Fort taux de chômage et assèchement de l’emploi des jeunes figurent parmi les principaux éléments déclencheurs du Printemps arabe – une problématique largement répandue dans les pays en développement et émergents. Or, c’est précisément dans ceux-ci que les PME et les entreprises à croissance rapide manquent cruellement d’accès aux crédits, y compris du capital-risque pour consolider leur expansion. Pour elles, trouver un financement tient très souvent du défi, d’autant que les banques locales limitent l’octroi de crédits et exigent généralement des garanties personnelles.
C’est ici qu’intervient le Fonds d’investissement suisse pour les marchés émergents (Swiss Investment Fund for Emerging Markets, Sifem). Géré par la société privée Obviam (voir encadré 2), ce fonds investit depuis une dizaine d’années dans les sociétés locales et régionales de capital-risque ou fournit un financement à long terme à des banques, des sociétés de crédit-bail, des institutions de microfinance et d’autres acteurs financiers locaux. Ces organismes peuvent ainsi, à leur tour, proposer du capital-risque ou des prêts à des PME viables dans les pays en développement et émergents. Une telle démarche favorise la création ldemplois dans les pays concernés.
L’année passée, environ 100 millions d’USD ont été mis à disposition de treize acteurs financiers. En général, le Sifem investit entre 5 et 15 millions de francs par opération. Les acteurs locaux ciblent des secteurs comme les énergies renouvelables, la construction et la production, l’agriculture et la sylviculture, la formation ou encore la santé. Le Sifem investit presque exclusivement dans les pays prioritaires de la coopération suisse au développement en Amérique latine, en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est.
À l’inverse des instruments classiques de l’aide au développement, ces investissements doivent générer des revenus financiers appropriés. Ce modèle économique permet de démultiplier l’efficacité des deniers publics alloués à des fins de développement dans la mesure où le retour sur investissement est réinjecté dans de nouveaux projets.
Une sélection rigoureuse des partenaires
Le Sifem procède à une sélection rigoureuse des acteurs financiers qu’il entend soutenir. Il investit uniquement dans des sociétés de capital-risque qui s’engagent à respecter les normes internationales en matière de responsabilité sociale, d’écologie et de gouvernance. Toutes les PME qui leur sont affiliées s’engagent aussi à appliquer ces normes.
Ces entreprises doivent donc se conformer aux directives en matière de protection de l’environnement et exploiter les ressources dans le respect du développement durable. Par rapport aux critères sociaux, elles doivent, entre autres, respecter les horaires de travail réglementaires, assurer une rémunération convenable aux travailleurs et garantir des conditions de travail décentes en ce qui concerne la protection de la santé et la prévention des accidents (voir encadré 3 pour une étude de cas).
Le Sifem a établi une liste d’exclusion qui interdit par exemple toute aide aux entreprises produisant des armes ou du matériel de guerre, ainsi qu’à toutes celles qui recourent au travail forcé ou emploient des enfants. Le Sifem subordonne par ailleurs son aide à la condition que le marché ne propose pas d’autres filières de financement ou que ces dernières appliquent des conditions prohibitives (montants insuffisants ou échéances trop courtes). Dans de nombreux cas, le Sifem complète sa mise de fonds par des capitaux additionnels émanant d’investisseurs privés ou institutionnels.
Conseil sur place
Le Sifem ne propose pas seulement des financements, mais conseille et soutient également les sociétés d’investissement locales : en effet, les gestionnaires du fonds suisse sont en contact permanent avec ces acteurs et se rendent régulièrement sur place pour apprécier la situation. Ils aident à structurer la stratégie d’investissement, observent les processus suivis en la matière et pointent les éventuelles faiblesses. Ils formulent aussi des recommandations concernant le profil des nouveaux membres de l’équipe. Par ailleurs, le Sifem dispose très souvent d’un siège au comité consultatif de ces sociétés, ce qui lui permet de prendre part aux discussions stratégiques.
Une étude d’impact indépendante a attribué de bonnes notes au Sifem en 2013[1]. Les gestionnaires de fonds interrogés dans les pays en développement ont salué le travail de leurs collègues suisses, mettant en exergue les conseils prodigués qui leur ont permis d’accroître les actifs de leurs fonds.
Le Sifem et les responsables des fonds locaux soutiennent les petites entreprises affiliées à leur portefeuille en apportant le capital nécessaire à leur croissance. Ils les conseillent, par ailleurs, dans le développement de nouvelles technologies, l’amélioration de la production, l’approche marketing, la vente et le service après-vente, ainsi que la mise en œuvre des normes en matière de responsabilité sociale, d’écologie et de gouvernance. Une société d’investissement établie au Cambodge a par exemple élaboré, avec l’aide d’experts externes, un système de gestion de la sécurité, y compris un plan d’évacuation en cas d’incendie pour une école.
Parmi les PME bénéficiant du soutien du Sifem, nombreuses sont celles qui assument pleinement leur responsabilité sociale. En Ouganda, par exemple, une société pharmaceutique octroie plusieurs bourses à des étudiants en pharmacie afin de promouvoir la formation de spécialistes. En Côte d’Ivoire, une usine de caoutchouc propose aux agriculteurs des cours de plantation durable.
Succès des investissements indirects
Comme la plupart des sociétés de financement du développement, le Sifem suit un modèle d’investissement indirect : il s’appuie sur des fonds d’investissement à fort ancrage régional, qui maîtrisent parfaitement l’environnement économique, législatif et culturel. Cette approche permet à la fois d’identifier les possibilités de développement des PME et de suivre les investissements en cours. Une présence locale directe du Sifem engendrerait des surcoûts bien trop importants pour la Confédération. La démarche choisie permet aussi une meilleure diversification du portefeuille.
Le Sifem mise sur ses investissements non seulement pour dégager un rendement convenable, mais aussi pour générer un impact durable sur le développement à long terme. Depuis 2006, le fonds applique un système de notation[2] pour évaluer l’incidence des projets en termes de développement : il s’agit de calculer notamment le nombre d’emplois consolidés ou créés, le montant des impôts versés à l’État par les sociétés d’investissement et les entreprises affiliées à leur portefeuille, les possibilités de formation et de perfectionnement proposées aux travailleurs, l’évolution des entreprises locales affiliées ou encore la mobilisation de ressources supplémentaires pour les sociétés régionales d’investissement.
Chaque investissement est précédé d’une analyse d’impact prédictive sur le développement. Pendant toute la durée de l’investissement, l’impact réel est mesuré tous les deux ans et comparé aux objectifs préalablement fixés. Les responsables peuvent ainsi vérifier l’impact de l’investissement par rapport aux effets escomptés. Dans tous les cas, la question essentielle est de savoir si et dans quelle mesure l’investissement a eu des répercussions sur l’économie locale et la qualité de vie de la population.
Les progrès obtenus le confirment : le Sifem est un instrument de développement dont l’efficacité n’est plus à prouver. La précarité des finances publiques dans de nombreux pays obligera à l’avenir le secteur privé à jouer un rôle décisif dans le développement durable de ces États.
- Dalberg Global Development Advisors, The Development Effects of SIFEM’s Investment Interventions, 2013.
- Le système de notation Sifem est basé sur le système GPR (Geschäftspolitische Projektrating) développé par la Société allemande d’investissement et de développement (DEG).