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Maîtriser les défis écologiques et sociaux suppose d’importants moyens financiers dont les États ne disposent pas. Les banques, qui sont les principales gestionnaires de fortune à l’échelle mondiale, se doivent d’assumer leurs responsabilités. Elles le font en allouant les ressources disponibles et en en mobilisant d’autres.
Martin Hess, Directeur de la politique économique, Association suisse des banquiers, Bâle

Prise de position

Les prestations du secteur financier sont indispensables au fonctionnement du système économique global. Cette partie de l’économie a désormais largement accepté le fait que la responsabilité des entreprises comprend le développement durable.

D’une part, les banques s’emploient davantage à diriger l’allocation des ressources disponibles sur les besoins d’une économie durable. D’autre part, elles veillent à mobiliser des capitaux supplémentaires en faveur de projets porteurs d’avenir. C’est ainsi qu’environ 320 milliards d’USD – dont deux bons tiers proviennent d’investisseurs privés – sont actuellement employés chaque année pour atténuer le changement climatique.

Ce n’est toutefois pas suffisant : quelque 500 milliards d’USD, selon les estimations, seraient nécessaires pour réaliser les objectifs climatiques, ce qui dépasse nettement les moyens dont disposent les États. Ceux-ci doivent désormais faire en sorte que de bonnes conditions-cadres incitent les investisseurs privés à augmenter leurs apports de fonds.

Le dialogue actuel entre le secteur financier et le public trouve son origine dans les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, édictés par l’ONU en 2011. Ces derniers ont favorisé de nombreuses initiatives en faveur d’un système financier durable, tant sur le plan national qu’international. À cet égard, les institutions financières suisses soutiennent les travaux multilatéraux, tels que ceux du Programme des Nations Unies pour l’environnement[1]. Elles constituent également, sur une base juridique purement privée, des organismes comme le Groupe de Thoune (« Thun Group of Banks »), afin que les discussions ne restent pas lettre morte.

Compte tenu du nombre d’initiatives librement consenties ainsi que des mesures réglementaires visant le développement durable et la responsabilité sociétale (on en dénombre plus de cinquante), les banques suisses affrontent une tâche herculéenne au moment de mettre en œuvre les critères concernant l’environnement, la société et la gouvernance. En outre, le débat sur les questions énergétiques le montre bien : la volatilité des conditions-cadres entraîne une incertitude quant aux marges brutes d’autofinancement, donc des risques de financement. Or, justement, le renforcement de la réglementation bancaire sanctionne ceux qui prennent des risques, ce qui accroit les coûts de financement des projets novateurs. Par ailleurs, les processus d’autorisation fastidieux génèrent des problèmes, car les investisseurs potentiels ne peuvent pas maintenir indéfiniment leur capital à disposition.

Un terreau fertile en Suisse


Cependant, la Suisse est bien positionnée dans le débat sur le développement durable. La symbiose entre sa place financière d’importance mondiale, le souci d’efficacité écologique et un constant esprit d’entreprise fournit un terreau optimal à la constitution d’un système financier durable. L’État et le secteur privé se complètent bien, tandis que des solutions commerciales d’avenir peuvent prendre appui sur la compétitivité de la Suisse.

L’État doit, toutefois, garantir des conditions-cadres stables. Les détenteurs de capitaux n’accepteront d’investir sur le long terme et à des conditions avantageuses que si l’environnement est prévisible. Des conditions-cadres compatibles avec des mesures incitatives ont toujours mieux concouru au but fixé qu’une fiscalité excessive ou une culture étatique de l’interdiction.

S’agissant du financement durable par l’économie privée, il est justifié de se montrer optimiste. Les banques savent qu’elles ont avantage à minimiser activement les risques environnementaux et sociaux en assumant leur responsabilité sociétale. Elles peuvent ainsi répondre aux besoins de leur clientèle et exploiter un important potentiel de revenu. Cela leur permet aussi de souligner leurs efforts d’intégrité et de renforcer leur réputation.

Certains établissements ont acquis un avantage concurrentiel grâce à la durabilité de leurs services. En définitive, s’engager activement revient aussi à prévenir des contraintes légales qui ne manqueraient pas de causer des dommages macroéconomiques considérables en restreignant la marge de manœuvre des entreprises.

  1. PNUE, Enquête sur la conception d’un système financier durable[]

Proposition de citation: Martin Hess (2015). Prise de position: Le financement durable, une tâche essentielle des banques. La Vie économique, 21 décembre.