L’adoption à l’unanimité de l’Agenda 2030 pour un développement durable par l’Assemblée générale de l’ONU, le 25 septembre dernier, a marqué un « moment décisif dans l’histoire de l’humanité », suivant les termes employés par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon (voir encadré). L’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable mettent à profit les succès engrangés par les Objectifs du Millénaire pour le développement, dont ils prennent la relève.
L’Agenda 2030 va cependant au-delà. Il recherche un équilibre entre les trois dimensions (sociale, économique et environnementale) du développement durable. Loin d’une logique Nord-Sud, il a désormais une portée universelle : il concerne à la fois les pays en développement et les régions industrialisées. Ces dernières devront contribuer à son succès, en l’appliquant également chez elles, par exemple en adoptant des modes de consommation plus durables. L’agenda est destiné à guider l’action non seulement des gouvernements, mais également d’autres acteurs, tels que le secteur privé ou la société civile, qui ont été étroitement associés à son élaboration.
L’Agenda 2030 a reçu un accueil partagé. Jugé excessivement ambitieux, voire naïf et idéaliste, par certains commentateurs, c’est surtout son étendue qui a été critiquée. Si tout est important, cela signifie-t-il que rien n’est prioritaire ? En réalité, l’Agenda 2030 est le reflet d’un monde complexe, dans lequel les défis auxquels l’humanité et la planète font face sont toujours davantage liés entre eux.
L’agenda a également l’avantage de mobiliser les différents acteurs autour d’une vision commune. Ses objectifs seront désormais l’aune à laquelle les progrès devront être mesurés. Par sa nature universelle, il en appelle à la responsabilité de chaque pays et de tous les acteurs, il fait sauter les verrous et crée des liens.
Un agenda qui concerne la Suisse
La Suisse a activement participé à l’élaboration de l’Agenda 2030. Elle a notamment joué un rôle déterminant dans l’adoption des objectifs spécifiques à la sécurité de l’eau, aux sociétés pacifiques ou à l’égalité des sexes.
L’agenda constituera un cadre de référence important pour la Suisse, comme le montrent déjà sur le plan interne la nouvelle Stratégie pour le développement durable 2016-2019, et en politique extérieure, le Message sur la coopération internationale 2017-2020[1]. Ce dernier se réfère largement à l’Agenda 2030. Après le Conseil fédéral, ce sera aux Chambres de se prononcer sur le Message durant l’année 2016[2].
Favoriser l’inclusion, réduire les inégalités
Le Message 2017-2020 réunit dans une stratégie commune les activités de la Direction du développement et de la coopération (DDC), le centre de prestations Coopération et développement économiques du Secrétariat d’État à l’économie (Seco) et, pour la première fois, la Division sécurité humaine (DSH) du Département des affaires étrangères[3]. Cette stratégie poursuit la vision d’un monde sans pauvreté et en paix, pour un développement durable.
Pour construire un monde sans pauvreté, la coopération internationale traitera des différentes dimensions de cette dernière : il s’agit non seulement d’avoir un revenu et un travail décent, mais aussi d’avoir accès à la santé et à l’éducation, pouvoir faire valoir ses droits et entendre sa voix, ne pas être discriminé, être apte à faire face à l’imprévu.
L’Agenda 2030 repose sur un principe incontournable : il ne faut laisser personne de côté. Une attention particulière est donc portée dans le Message 2017-2020 aux femmes et aux groupes de populations les plus vulnérables, tels que les enfants, les jeunes, les personnes âgées ou les malades. L’inclusion et la réduction des inégalités seront au cœur de l’action.
L’égalité des sexes devient ainsi l’un des objectifs stratégiques de la coopération internationale. L’inclusion sociale sera pour sa part un thème central de l’aide à la transition dans les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale. La DDC renforcera son engagement en matière d’éducation de base et de formation professionnelle, afin notamment d’offrir de meilleures perspectives aux jeunes. Les mesures de politique économique et commerciale mises en œuvre par le Seco au titre de la coopération au développement chercheront à favoriser une croissance durable et inclusive.
Agir dans les contextes fragiles
Afin de contribuer à un monde en paix, la coopération internationale consacrera, entre 2017 et 2020, une part importante de son activité aux régions fragiles et affectées par des conflits, où la pauvreté, l’instabilité et la violence prévalent. Elle s’intéressera tout particulièrement à la résolution pacifique des conflits, à la promotion des droits de l’homme et à la protection des populations civiles. La consolidation de la paix à long terme et le travail sur les causes des conflits demeureront essentiels.
Compte tenu de la multiplication des crises, l’aide humanitaire continuera d’être activement sollicitée, notamment les secours d’urgence apportés aux personnes déplacées. Une action à long terme est en outre nécessaire pour faire face à tous les problèmes que connaissent les pays et régions fragiles : 1,5 milliard de personnes y vivent actuellement ; d’ici 2030, les deux tiers des pauvres s’y trouveront. Il est ainsi prévu d’augmenter la part de la coopération bilatérale de la DDC en Afrique subsaharienne à 50 % d’ici 2020.
Des solutions pour les problèmes planétaires
La Suisse encourage le développement durable à l’échelle mondiale. La résolution des défis liés au changement climatique, à la sécurité alimentaire, à l’eau, à la santé, à la migration, aux finances et au commerce étaient déjà au cœur du Message sur la coopération internationale 2013-2016. La Suisse a en ce sens joué un rôle précurseur et bénéficie d’un grand savoir-faire dans ces domaines, qu’elle pourra mettre à profit lors de la mise en œuvre de l’Agenda 2030.
Ces défis globaux et les thématiques qui y sont liées, comme l’assainissement, la nutrition, l’énergie, la consommation et la production durables, la migration et la mobilité ou les maladies transmissibles, sont solidement ancrées dans l’Agenda 2030 comme dans le Message 2017-2020 La Suisse s’engagera également au niveau multilatéral ainsi qu’auprès de ses pays partenaires pour promouvoir le suivi et la mise en œuvre de l’Agenda 2030.
Le Message 2017-2020 prévoit, en outre, de renforcer l’action de la coopération internationale dans le domaine environnemental, mettant ainsi l’accent sur son rapport avec la pauvreté : faute d’action, le changement climatique pourrait en effet précipiter 100 millions de personnes supplémentaires dans la misère d’ici 2030, notamment en raison de l’envol du prix des denrées alimentaires ou des maladies[4].
Activer les synergies
Pour réaliser l’Agenda 2030, il ne s’agit pas seulement de faire plus, mais aussi et surtout de faire autrement, de promouvoir le changement vers la durabilité. Pour y parvenir, tous doivent tirer à la même corde.
Le Message 2017-2020 s’engage à cet égard sur plusieurs axes : la DDC, le Seco et la DSH accentueront tout d’abord les synergies qui peuvent se dégager de leurs activités, en se basant sur leurs compétences respectives. Ils renforceront ainsi leur collaboration dans les pays et régions où tous sont présents, comme ils le font déjà actuellement en Afrique du Nord.
Les partenariats seront également essentiels pour que la Suisse concrétise ses objectifs ainsi que ceux de l’Agenda 2030. Aujourd’hui déjà, la DDC, le Seco et la DSH travaillent étroitement avec les organisations multilatérales – comme les banques de développement ou les agences onusiennes –, la société civile, le secteur privé ou encore des instituts de recherche. Ces collaborations prendront désormais une dimension accrue.
Les entreprises ont, en particulier, un rôle clé à jouer. Il faudra développer de nouvelles formes de collaboration, intégrer les différents acteurs et mettre à profit le savoir-faire suisse. Dans la ligne de l’Agenda 2030, les approches intersectorielles et la cohérence des politiques pour le développement durable[5] prendront de plus en plus d’importance.
L’aide doit profiter des effets de levier
Les défis s’intensifient et les besoins auxquels l’aide doit répondre sont toujours plus nombreux. Une réduction durable de la pauvreté demande des investissements à long terme. L’éducation universelle aux niveaux primaire et secondaire inférieur dans les pays à bas revenu coûterait ainsi 32 milliards d’USD par an[6]. Les besoins à court terme augmentent également : la multiplication des crises à grande échelle ces dernières années et les contraintes qu’elles génèrent, notamment en termes d’aide humanitaire d’urgence, mettent les budgets des donateurs sous pression. Financer la lutte contre les changements climatiques demandera également des investissements importants, additionnels à l’aide.
Comment faire alors que les budgets se resserrent, la Suisse ne faisant pas exception ? Les cinq crédits-cadres proposés au Parlement pour la période 2017-2020 se montent à près de 11 milliards de francs[7]. L’aide publique suisse au développement représentera ainsi quelque 0,48 % du revenu national brut (RNB)[8]. Ce chiffre est à comparer au 0,5 % que le Parlement avait, en 2011, décidé d’atteindre d’ici 2015. Par ailleurs, la Suisse reconnaît l’objectif de 0,7 %, conformément à la recommandation des Nations Unies.
En plus de l’aide, la mise en œuvre de l’Agenda 2030 requiert également la mobilisation d’autres ressources, telles que les recettes fiscales des pays en développement, l’investissement privé et les transferts de migrants vers leur pays d’origine. Le Message 2017-2020 prévoit de renforcer le rôle de catalyseur que l’aide joue sur ces ressources.
La coopération internationale continuera également de jouer un rôle de levier, pour un effet allant au-delà de ses projets. Le but est de renforcer les institutions, d’améliorer les conditions-cadres et d’encourager les projets de réforme dans les pays partenaires, d’influencer les politiques globales, de soutenir les acteurs du changement – en particulier la société civile et le secteur privé – et d’améliorer la cohérence des politiques pour le développement durable.
L’apport de la Suisse est important
La Suisse est un acteur solidaire, responsable et compétent ; elle a donc beaucoup à apporter lors de la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Par ses accents thématiques, par son action au niveau bilatéral et multilatéral, en renforçant ses partenariats et en intensifiant son rôle de catalyseur et de levier, la coopération internationale y contribuera fortement durant la période 2017-2020.
Cet agenda permettra à la coopération suisse de s’ancrer dans un cadre plus large, commun à toutes les nations et à tous les acteurs. Dans un contexte international troublé par des crises, où la fragmentation menace, ce projet universel est le bienvenu.
- La « coopération internationale » évoquée dans le message comprend l’aide humanitaire, la coopération technique et l’aide financière en faveur des pays en développement, les mesures de politique économique et commerciale au titre de la coopération au développement, l’aide à la transition ainsi que les mesures de promotion de la paix et de la sécurité humaine. []
- Au moment où cet article est rédigé, le Conseil fédéral n’a pas encore pris position sur le message. []
- Le message compte cinq crédits-cadres, qui portent respectivement sur l’aide humanitaire et le Corps suisse d’aide humanitaire, la coopération technique et l’aide financière en faveur des pays en développement, les mesures de politique économique et commerciale au titre de la coopération au développement, l’aide à la transition dans les États d’Europe de l’Est et d’Asie centrale ainsi que les mesures de promotion de la paix et de la sécurité humaine. []
- Hallegatte S. et al., Shock Waves : Managing the Impacts of Climate Change on Poverty, Climate Change and Development Series, Banque mondiale, 2016. []
- Voir l’article de Werner Thut dans ce même numéro. []
- Greenhill R. et al., Financing the Future : How international public finance should fund a global social compact to eradicate poverty, rapport, Overseas Development Institute, 2015. []
- Au moment où cet article est rédigé, le Conseil fédéral n’a pas encore pris position sur le message. []
- Suivant le programme de stabilisation 2017-2019 adopté par le Conseil fédéral. L’aide publique au développement de la Suisse comprend d’autres composantes que les budgets de la coopération internationale. Elle inclut notamment les coûts de l’accueil des requérants d’asile provenant de pays en développement durant la première année de leur séjour en Suisse. []