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De nombreuses maisons familiales demeurent vides

Le taux de logements vides a atteint cette année son plus haut niveau depuis quatorze ans. Les maisons familiales sont particulièrement touchées par le phénomène. En ville, le marché demeure toutefois tendu.
Le marché du logement s'est nettement détendu à la campagne.

Où a-t-on le plus de chances de trouver un appartement ou une maison à louer ou à acheter ? Le dénombrement des logements vacants, réalisé annuellement au 1er juin, donne une première indication. L’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié le 21 septembre dernier les résultats pour l’année en cours[1]. Le taux de logements vacants indique la proportion d’objets, destinés à la location durable ou à la vente, qui étaient inoccupés le jour de référence.
Ces trois dernières années, le choix qui s’offrait aux ménages à la recherche d’un toit s’est fortement accru. Le taux de logements vacants est, en effet, passé de 0,96 % en 2013 à 1,08 % en 2014, puis à 1,19 % en 2015.
Les objets à vendre ont ainsi augmenté de 31 % et ceux à louer de 27 %. En 2015, 6400 maisons familiales et 40 000 logements à louer étaient inoccupés (voir encadré).

Le durcissement des directives a freiné l’achat de maisons


La croissance du nombre d’objets vides à vendre peut-elle étonner ? Ils sont devenue trop chers pour nombre de personnes intéressées. En effet, si les coûts de financement demeurent comparativement faibles même pour des logements des segments moyen et supérieur, en raison des taux d’intérêt qui sont restés particulièrement bas, les conditions en matière d’autofinancement se sont resserrées. L’Association suisse des banquiers a publié en 2012 des directives en matière d’autorégulation, qui ont été durcies dans l’intervalle. Celles-ci sont reconnues par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) comme un standard minimal. Elles imposent désormais à l’acquéreur de fournir au moins 10 % de fonds propres qui ne proviennent pas de sa caisse de pension. En outre, l’amortissement doit être effectué linéairement et plus rapidement qu’avant, ce qui contribue à alourdir les charges financières. Les investisseurs ont très rapidement réagi à la diminution de la demande. Aujourd’hui, près de la moitié des quelque 50 000 nouveaux logements mis sur le marché chaque année sont de nouveau destinés à la location, alors qu’au début des années 2000, cette proportion était d’un quart environ.

Plus la situation est centrale, moins il y a de logements vacants


Que ce soit en matière de location ou d’achat, le choix varie considérablement selon les régions. Plus l’emplacement est central et urbain, moins on trouvera de logements inoccupés (voir graphique 1).
Dans les cinq plus grandes villes du pays, le taux de logements vacants se situe entre 0,14 % (Lausanne) et 0,50 % (Genève). Au niveau des agglomérations, il va de 0,30 % (Lausanne) à 0,96 % (Berne). Le taux moyen s’établit à 1,02 % dans les communes de plus de 5000 habitants, alors que, à l’autre extrême, un logement sur dix est déclaré vacant dans certaines communes rurales.

Ill. 1. Taux de logements vides par canton (2014 et 2015)




Source : dénombrement des logements vacants au 1er juin 2014 et au 1er juin 2015 (OFS) / La Vie économique

Comme les statistiques ne sont pas établies de la même manière d’une commune à l’autre, ces chiffres sont parfois remis en question. C’est pour cela que l’Office fédéral du logement (OFL) publie chaque année depuis 2010 un rapport sur l’état du marché du logement, en lien avec la libre circulation des personnes[2]. Celui-ci tient compte, en plus du taux de vacance, d’autres indicateurs tels que les chiffres de l’offre ou la durée pendant laquelle les logements restent inoccupés. Les comparaisons effectuées montrent que le taux de vacance reflète bien, dans l’ensemble, la situation du marché et, en particulier, son évolution dans le temps.
Il serait, cependant, prématuré de parler d’une offre globalement excédentaire. Il semble que, globalement, on arrive à la fin d’un cycle. Celui-ci se caractérisait par une très forte demande, une construction de nouveaux logements en hausse bien que d’abord avec retard et des prix nettement majorés. Sur le plan politique, le thème du logement a suscité des débats animés aux trois échelons de l’État.
Les taux d’intérêt très bas ont contribué à l’envolée des prix. Ceux-ci ont atteint dans certaines régions des niveaux très élevés, en particulier en ce qui concerne les appartements en propriété et les maisons individuelles. On ne pouvait plus exclure la formation d’une bulle immobilière. Dans le segment supérieur, on constate toutefois dans certaines régions une stabilisation, voire un recul, des prix. Celle-ci pourrait provenir d’un durcissement des conditions d’octroi des crédits hypothécaires.

Le poids des loyers augmente pour les petits salaires


Selon la situation, les loyers n’ont pas évolué de la même manière. Ceux qui occupent depuis un certain temps déjà leur logement ont pu profiter de baisses de loyer, lorsque leur propriétaire a répercuté l’évolution du taux de référence. Par contre, ceux qui cherchent un logement sont confrontés à des loyers qui ont parfois considérablement augmenté, en particulier dans les endroits prisés.
En moyenne, les locataires consacrent un cinquième de leur revenu brut au loyer, charges comprises. Cette proportion tend à augmenter, en particulier pour les ménages dont le revenu est inférieur à la moyenne (voir graphique 2).

Ill. 2. Charge locative brute moyenne par classe de revenu depuis 2000




Source : enquête sur les revenus et la consommation, enquête sur le budget des ménages 2010 et 1013 (OFS) / La Vie économique

Le développement à moyen terme du marché du logement dépend dans une large mesure du contexte général. Si l’on envisage un scénario pessimiste, la demande de logements faiblira. En effet, une économie stagnante ou abordant une récession demandera moins de main-d’œuvre étrangère ; la progression des revenus ralentira et le chômage augmentera.
Comme la construction de logements se poursuivra à un niveau élevé en tout cas ces deux prochaines années, elle pourrait entraîner une forte augmentation du nombre d’objets vacants et une baisse des prix de l’offre. Au final, ceux qui cherchent un logement auraient davantage de choix, tandis que les risques augmenteraient et le rendement continuerait à diminuer pour les investisseurs.
Selon le scénario le plus probable, la Suisse devrait retrouver le chemin de la croissance après un refroidissement conjoncturel passager. Par rapport aux autres pays européens, elle jouit toujours d’une situation favorable et reste attrayante à la fois comme lieu de travail et d’habitation. À cet égard, il faut trouver une solution afin de continuer d’embaucher la main-d’œuvre étrangère qualifiée nécessaire à la reprise économique.
Pour l’heure, l’afflux de réfugiés constitue un autre facteur d’incertitude. Si la Suisse devait devenir un pays de destination privilégié, l’intégration des réfugiés reconnus en tant que tels et des personnes admises à titre provisoire constituerait un défi de taille pour le marché du logement.

Plus de transparence pour les locataires


Le Conseil fédéral s’est plus d’une fois saisi des questions liées au marché du logement. Il a, d’une part, réaffirmé que c’est au marché de mettre des logements à la disposition de la population et il a renoncé à intervenir dans la fixation des prix. Il a, d’autre part, souhaité introduire davantage de transparence, en particulier lors d’un changement de locataire. Ainsi, le message relatif à la révision partielle du droit du bail dans le code des obligations, approuvé le 27 mai 2015, prévoit notamment que dans toute la Suisse, en cas de changement de locataire, le loyer appliqué devra être communiqué au moyen d’un formulaire et que toute augmentation devra être justifiée. Cette mesure devrait avoir un effet atténuateur sur les prix sans toucher aux droits des bailleurs. Le Parlement entamera sans doute la discussion à ce propos vers la fin de 2015.
En complément au libre marché, le Conseil fédéral et le Parlement continuent à soutenir la construction de logements d’utilité publique. Celle-ci joue un rôle important pour les ménages les moins aisés et permet de trouver un équilibre dans la composition des villes et des agglomérations.
Le crédit-cadre de 1,9 milliard de francs, demandé par le Conseil fédéral pour des engagements éventuels, a été approuvé par le Parlement en mars 2015. Il servira surtout à continuer de cautionner les emprunts émis par la Centrale d’émission pour la construction de logements (CCL). Grâce au cautionnement de la Confédération, la CCL peut mettre à la disposition de ses membres, à des conditions avantageuses à long terme, les moyens financiers nécessaires à la construction et à la rénovation de logements bon marché. Depuis 2003, près de 30 000 logements dans quelque 800 immeubles ont pu ainsi être financés par ce biais. En outre, la Confédération alimente au moyen de crédits annuels un fonds de roulement en faveur de la construction de logements d’utilité publique. Ce fonds permet d’octroyer des prêts avantageux en vue de la construction et de la rénovation de logements à prix modérés. L’OFL a pu, en collaboration avec les organisations faîtières, soutenir par des prêts quelque 2000 logements en 2014.

Poursuivre le dialogue entre la Confédération, les cantons et les villes


Outre l’initiative privée et la Confédération, les cantons et les communes ont eux aussi un rôle à jouer dans le domaine de l’accès au logement. Comme la situation du marché varie d’une région à l’autre, il est important que les différents échelons de l’État puissent accorder leurs vues grâce aux échanges d’expériences. En outre, il convient d’harmoniser les mesures politiques qui pourraient être prises dans ce domaine. C’est en ce sens qu’une plateforme a été instaurée pour permettre à la Confédération, aux cantons et aux villes de dialoguer sur le sujet. Son lancement a eu lieu en été 2013. Un groupe de travail dirigé par l’OFL a publié jusqu’à présent deux rapports qui peuvent servir d’orientation pour les autorités aux trois niveaux de l’État et pour les acteurs du marché[3].
Ce dialogue se poursuivra jusqu’à la fin de 2016. Il abordera notamment des questions à l’interface entre la politique du logement et l’aménagement du territoire et les défis que pose une société vieillissante en termes d’habitat.

  1. Voir Le taux de logements vacants continue d’augmenter, Office fédéral de la statistique, 21 septembre 2015. []
  2. OFL, Libre circulation des personnes et marché du logement. Évolution en 2014[]
  3. Ces rapports peuvent être consultés sous www.ofl.admin.ch. []

Proposition de citation: Ernst Hauri ; Christoph Enzler ; (2015). De nombreuses maisons familiales demeurent vides. La Vie économique, 24 novembre.

Les logements vacants de trois et quatre pièces progressent plus vite que la moyenne

Au 1er juin dernier, près de 52 000 logements étaient annoncés vacants, soit quelque 28 % de plus que deux ans auparavant. Pour les logements de trois et quatre pièces, la progression a été supérieure à la moyenne. Elle a, par contre, été inférieure pour ceux de deux et cinq pièces, et très inférieure pour ceux de 6 pièces et plus ainsi que pour les studios. Le nombre de maisons individuelles inoccupées était d’environ 6400, ce qui ne s’était jamais vu. La croissance du nombre de logements neufs, qui sont toujours très recherchés, a été inférieure à la moyenne.