matières premières suisses. Une exception peut être faite lorsqu’il s’agit d’eau minérale ou de source proposée comme boisson sous sa forme pure. Si l’eau est prise en compte, le risque serait grand d’en voir la quantité augmentée subitement pour que des denrées alimentaires soient considérées comme suisses: l’ajout d’eau minérale suisse à un concentré de jus de pomme importé suffirait, par exemple, à créer un jus de pomme helvétique. Il faut empêcher de telles pratiques.

Deuxièmement, les exceptions au champ d’application du «Swissness» ne doivent être autorisées qu’avec circonspection. Le projet d’ordonnance prévoit que les matières premières présentes en quantité négligeable (par exemple les épices) puissent être exclues lors du calcul de la part de matières premières. Des exceptions pourront aussi être faites pour les matières premières qui ne satisfont pas aux exigences techniques de la transformation, comme une qualité spécifique de farine. Pour l’USP, il n’existe pas de base légale explicite justifiant de telles exceptions. Il faut être très restrictif en ce domaine et agir en toute transparence. Ce dernier point est essentiel pour garantir la crédibilité du projet dans son ensemble. Un jeu de cache-cache avec les exceptions va à l’encontre de la relation de confiance.

Proposition de citation: Martin Rufer (2014). Ne galvaudons pas le projet «Swissness»!. La Vie économique, 10 octobre.