Y a-t-il un « effet Trump » dans les rapports avec les entreprises exportatrices suisses ?
Nous ne constatons pas de changement en ce moment. Nous continuons de recevoir beaucoup de demandes concernant les États-Unis et son marché. Sur ce point, l’élection de Donald Trump n’a rien changé. Certaines entreprises peuvent même être davantage enclines à y implanter une filiale, qui leur ouvrirait le marché.
Les entreprises se plaignent-elles d’un protectionnisme croissant au niveau mondial ?
La grande majorité des PME suisses ne sont pas affectées par le renforcement ou la mise en place de mesures protectionnistes. Elles n’ont aucune appréhension pour l’avenir non plus. Cela a été clairement démontré par une étude que nous avons publiée le mois dernier avec le Credit Suisse. Dans la pratique, rien ne semble encore confirmer une progression du protectionnisme.
C’est étonnant, car l’OMC a publié à la mi-2016 un rapport montrant que les restrictions commerciales mises en place par les pays du G20 ont augmenté de façon disproportionnée.
Les restrictions au commerce ont toujours été un enjeu pour les branches exportatrices. Une entreprise isolée peut, toutefois, ne pas prendre un changement pour un acte protectionniste. Étant active sur certains marchés seulement, elle n’a pas une vue d’ensemble de l’économie.
Quelles sont les préoccupations des entreprises qui s’adressent à votre département « Export Help » ?
La plupart des questions concernent les accords de libre-échange (par la suite ALE). On nous interroge, par ailleurs, souvent sur la TVA et les formalités douanières. En bref, les entreprises veulent savoir ce qu’elles doivent faire pour exporter un produit.
Sont-ce plutôt des grandes entreprises ou des PME qui vous demandent conseil ?
Presque toutes les questions émanent de PME. Les grandes entreprises, comme Novartis, Roche ou Nestlé, disposent de leur propre expertise en la matière.
Les ALE constituent un pan essentiel de notre politique économique extérieure. L’intérêt que leur portent les entreprises s’accroît-il au fur et à mesure que le Conseil fédéral en conclut de nouveaux ?
L’intérêt des entreprises est déjà grand, car la Suisse fait partie des pays qui ont le plus conclu d’ALE. En principe, les sociétés examinent tous ceux qui entre en vigueur pour savoir si elles vont l’utiliser. L’accord avec la Chine, qui a déjà trois ans d’existence, en est un bon exemple. Quelques entreprises attendent sciemment avant de l’appliquer, car certains produits sont soumis à des délais de transition. Cela signifie que les droits de douane sont démantelés progressivement après l’entrée en vigueur du traité. Tous les allégements convenus seront effectifs en 2028. Selon les cas, l’utilisation de l’accord n’est peut-être rentable pour une entreprise qu’après deux ou trois ans. Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour juger ce que cet ALE a apporté à l’économie.
Quel genre de questions vous pose par exemple un fabricant de machines ?
Il veut savoir si son produit est couvert par un ALE, à combien se montent les droits de douane économisées, quelles preuves il doit fournir et quelles sont les règles d’origine. Un point est toujours important : l’utilisation des accords est volontaire. Inversement, celui qui y recourt et obtient par ce biais des réductions tarifaires doit respecter les règles du jeu.
En clair, cela signifie qu’il doit fournir un certificat d’origine pour le produit concerné ?
Exactement. Les règles d’origine précisent, par exemple, la proportion de valeur ajoutée du produit final qui doit être réalisée dans le pays d’une partie contractante. Elles prescrivent, par exemple, les limites dans lesquelles les intrants sont transformés. En outre, les règles d’origine devraient empêcher que des marchandises provenant d’un pays tiers obtiennent un traitement préférentiel. Elles définissent à quelles conditions un produit peut bénéficier d’une franchise douanière ou d’un tarif préférentiel.
Pouvez-vous donner un exemple ?
Voyez ce stylo. Exporté en Chine, il peut bénéficier d’une franchise douanière ou de droits de douane réduits s’il est assemblé en Suisse. Dans le jardon, on parle de « critère de valeur » ou de « saut tarifaire ». De telles règles d’origine varient d’un ALE à l’autre.
Si l’on conçoit les règles d’origine de manière trop restrictive, cela revient-il à ériger une nouvelle barrière commerciale ?
Non. Comme je l’ai dit, l’application de l’accord est toujours volontaire. En outre, les règles sont généralement conçues de manière libérale et favorable à l’économie. L’accord avec la Chine énonce un critère de valeur pour de nombreux produits. Dans le cas d’une machine à café fabriquée en Suisse, par exemple, 50 % des matériaux peuvent provenir d’un pays tiers. Pendant les négociations d’un nouvel ALE, le Secrétariat d’État à l’économie, office compétent en la matière, s’entretient régulièrement avec les associations professionnelles. Certains groupes de produits peuvent être sciemment exclus de l’accord si les parties prenantes aux négociations le souhaitent. Ce sont des décisions politiques prises par les pays participants.
Peut-on introduire ces produits rétroactivement dans un ALE ?
Oui, c’est tout à fait possible, mais pas du jour au lendemain. Cela exige de nouvelles négociations.
Vous dites que les règles d’origine pour un même produit peuvent varier d’un ALE à l’autre. Il doit donc souvent arriver que les frais administratifs dépassent les droits de douane économisés.
Cela dépend. Une fois que les processus sont rodés, tout fonctionne souvent sans occasionner de grands frais. Malgré tout, chaque entreprise doit calculer si l’accord lui est utile. En effet, si elle ne respecte pas les règles d’origine et qu’un contrôle l’établit, elle se verra infliger une amende. En utilisant l’ALE, l’entreprise obtient des réductions ou une exonération des droits de douane. L’autorité douanière y regarde de très près, car des recettes potentielles peuvent lui échapper.
L’Administration fédérale des douanes intervient donc lorsqu’une entreprise exportatrice suisse fournit des indications d’origine lacunaires ?
L’autorité douanière étrangère peut, par exemple, adresser une requête aux douanes suisses, lesquelles vérifient sur cette base l’origine du produit.
Aidez-vous les PME à prendre une décision pour ou contre les ALE ?
C’est à elles que revient la décision finale. Nous soutenons les entreprises en leur montrant comment économiser des droits de douane. Étant donné que nous ne connaissons pas la structure de leurs coûts, chacune d’elles doit faire ses propres calculs. De nombreuses requêtes concernent les règles d’origine : les entreprises veulent être sûres d’avoir bien compris tel ou tel critère. Malheureusement, il n’y a pas de réponse type. On doit juger chaque produit séparément.
Comment prouve-t-on qu’un produit remplit les critères d’origine ?
On présente par exemple un « certificat de circulation des marchandises ».
Cette attestation figure-t-elle dans le bulletin de livraison?
Presque tous les accords admettent que, jusqu’à une certaine valeur préétablie, l’on peut inscrire une « déclaration d’origine » sur la facture. Le certificat de circulation des marchandises, en revanche, est un document séparé.
Les ALE procurent-ils d’autres avantages que des économies en matière de droits de douane ?
Prenons l’ALE avec la Chine. Il offre à la Suisse un avantage concurrentiel temporaire sur l’UE, qui ne dispose pas encore d’un tel outil. Un accord permet aussi d’importer des intrants couverts par un ALE et de profiter ainsi de préférences tarifaires. Enfin, les nouveaux accords ne règlent pas seulement le trafic des marchandises, mais également des aspects comme la propriété intellectuelle, le commerce des services, les marchés publics et les normes techniques.
À quels obstacles se heurtent les entreprises qui utilisent les ALE ?
Le premier se trouve au sein même de l’entreprise : le responsable des exportations doit avoir l’appui de sa direction. Il est, par exemple, utile d’ancrer les ALE dans la stratégie de la firme. Un deuxième obstacle réside dans le savoir-faire nécessaire, en particulier la gestion professionnelle des règles d’origine. L’achat et la vente doivent être harmonisés, car tout nouveau fournisseur ou autre source d’approvisionnement influe potentiellement sur l’origine. Si les pièces détachées ne sont plus achetées en Allemagne, mais à Taïwan, il est possible que le produit ne remplisse plus les exigences.
Vous avez évoqué les obstacles non tarifaires au commerce. Quel rôle jouent, dans les accords, des entraves telles que les restrictions quantitatives, les subventions et les normes techniques ?
Traditionnellement, les ALE contribuent surtout à lever ou à réduire les barrières tarifaires. Toutefois, un nombre croissant d’entre eux, les plus récents en particulier, prévoient, par exemple, la reconnaissance mutuelle de déclarations de conformité ou de certifications. Or, cela ne suffit jamais à couvrir l’ensemble des réglementations du partenaire commercial. Malgré les ALE, de nombreuses entreprises s’étonnent donc de devoir encore présenter un certificat pour accéder au marché chinois. Le terme de « libre-échange » est peut-être trompeur, car tout ne s’échange pas librement.
Pour un exportateur suisse, il serait toutefois utile que la Chine reconnaisse par exemple le contrôle des produits effectué par la Suva.
Certainement, mais les ALE portent en premier lieu sur l’abolition ou la réduction des tarifs douaniers.
Conseillez-vous également les entreprises en matière d’obstacles non tarifaires au commerce ?
Bien entendu. Dans tous les pays importants, nous collaborons avec des experts qui peuvent conseiller les firmes suisses sur diverses questions réglementaires.
Les formalités douanières datent d’avant la numérisation. D’autre part, les processus de production se complexifient sans arrêt. Les marchandises franchissent plusieurs fois la frontière avant d’être mises en vente. Des formalités douanières obsolètes constituent-elles un autre obstacle ?
Je ne peux le confirmer que partiellement. En fait, il y a toujours le cas classique du chauffeur de camion qui arrive à la douane en tenant les papiers à la main. Parallèlement, la numérisation a atteint un stade très avancé. Les livraisons font déjà l’objet d’un contrôle électronique avant la frontière. L’autorité douanière sait exactement quel camion franchira la frontière suisse avec quelle marchandise. Quant à l’exportateur, il est informé dès l’annonce électronique si son chargement sera contrôlé, lors du franchissement de la frontière. Vous avez cependant raison sur un point : l’ALE avec l’UE date de 1972. Les règles d’origine négociées à l’époque ne sont plus d’actualité. Par chance, plusieurs révisions ont eu lieu depuis lors.
Les entreprises profitent-elles de la numérisation des procédures douanières ?
Oui, bien sûr. Elles ne sont ainsi plus tributaires des heures d’ouverture de la douane. En même temps, les entreprises seraient bien avisées de se saisir de la question dès maintenant, car la numérisation des procédures de dédouanement va se poursuivre.