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Nous ne manquons pas que d’ingénieurs

La demande de main-d’œuvre qualifiée reste importante en Suisse. Le système d’indicateurs de la Confédération le montre : outre les ingénieurs et les techniciens, les professions de manager, de médecin et d’informaticiens figurent parmi les plus recherchées.
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Les postes à pourvoir sont nombreux dans le domaine de la santé et toutes les personnes motivées sont les bienvenues.

L’économie suisse a besoin de spécialistes pour défendre ses très bonnes positions internationales. Il faut, toutefois, savoir les quantifier. En 2009, le bureau de consultants économiques B,S,S. et le Centre de recherche en économie du marché du travail et de l’industrie, de l’université de Bâle, avaient développé un premier système d’indicateurs destiné à mesurer la pénurie de spécialistes dans différents métiers en Suisse[1]. Ce système a, depuis lors, été revu et amélioré[2]. Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) en a développé une nouvelle version. Il l’a présentée en septembre à l’occasion du sommet national « Personnel Qualifié Suisse », qui a réuni la Confédération, les cantons et les organisations du monde du travail[3]. Les milieux politiques et économiques, de même que le grand public disposent ainsi d’une base d’informations complète qui recense quelque 380 métiers répartis dans 36 domaines professionnels. Celle-ci établit ponctuellement des relations avec le potentiel existant dans chacun de ces domaines.

Concrètement, lorsqu’il y a pénurie de main-d’œuvre qualifiée, les entreprises peinent à trouver les spécialistes dont elles ont besoin. Bien que ce soit assez simple à comprendre, plusieurs problèmes méthodologiques empêchent de mesurer directement cette pénurie. C’est pourquoi le Seco utilise différents indicateurs pour refléter aussi fidèlement que possible la situation du marché du travail dans les différents métiers.

D’après les indicateurs, la pénurie est réelle


À titre d’exemple, le taux de chômage constitue un indicateur important : inférieur à la moyenne, surtout lorsque le nombre de postes à pourvoir est important, il indique une pénurie. Un autre indicateur important est le taux d’immigration découlant de la situation sur le marché du travail : en effet, si le pays ne produit pas suffisamment de main-d’œuvre qualifiée, les entreprises doivent davantage recruter à l’étranger.

Il convient également de tenir compte de la démographie : y a-t-il suffisamment de jeunes qualifiés pour remplacer les spécialistes qui partent à la retraite ? Si ce n’est pas le cas, ce déséquilibre augmentera d’autant le besoin futur de main-d’œuvre qualifiée. Par ailleurs, la croissance de l’emploi à long terme peut être l’indice d’une éventuelle pénurie de spécialistes : le risque est grand que les métiers dans lesquels l’emploi augmente manqueront d’experts. Enfin, la demande de spécialistes est plus difficile à satisfaire dans des professions requérant des qualifications aux niveaux secondaire II et tertiaire. Des exigences supérieures sont souvent liées à une spécialisation croissante, ce qui tend à compliquer le recrutement de profils adéquats. Cet aspect est pris en considération par un indicateur mesurant spécialement les exigences en matière de qualifications professionnelles.

Réunis, ces indicateurs forment un indice général pour chaque métier. Cela permet de classer les professions selon le degré de pénurie. Pour mieux comprendre les causes du manque de main-d’œuvre spécialisée, les indicateurs devront, en outre, être considérés isolément. Ils doivent également être combinés avec d’autres informations spécifiques pour que l’interprétation soit définitive. En ce sens, le système d’indicateurs du Seco peut servir de base à d’autres analyses plus approfondies que peuvent réaliser par exemple les associations professionnelles ou de branche.

Essentiellement une pénurie d’ingénieurs


La pénurie de spécialistes ne touche pas tous les métiers avec la même ampleur. Le phénomène est d’abord le fait des métiers dits Mint[4], tels que ceux de l’ingénierie ou de l’informatique (voir illustration 1). Les métiers de la santé et du management sont également touchés et certains indices donnent à penser qu’il pourrait en aller de même avec ceux de l’enseignement. Globalement, ces professions représentent plus du quart des emplois.

En revanche, on n’observe aucun indice de pénurie dans les métiers commerciaux et de la vente, ceux de l’agriculture ainsi que dans divers domaines professionnels relativement limités du secteur secondaire (industrie du textile et du cuir, p. ex.). Il est vrai que le chômage est souvent élevé dans ces professions : l’emploi y est en régression et les exigences en matière de qualifications sont relativement peu élevées.

À l’inverse, les champs professionnels qui montrent de forts signes de pénurie requièrent souvent des qualifications élevées et connaissent un taux de chômage inférieur à la moyenne. Qui plus est, on y observe une tendance à la hausse du nombre d’emplois. Étant donné que cette croissance résulte la plupart du temps de facteurs structurels à long terme, comme l’évolution démographique et le progrès technique, elle devrait se poursuivre à moyen terme. Une autre caractéristique des métiers techniques est que le nombre d’emplois à pourvoir y est élevé. On peut en conclure que les entreprises peinent à recruter suffisamment de main-d’œuvre qualifiée. Dès lors, l’immigration, qui joue un rôle important, notamment dans les professions techniques, est essentielle pour compenser la pénurie de spécialistes indigènes.

Ill. I : Besoin de spécialistes dans certains domaines professionnels (2012-2014)




Remarque : L’illustration ne présente que des domaines professionnels comptant pour plus de 2 % de tous les emplois. Le rapport Fachkräftemangel in der Schweiz – Indikatorensystem zur Beurteilung der Fachkräftenachfrage (Seco, 2016, disponible uniquement en allemand) présente un tableau complet de tous les champs professionnels.

Source : OFS, Seco, X28 / La Vie économique

Les professions souffrant de pénurie représentent un volume de travail très important


Dans les métiers où tous les signaux de pénurie sont au rouge, il est particulièrement important d’identifier et d’épuiser le potentiel latent de main-d’œuvre qualifiée. Ce sont, par exemple, les personnes formées n’exerçant pas leur métier ou seulement à temps partiel.

Il est frappant de constater que la participation professionnelle et le volume de travail dans des domaines demandant beaucoup de main-d’œuvre qualifiée, à l’instar des métiers Mint, sont généralement supérieurs à la moyenne. C’est le cas non seulement chez les hommes, mais aussi chez les femmes (voir illustration 2). Dans d’autres métiers, par exemple ceux de la formation et de l’enseignement, il serait plus facile d’affronter une situation de pénurie si le taux de participation au marché du travail ou le taux d’occupation s’accroissent.

Dans plusieurs métiers, le recrutement de personnel étranger est essentiel pour compenser le manque de spécialistes. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse, un des objectifs visés est de mieux utiliser le potentiel indigène de main-d’œuvre.

Les mesures permettant de mieux concilier vies professionnelle et familiale doivent augmenter la participation au marché du travail ou le taux d’occupation. La création de conditions favorables à la participation des travailleurs âgés au marché du travail est un autre axe de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié. Dans les métiers où la pénurie de spécialistes est marquée, le taux d’emploi et le volume de travail de ce groupe d’actifs tendent déjà à dépasser les moyennes macroéconomiques. Le monde des travailleurs âgés devrait encore receler un certain potentiel de main-d’œuvre qualifiée, étant donné que leur participation au marché du travail diminue dans tous les domaines professionnels avant même l’âge officiel de la retraite. Enfin, l’initiative préconise un certain nombre de mesures à moyen terme en faveur de la formation continue, afin de relever le niveau de qualification de la main-d’œuvre potentielle indigène. Ces mesures devraient prendre une importance accrue.

Ill. 2 : Volume de travail et pénurie de main-d’œuvre qualifiée par sexe dans certains métiers (2012–2014)






Source : OFS, Seco, X28 / La Vie économique

Des solutions sur mesure           


L’apport majeur de ce système d’indicateurs est de proposer une analyse complète et objective de la situation de la main-d’œuvre qualifiée dans quelque 380 professions. Ce système permet de les hiérarchiser, quand bien même une lecture attentive montre qu’il n’existe pas de métier type touché par la pénurie de spécialistes.

La pénurie de main-d’œuvre qualifiée a diverses causes et se manifeste différemment selon les domaines professionnels. Les métiers de la santé, par exemple, manquent avant tout de médecins et de personnel soignant qualifié, tandis qu’il n’y a aucun indice de carence en ce qui concerne les métiers d’assistance médicale. Par conséquent, il importe de mettre en place des solutions sur mesure pour chacune des différentes professions. À cet égard, le système d’indicateurs offre une bonne base de départ.

  1. B,S,S. et Centre de recherches en économie du marché du travail et de l’industrie de l’université de Bâle, Indikatorensystem Fachkräftemangel, Berne, 2009, rapport de recherche pour l’OFFT. []
  2. B,S,S., Fachkräftemangel in der Schweiz – Ein Indikatorensystem zur Beurteilung der Fachkräftenachfrage in verschiedenen Berufsfeldern, Berne, 2014. L’étude a été menée sur mandat du Seco. []
  3. Secrétariat d’État à l’économie. Fachkräftemangel in der Schweiz – Indikatorensystem zur Beurteilung der Fachkräftenachfrage, Berne, 2016. []
  4. Mint est un acronyme anglais signifiant « mathématiques, informatique, sciences naturelles et technique ». []

Proposition de citation: Degen, Katharina (2016). Nous ne manquons pas que d’ingénieurs. La Vie économique, 22. septembre.