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Comment abolit-on des lois inefficaces ?

La décision a fait l’effet d’une petite bombe dans les médias : durant sa session d’automne, le Parlement fédéral a supprimé l’obligation de suivre des cours pour les détenteurs de chiens. Il a ainsi aboli la « réglementation canine » qui avait été introduite huit ans plus tôt dans un climat émotionnel afin de réduire le risque de morsures. Un rapport d’évaluation a montré récemment que l’efficacité objective de cette mesure ne pouvait pas être prouvée.

Dans La Vie économique, nous avons déjà largement évoqué la densification croissante de la réglementation. En revanche, l’opinion publique sait peu de choses sur la manière dont les textes existant sont abolis : comment procède-t-on concrètement pour abroger des lois devenues inutiles ? Suffit-il d’un simple coup de crayon ou est-ce plus complexe que cela d’alléger la bureaucratie ?

Au Secrétariat d’État à l’économie (Seco), nous connaissons bien ces questions. L’ancienne assurance étatique contre le risque d’investissement a ainsi dû être abolie. La constitution de réserves de crise ou la promotion de sociétés de capital-risque sont également des réglementations héritées d’une ancienne politique conjoncturelle. À la suite d’une initiative parlementaire, la Confédération a entrepris il y a une dizaine d’années de dépoussiérer le droit fédéral, en se basant sur des exemples cantonaux. En 2007, le Conseil fédéral a présenté au Parlement un projet particulièrement intéressant qui vise à abroger totalement 31 actes juridiques et à supprimer des dispositions obsolètes dans 55 autres actes. Les deux Chambres l’ont approuvé à l’unanimité.

Des lois poussiéreuses ont moins d’attrait pour les politiciens


Cela ne veut pas dire que l’abrogation de lois soit simple. Au contraire, elle se heurte généralement à une résistance politique. En raison de l’intérêt qu’elles présentent pour certains groupes d’intérêts. Les éducateurs canins, par exemple, n’ont pas du tout apprécié la suppression des cours obligatoires. En outre, l’élagage de réglementations existantes offre aux politiciens moins d’occasions de se profiter que le renouvellement de lois ou de programmes d’action. À noter enfin qu’en comparaison avec les pays étrangers, peu d’initiatives sont prises en Suisse pour alléger la charge administrative inutile pesant sur les citoyens – et pas uniquement sur les PME.

Sur le plan formel, la procédure d’abrogation n’est pas non plus une sinécure. Il convient de respecter la hiérarchie des normes juridiques. En d’autres termes, seule une nouvelle loi fédérale peut supprimer ou modifier une loi fédérale antérieure. Le Conseil fédéral doit donc soumettre au Parlement un message et une loi d’abrogation. Les deux Chambres doivent ensuite débattre de ce projet et prendre une décision, selon le processus habituel. La suppression d’ordonnances est un peu plus simple : le Conseil fédéral peut abroger ces textes lui-même.

Comme on le voit, il n’est pas plus facile d’éliminer une réglementation ancrée dans la législation que d’en créer une nouvelle. On peut donc se demander si on incite correctement au systématisme juridictionnel. À vrai dire, le législateur pourrait déjà simplifier considérablement les choses : il a la possibilité de limiter la validité des lois et des ordonnances si celles-ci ne doivent s’attaquer que temporairement à des problèmes émergents ou si l’impact de la réglementation est incertain. Il est surprenant que le Parlement n’utilise pas plus régulièrement cette marge de manœuvre.

Proposition de citation: Eric Scheidegger (2016). Comment abolit-on des lois inefficaces . La Vie économique, 21 décembre.