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Quels facteurs influent sur la réinsertion des chômeurs ?

Plus le chômage dure, plus il est difficile de retrouver un emploi Les personnes d’un certain âge et celles ne disposant pas de diplôme professionnel présentent un risque particulièrement élevé de rester au chômage.
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L'imprimerie est fortement touchée par les mutations structurelles. En termes d'emplois, son importance a beaucoup baissé.

C’est un cercle vicieux : les demandeurs d’emploi qui essuient des refus à répétition perdent l’estime d’eux-mêmes et se démotivent. La perspective d’un nouvel emploi s’estompe, tandis que leur savoir professionnel s’amenuise. Sur mandat du Secrétariat d’État à l’économie (Seco), la Haute école spécialisée bernoise a réalisé une étude[1] sur la réinsertion professionnelle après le chômage. Durant cinq années, elle a analysé à quelle fréquence et pendant combien de temps les personnes tombées au chômage en 2005 percevaient des prestations sociales – indemnité de chômage (IC) ou aide sociale. Elle a évalué la qualité de leur réinsertion dans la vie active. La réinsertion professionnelle des personnes concernées a été examinée deux ans et demi après qu’elles ont perçu leur première indemnité de chômage : c’est à ce moment-là au plus tard que la fin de droit aux indemnités journalières survient.

Ces personnes ont été suivies tous les mois, afin de savoir si elles exerçaient une activité professionnelle et si leurs revenus dépassaient 2500 francs. Ce montant a été choisi comme seuil, sachant qu’il représente à peu près le minimum vital nécessaire à un ménage d’une personne. Les données à disposition ne permettent néanmoins pas de savoir pourquoi le seuil n’était pas atteint (par exemple en raison d’un salaire trop bas ou d’une activité à temps partiel seulement). Le revenu ne reflète guère non plus la situation économique effective du ménage, car le revenu d’autres membres ou des revenus parallèles comme ceux provenant de la fortune ne sont pas pris en considération.

L’intégration durable est seulement partielle


Cinq types de réinsertion dans la vie active ont été définis en fonction de la durée d’activité et du montant du revenu perçu (voir Illustration 1). Ils vont de la « Réinsertion professionnelle durable » à « Aucune activité professionnelle ».

Ill. 1. Types de parcours suivis par les nouveaux bénéficiaires d’allocations de chômage en 2005




Remarque : durée d’observation du 31e au 60e mois dès la première perception de l’IC. Population observée : nouveaux bénéficiaires de l’IC en 2005, N=141 450.

Source : Ofas, base de données AS-AI-AC 2005 à 2013 ; calculs de la Haute école spécialisée bernoise, Travail social / La Vie économique

De toutes les personnes tombées au chômage en 2005, neuf sur dix ont au moins temporairement retrouvé une activité durant la période comprise entre le 31e et le 60e mois suivant la première perception de l’indemnité de chômage. Elles ont perçu un revenu de plus de 2500 francs durant environ les trois quarts de cette période. Des interruptions d’activité de plus de quatre mois ont été constatées chez une personne sur cinq.

Deux ans et demi plus tard, une bonne moitié des personnes tombées au chômage en 2005 avaient durablement réintégré le monde du travail. Ces individus n’ont guère connu d’interruptions d’activité ou de phases sans revenu professionnel ni prestations sociales. La réinsertion partielle a concerné 14 % des personnes analysées. En moyenne, un revenu de plus de 2500 francs leur a été versé durant 60 % de la période observée. Dans le même temps, elles ont été relativement souvent concernées par des interruptions d’activité de plus de quatre mois ou des périodes de chômage partiel. Ces anciens chômeurs sont considérés comme réinsérés dans le marché du travail, bien que leurs statuts d’activité soient moins stables que ceux du groupe « Réinsertion professionnelle durable ».

Le groupe « Réinsertion professionnelle n’assurant pas le minimum vital » représente 17 % des personnes analysées. Bien qu’actives, leur revenu ne suffisait pas pour couvrir les besoins vitaux d’un adulte. Ces personnes étaient donc tributaires du revenu d’un autre membre du ménage ou bénéficiaient de prestations sociales.

Les personnes restantes exerçaient une activité minimale (5 %) ou se sont retirées du marché du travail (11 %). Il n’est pas clairement établi si elles ont renoncé délibérément à une activité pour, par exemple, s’occuper de leurs enfants ou d’autres membres de la famille, pour suivre une formation, ou parce qu’elles ont simplement quitté la Suisse. Il conviendrait d’examiner plus précisément les motifs des personnes qui se sont retirées du marché du travail, tels que le manque de perspectives ou des soucis de santé.

Les risques augmentent chez les travailleurs âgés


Quels groupes de la population risquent-ils fortement de voir leur réinsertion dans la vie active menacée et de courte durée ? Afin de répondre à cette question, l’étude a privilégié un modèle qui prend simultanément en compte tous les facteurs d’influence. Outre les caractéristiques sociodémographiques et socioprofessionnelles des individus, il intègre celles qui concernent l’environnement économique (activité dans un métier à risque, taux de chômage régionaux). L’étude a également tenu compte des mesures prises par les offices régionaux de placement (ORP) et des indications relatives à l’historique de perception des prestations sociales (p. ex. : la durée de la perception de l’IC, le recours à l’aide sociale, le nombre de période IC). La réinsertion professionnelle a été examinée dans une période comprise entre le 49e et le 96e mois suivant 2005 et le début de la perception de l’IC (voir illustrations 2 et 3).

 

Source : base de données AS-AI-AC 2005 à 2013 ; AVS-CI 2003/2004 ; calculs de la Haute école spécialisée bernoise, Travail social / La Vie économique

Selon les estimations modélisées, les jeunes adultes se réinsèrent souvent de manière durable ou partielle dans le marché du travail ; c’est nettement moins le cas pour les personnes âgées de 45 ans ou plus. La part de mois en activité chez les 18 à 24 ans est plus élevée de 5 % que chez les 25 à 44 ans. Chez les personnes de 55 ans et plus, cette part est un cinquième inférieure à celle du groupe de référence.

Les parcours professionnels après une période de chômage se distinguent nettement selon le sexe. D’après les estimations modèles, la part de mois en activité, pour un revenu supérieur à 2500 francs, est de 10 % inférieure pour les femmes par rapport aux hommes. Aujourd’hui comme hier, en raison d’une répartition souvent classique des rôles familiaux, les femmes mariées avec enfants sont moins bien réinsérées professionnellement après une période de chômage, ou travaillent seulement à un taux d’activité réduit.

La garde des enfants s’avère avoir une influence particulière sur la réinsertion professionnelle. Il est ainsi établi que l’obligation d’entretien des enfants conduit à une baisse de 6 % de la part de mois d’activité des femmes, tandis que les hommes dans la même situation voient leur réinsertion professionnelle renforcée suite à une phase de chômage. Dans l’absolu, l’effet positif de l’obligation d’entretien des enfants réside vraisemblablement aussi dans le fait qu’elle exerce une incitation supplémentaire à se réinsérer dans la vie active.

L’apprentissage professionnel comme garantie à l’emploi


De nettes différences sont à constater selon la nationalité. Suite à une phase de chômage, les personnes provenant d’Europe du Nord et de l’Ouest enregistrent en Suisse en moyenne près de 9 % de mois en activité en moins. Ce résultat démontre que nombre de ces personnes rentrent dans leur pays après le chômage.

Les personnes venant des pays situés à l’ouest de l’UE ou en dehors de l’Europe sont relativement mal intégrées dans le système de l’emploi. Si l’on considère cependant, outre la nationalité, les caractéristiques socioprofessionnelles, les différences avec les citoyens suisses ne sont alors plus si grandes. Les perspectives plus réduites de trouver un emploi pour ces groupes d’individus s’expliquent donc surtout par des motifs tels qu’une moins bonne intégration professionnelle. Elles ne dépendent pas directement de la nationalité.

La formation joue un rôle clé dans la réinsertion durable. Les chômeurs sans formation professionnelle ont ainsi des perspectives fortement réduites (voir illustration 3). Il est néanmoins important de savoir si ces personnes ont été formées à des professions menacées par les mutations structurelles. Du fait de l’évolution économique, certains formateurs, comme les typographes, ont disparu ou la demande pour certaines professions (imprimeur, graphiste) a nettement baissé. Certains diplômes professionnels ont ainsi perdu de leur valeur à cause des mutations structurelles. Le type de branche a également une grande influence sur la réinsertion : les personnes qui travaillent dans des domaines structurellement faibles, tels que l’agriculture, la sylviculture ou l’hôtellerie, ont nettement plus de mal à trouver un emploi que les travailleurs de la santé ou de l’informatique.

L’évolution de la perception des prestations sociales dès la période de chômage a également une influence sur la réinsertion dans le marché du travail. Plus il est perçu d’IC pendant les quatre premières années suivant le chômage, plus les chances d’intégration se détériorent. Cela illustre l’importance d’éviter et de lutter contre le chômage de longue durée. Percevoir l’aide sociale durant ces premiers quatre ans a un effet négatif particulièrement marqué. La part de mois d’activité avec un revenu supérieur à 2500 francs chez les personnes ayant perçu l’aide sociale est 20 % inférieure à celle des personnes n’en ayant pas bénéficié.

Mesures spécifiques aux groupes cibles


Pourquoi les personnes tombées au chômage perdent-elles leur employabilité ? Pourquoi restent-elles au chômage pendant une longue période et ne peuvent-elles se réinsérer que provisoirement ou dans des conditions de travail précaires ? Le déroulement de la première phase du chômage est déterminant pour une réinsertion professionnelle durable. Les personnes traversant de longues phases de chômage ont des perspectives de réinsertion ostensiblement moins bonnes que celles dont les phases sont plus courtes.

Les personnes sans formation professionnelle et les travailleurs âgés présentent un risque particulièrement élevé de ne plus être totalement réinsérés dans le marché du travail après une période de chômage. C’est pourquoi il est important de recourir à des mesures ciblées dès le début d’une phase de chômage, afin d’optimiser l’efficacité des efforts de réinsertion. Développer des mesures efficaces orientées sur les groupes cibles représente un grand défi. La réinsertion professionnelle des femmes ayant des responsabilités familiales notamment présente un potentiel d’amélioration. Des offres attrayantes et flexibles (p. ex. en dehors des heures de bureau) pourraient sensiblement améliorer leurs chances de retrouver une vie active.

Deux mesures obtiennent des résultats fortement positifs : le gain intermédiaire et la reconversion professionnelle améliorent les chances de se réinsérer durablement dans la vie active. Le suivi de programmes d’emploi, en revanche, se révèle avoir un impact légèrement négatif. Ceci s’explique vraisemblablement par de mauvais choix au niveau des programmes ou par un effet de stigmatisation des participants lors de leurs recherches ultérieures d’emploi.

  1. Fluder Robert, Salzgeber Renate, Fritschi Tobias et Von Guten Luzius, Berufliche Integration von arbeitslosen Personen, rapport final mandaté par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), 2016. []

Proposition de citation: Fluder, Robert; Salzgeber, Renate; Fritschi, Tobias (2017). Quels facteurs influent sur la réinsertion des chômeurs ? La Vie économique, 23. février.