Les femmes sont toujours plus qualifiées en Suisse.
En Suisse, le taux d’activité professionnelle est élevé et celui des personnes sans emploi figure parmi les plus faibles de l’OCDE. Si le taux d’emploi est élevé, l’augmenter encore devrait en toute logique être un facteur de coûts supplémentaires. Les conditions-cadres doivent être profondément remaniées pour accroître encore la participation au marché du travail. Par ailleurs, si le niveau de vie s’élève, les contreparties par rapport aux autres objectifs individuels et sociaux prennent davantage d’importance. En effet, un taux d’emploi élevé va toujours de pair avec une réduction du temps libre. Autrement dit, les coûts d’opportunité augmentent.
Néanmoins, un fort taux d’activité professionnelle traduit aussi une bonne dynamique de l’emploi et une politique du marché du travail fructueuse. Cette dynamique est la condition qui permet à chaque personne le souhaitant d’avoir un emploi ou d’augmenter son taux d’occupation si elle travaille à temps partiel. Des salaires élevés et de bonnes conditions de travail sont autant d’incitations à devenir actif professionnellement.
Contrairement à la Suisse, les économies touchées par la crise connaissent souvent des taux élevés de chômage ou de personnes sans emploi ; les jeunes travailleurs qualifiés quittent le pays dans de nombreux cas. Dans de telles circonstances, développer la participation au marché du travail est une tâche bien plus difficile.
La Suisse loin devant les États de l’UE
En 2015, le taux d’emploi chez les personnes âgées de 15 à 64 ans en Suisse s’élevait à 84,1 %, un niveau supérieur de pratiquement 12 points de pourcentage à la moyenne des 28 États de l’UE (72,5 %). Sur les dix dernières années, la participation au marché du travail a pu augmenter tant en Suisse (+3,2 points de pourcentage) que dans l’UE (+2,8), comme le montre l’illustration.
Taux d’emploi des 15-64 ans en comparaison internationale (2005 et 2015)
Source : Eurostat / La Vie économique
Dans l’ensemble, les États de l’UE ne sont pas parvenus à réduire l’écart qui les sépare de la Suisse. Il ressort que, malgré un niveau de référence élevé, ce dernier pays a su bien mieux mobiliser son potentiel de main-d’œuvre, ces dix dernières années.
Une plus forte participation au marché du travail depuis 2010
Entre 2010 et 2015, la population active en Suisse a augmenté de 281 000 personnes-équivalents plein temps (voir tableau). Parmi celles-ci, 102 000 proviennent d’une hausse du taux d’emploi ou d’occupation. Le rôle joué par la participation au marché du travail dans l’évolution générale de la population active a été déterminé en calculant l’augmentation du taux d’emploi en équivalents plein temps entre 2010 et 2015, par groupe d’âge, et en se basant sur la population de 2010. Environ 60 % de l’augmentation a été le fait des 24-54 ans et 40 % celui de la population de 55 ans et plus.
Évolution de la population active en équivalents plein temps (de 2010 à 2015)
Grâce à l’évolution de la participation au marché du travail | Grâce à la croissance de la population | Total | |
Population résidante permanente de 25 ans et plus | |||
Hommes | -3000 | 116 000 | 113 000 |
Femmes | 105 000 | 63 000 | 168 000 |
Total | 102 000 | 178 000 | 281 000 |
De 25 à 54 ans | |||
Hommes | -10 000 | 78 000 | 69 000 |
Femmes | 72 000 | 46 000 | 118 000 |
Total | 62 000 | 124 000 | 186 000 |
De 55 ans et plus | |||
Hommes | 7000 | 37 000 | 44 000 |
Femmes | 33 000 | 17 000 | 50 000 |
Total | 40 000 | 54 000 | 94 000 |
Remarque : Les chiffres sont arrondis au millier, ce qui peut entraîner des différences dans les totaux.
Source : calculs de l’auteur, OFS/Espa (2012 et 2015 au deuxième trimestre) / La Vie économique
Comme le montrent les données ventilées par sexe, la participation au marché du travail a augmenté exclusivement chez les femmes. Outre le meilleur niveau de qualification, les efforts consentis pour mieux concilier les vies professionnelle et familiale ont certainement joué un rôle primordial chez les femmes âgées de 25 à 54 ans. Pour celles de 55 ans et plus, un meilleur niveau de qualification et de fortes incitations à rester actives ont joué permis d’augmenter leur participation au marché du travail.
Pour les hommes, la participation au marché du travail a eu des répercussions légèrement négatives sur la population active (-3000). Des tendances divergentes sont constatées en fonction des tranches d’âge. Pour les hommes âgés de 25 à 54 ans, la légère hausse du travail à temps partiel a entraîné un recul de 10 000 équivalents plein temps. En revanche, pour ceux de 55 ans et plus, le taux d’emploi a augmenté de 7000 équivalents plein temps. Cela s’explique, entre autres, par une baisse du nombre de retraites anticipées et par le maintien en activité de plus en plus de personnes ayant atteint l’âge de la retraite.
L’immigration est un moteur
Ces cinq dernières années, la croissance de la population a entraîné une augmentation de la population active de 178 000 personnes. C’est le résultat d’une forte immigration, principalement chez les 25-54 ans. Par contre, chez les 55 ans et plus, la croissance de la population s’explique par le fait que l’on a affaire aux classes d’âge du « baby-boom ».
La croissance de la population et la participation au marché du travail différent selon les sexes. Alors que, chez les hommes, la population active a augmenté de 116 000 équivalents plein temps entre 2010 et 2015, chez les femmes, la hausse a été de 63 000 seulement. La raison en est que les hommes connaissent un taux d’emploi plus élevé que les femmes. En 2015, ce taux en équivalents plein temps s’élevait à 92 % chez les hommes et à 61 % chez les femmes de 25 à 64 ans..
Une chance pour les branches employant beaucoup de femmes
Comme l’atteste l’augmentation de l’activité professionnelle des femmes ces cinq dernières années, une meilleure participation au marché du travail permet d’atténuer le manque de main-d’œuvre qualifiée, surtout dans des professions majoritairement exercées par des femmes. Pour les années à venir, cela représente une chance pour les domaines de la formation et de la santé, où les femmes sont nombreuses.
Dans les professions principalement exercées par des hommes, comme l’ingénierie ou l’informatique, on met en avant d’autres moyens (formation supplémentaire, recrutement de collaborateurs d’une autre branche ou à l’étranger). S’agissant de la participation au marché du travail, le potentiel que représentent les hommes de 55 ans et plus a été mieux exploité ces dernières années[1].
Apport de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié
Les mesures ciblées sur la situation de la main-d’œuvre qualifiée dans une profession ou dans une branche sont possibles si elles sont le fait des entreprises concernées ou des associations professionnelles et économiques. En général, celles-ci disposent des informations nécessaires concernant la demande en personnel qualifié et sont les mieux à même de savoir quelles mesures permettront à leur branche d’acquérir de la main-d’œuvre supplémentaire. En outre, elles ont un grand intérêt économique à atténuer le manque de personnel qualifié.
L’État peut améliorer les conditions, par exemple pour l’accueil extrafamilial des enfants, en ménageant un cadre approprié et des incitations, de manière à ce que les travailleurs qualifiés se mettent à la disposition du marché du travail. Les professions ayant grandement besoin de personnel qualifié bénéficient de cette main-d’œuvre supplémentaire, sans que l’État doive activement procéder à une sélection.
Comme nous venons de le montrer, la participation au marché du travail peut encore s’accroître en Suisse, même si elle est déjà élevée. En cas d’évolution économique favorable, une hausse de la même ampleur est envisageable pour les prochaines années, si un consensus est trouvé sur la manière de renforcer les incitations à l’activité professionnelle.
Les mesures mises en place dans le cadre de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié devraient consolider ponctuellement cette tendance à la hausse. Elles complètent les orientations prises en matière de politiques du marché du travail, de la formation et de la croissance.
- Bernhard Weber, « La situation des travailleurs âgés est bonne », La Vie économique, 7-2015. []
Proposition de citation: Weber, Bernhard (2016). La population active en Suisse s’accroît grâce aux femmes. La Vie économique, 22. septembre.