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Éléments clés de la réforme : renforcer les prestations complémentaires dans leur mission principale

Ceux qui n’arrivent pas à vivre avec leur rente de vieillesse ou d’invalidité doivent recevoir un soutien. Le Conseil fédéral veut que la révision du système des prestations complémentaires consolide cet élément de base. Il faut, pour cela, améliorer l’utilisation de la fortune propre à des fins de prévoyance et réduire les effets de seuil.
Les prestations complémentaires doivent permettrent de mener une vie décente. La participation à la vie sociale en fait partie.

Il y a deux ans à peine, le Conseil fédéral faisait savoir qu’il désirait réformer le système des prestations complémentaires (PC) sur divers points. À cette fin, il souhaite avant tout que la large acceptation du système reste acquise et que les PC puissent continuer d’assumer pleinement leur tâche essentielle, soit garantir aux intéressés une existence digne. Dans ce sens, la réforme poursuit avant tout les objectifs suivants :

  • maintenir le niveau des prestations :
  • améliorer l’utilisation de la fortune propre à des fins de prévoyance, afin de réduire le risque d’une dépendance PC avec l’âge ;
  • réduire les effets de seuil et les incitations à rester dans le système des PC.
  • Le projet de loi que le Conseil fédéral a mis en consultation tient équitablement compte tant des besoins des rentiers, qui aspirent à une existence financièrement assurée, que des soucis des cantons concernant l’augmentation continue des coûts des PC.

Pas un plan d’austérité


La tâche principale des PC se résume en une phrase. Leur objectif est d’assurer une vie décente à celles et ceux qui, bénéficiaires d’une rente de vieillesse ou d’invalidité, ne disposent pas des moyens suffisants pour vivre dignement. Cela implique notamment la possibilité de tenir son propre ménage, de participer à la vie sociale, et de disposer d’une couverture médicale de base. Les dépenses qui sont à ce titre reconnues aux intéressés sont déjà calculées au plus près. Au niveau des loyers, elles sont même en partie insuffisantes. C’est pourquoi le Conseil fédéral a, en décembre 2014, transmis un message au Parlement relatif aux montants maximaux pris en compte dans les PC au titre du loyer. La réforme est conçue de telle sorte que les bénéficiaires de telles prestations ne soient pas contraints de se serrer davantage la ceinture. Ce faisant, on garantit également le fait qu’il ne saurait être question d’un transfert des charges vers l’aide sociale, et donc d’alourdir les dépenses cantonales.

La réforme des PC n’est donc nullement un plan d’austérité. Les améliorations proposées, en ce qui concerne l’utilisation de la fortune propre à des fins de prévoyance et la réduction des effets de seuil, peuvent toutefois soulager le système durablement. En 2014, la Confédération et les cantons ont dépensé près de 4,7 milliards de francs pour les PC. Au regard de l’évolution démographique, les coûts progressent annuellement dans une fourchette oscillant entre 2,3 et 2,5 %. Les réformes prévues peuvent réduire les dépenses PC de 152 à 171 millions de francs en 2022. L’impact financier dépend de la variante choisie pour la limitation des retraits en capital du IIe pilier (voir tableau). Sur ces sommes, 45 à 51 millions de francs s’adresseront à la Confédération et 107 à 120 millions profiteront aux cantons. À cela s’ajoutent des économies dans le système de réductions des primes consenties par les cantons, qui seront de l’ordre de 116 millions. En d’autres termes, la réforme offre des perspectives financières à long terme pour la Confédération et les cantons.

Mesures de la réforme des PC et conséquences financières en 2022


En millions de francs aux prix de 2015


















Mesures Conséquences financières dont Confédération dont cantons
Retraits en capital du IIe pilier :
Variante 1 : exclusion de la partie obligatoire -38 -11 -27
Variante 2 : limitation à 50 % pour la partie obligatoire -19 -5 -14
Démarrage d’une activité lucrative indépendante : exclusion du paiement en espèces ­8 -2 -5
Prise en compte de la fortune dans le calcul de la PC :
Réduction des franchises sur la fortune totale -56 -17 -39
Autres mesures -9 -5 -5
Réduction des effets de seuil :      
Prise en compte intégrale du revenu hypothétique -17 -11 -6
Calcul PC de personnes en foyer :
Prise en compte à la journée de la taxe du foyer -43 -5 -38
Total issu des mesures (variante 1) -171 -51 -120
Total issu des mesures (variante 2) -152 -45 -107


Source : Ofas / La Vie économique

Protéger le capital du IIe pilier


En tant que prestations répondant à un besoin, les PC doivent venir en aide de manière ciblée à celles et ceux qui, à défaut, seraient contraints de vivre sous le minimum d’existence. La réforme doit garantir que les ressources propres des assurés soient prises en compte de manière appropriée dans le calcul de la PC. Les personnes qui, à l’âge de la retraite, peuvent toucher une rente AVS pleine et la prévoyance professionnelle, ne sont en général pas tributaires de PC, du moins tant qu’elles ne doivent pas entrer dans un EMS. C’est pourquoi il conviendra de préserver le capital du IIe pilier jusqu’à l’âge de la retraite, pour le verser ensuite sous forme de rente.

En fait, même des assurés qui ne perçoivent pas leur IIe pilier sous forme de rente, mais d’avoir, peuvent en principe subvenir à leurs besoins par leurs propres moyens jusqu’à l’épuisement du capital. Au moment où celui-ci est versé, une personne ignore en général combien de temps elle va encore vivre. Elle prend ce faisant le risque que le capital retiré ne suffise pas jusqu’à la fin de ses jours, et ce même s’il a été utilisé à des fins de prévoyance exclusivement. Ce danger n’est pas de mise dans le cas d’une rente versée à vie. Ce sont souvent de petits avoirs qui sont précisément versés sous forme de capital, de sorte qu’ils disparaissent très vite même s’ils sont utilisés de manière très consciencieuse. C’est au plus tard à l’entrée dans une maison de retraite, le plus souvent liée à des frais très élevés pour les personnes concernées, que des capitaux même plus importants sont appelés à disparaître rapidement. Dans un cas comme dans l’autre, la rente manquante doit alors être compensée par des PC, ce qui renchérit inutilement la charge financière de l’État. C’est la raison pour laquelle le Conseil fédéral propose d’exclure le versement de l’avoir de vieillesse sous forme de capital pour l’ensemble de la partie obligatoire, ou du moins à raison de la moitié de celle-ci.

Les assurés qui font appel au capital du IIe pilier pour entamer une activité indépendante courent le risque de perdre tout ou partie de celui-ci en cas d’échec. Les PC seront alors sollicitées pour combler en partie les lacunes de la prévoyance. C’est ainsi que le Conseil fédéral envisage d’exclure également, dans la prévoyance professionnelle obligatoire, la possibilité du paiement en espèces de la prestation de sortie pour démarrer une activité lucrative indépendante. Dans la mesure où les avoirs du IIe pilier ne jouent qu’un rôle marginal dans le financement de nouvelles entreprises[1], les mesures en question ne devraient pas peser sur l’économie.

En revanche, aucune limitation n’est prévue au chapitre des versements en capital pour l’acquisition d’un logement. Cette forme de retrait ne pose aucun problème aux PC, du fait que le capital concerné reste acquis sous la forme d’une propriété immobilière.

Une prise en compte appropriée de la fortune


La réforme des PC entend garantir que les assurés aient d’abord recours, de manière appropriée, à leurs propres ressources financières avant de solliciter l’octroi de PC. Dans cet ordre, ce sont notamment les franchises sur la fortune totale qu’il importe d’adapter. Ainsi, pour les personnes seules, le Conseil fédéral propose de passer de 37 500 à 30 000 francs, et pour les couples de 60 000 à 50 000 francs. Pour leur part, les franchises prévues sur les immeubles appartenant et servant d’habitation aux bénéficiaires de PC resteraient inchangées.

Dans le même temps, une limite annuelle à la consommation de fortune devrait voir le jour. Sans obligation légale ou autre raison impérative, une personne ne devrait désormais plus être autorisée à consommer plus de 10 % de sa fortune par année. Les dépenses qui iraient au-delà de cette limite interviendraient dans le calcul de la PC à titre de fortune dessaisie. Grâce à cette mesure, il est possible d’agir contre une consommation inconsidérée de la fortune, propre à augmenter le montant des PC octroyées.

Réduire les effets de seuil et les incitations négatives


Qu’il entre ou sorte du système des PC, l’assuré voit quasiment toujours son revenu disponible se modifier. Ces effets de seuil peuvent poser problème si une personne qui touche une rente AI et des PC se retrouve en meilleure situation financière qu’avant l’invalidité. La question se pose aussi lorsqu’une sortie du système des PC détériore nettement la situation financière de l’intéressé. L’effet de seuil va à l’encontre de la recherche d’emploi, étant donné que l’allocataire n’y trouve aucun intérêt. Il importe dès lors que la réforme des PC réduise dans la plus large mesure les effets de seuil.

De nos jours, les bénéficiaires de PC touchent dans la plupart des cantons un montant qui est au moins égal à celui de la prime moyenne de l’assurance-maladie cantonale ou régionale. De la sorte, des PC modestes se retrouvent fortement majorées en conséquence. Il en résulte des effets de seuil tant lors de l’entrée que lors de la sortie du système. Dans le même temps, cette réglementation a pour conséquence que des personnes au bénéfice de cette garantie de PC minimale se voient disposer d’un revenu disponible plus élevé que les autres bénéficiaires. Afin de limiter ces effets indésirables, il est proposé d’abaisser le montant minimal de la PC au niveau de la réduction de prime la plus élevée destinée aux personnes sans droit aux PC ou à l’aide sociale.

Pour les personnes qui ne font pas usage de leur capacité de gain maximale, le calcul de la PC tient compte d’un revenu hypothétique. Selon le droit en vigueur, ce dernier est pris en compte au même titre que s’il était effectivement réalisé. Autrement dit, après déduction d’une franchise, le solde est comptabilisé à raison de deux tiers seulement dans les revenus. Ce faisant, l’incitation à faire un usage maximum de sa capacité de gain s’en trouve diminuée. C’est pourquoi les revenus hypothétiques devraient à l’avenir être pris en compte intégralement dans le calcul de la PC.

Éviter les surindemnisations


La prime pour l’assurance obligatoire des soins fait partie de la couverture des besoins vitaux. Elle s’intègre donc aux dépenses reconnues dans le calcul de la PC. Sous l’empire du droit en vigueur, le montant pris en compte correspond toujours au montant de la prime moyenne déterminante du canton ou de la région. Pour éviter des surindemnisations, les cantons doivent avoir la possibilité de prendre en considération, dans leurs calculs, non pas le montant de la prime moyenne, mais la prime effective si le montant de celle-ci est inférieur à la prime moyenne. En outre, le calcul de la PC ne devrait dorénavant plus tenir compte que des taxes journalières inhérentes aux jours effectivement facturés pour le foyer. Cela évitera des surindemnisations également au chapitre en question.

La procédure de consultation sur le projet de réforme des PC s’est achevée le 18 mars dernier. Les résultats sont en cours d’analyse. Le Conseil fédéral veut adopter le message sur la réforme d’ici la fin de cette année, pour que les délibérations parlementaires puissent débuter en 2017.

  1. Les avoirs de prévoyance versés pour entamer une activité indépendante n’ont représenté, en 2013, que quelque 5 % du volume total des nouveaux crédits bancaires en faveur des indépendants et des entreprises employant jusqu’à neuf salariés. Une partie de ces 5 % concerne de surcroît des avoirs surobligatoires, lesquels pourront continuer à être versés sous le régime de la réglementation prévue. []

Proposition de citation: Nadine Schüpbach (2016). Éléments clés de la réforme : renforcer les prestations complémentaires dans leur mission principale. La Vie économique, 24 mars.