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La formation, un investissement rentable ?

Des calculs récents montrent que les investissements dans la formation débouchent sur un avantage salarial global de plus de 8 %. Les formations du degré tertiaire sont les plus rentables.
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Plus tard, mes efforts d'apprentissage seront-ils récompensés ? Voilà une question que de nombreux jeunes se posent lors du choix des études.

Rares sont ceux qui choisissent de se former dans la seule perspective d’augmenter leurs revenus. Les rendements effectifs ou attendus de la formation demeurent toutefois des indicateurs importants, tant pour les candidats à la formation que pour les institutions et organisations actives dans ce domaine. Les personnes choisissant de se former y consacrent du temps, de l’argent et de l’énergie. Elles espèrent en retirer un bénéfice, qu’il soit financier ou non. Au cas, toutefois, où le rendement financier des formations diminuerait, alors même que les autres types de bénéfices attendus restent identiques, il y a lieu de s’attendre à une diminution des candidatures. De récents travaux de recherche montrent également que ces prédictions théoriques se vérifient par des constats empiriques[1]. Il importe donc que la rentabilité des formations fasse l’objet d’informations fiables et susceptibles d’être interprétées efficacement, afin d’éviter que des décisions en la matière ne soient prises sur la base de fausses attentes[2].

Compétences ou formation ?                                               


Les rendements évoqués mesurent la rentabilité des formations de base ou continues. Ils peuvent se calculer de différentes façons, la méthode la plus simple étant celle de la « rente de Mincer », du nom de l’économiste américain Jacob Mincer. Il s’agit de calculer, pour l’ensemble de la vie, l’avantage salarial dont bénéficient les personnes ayant effectué une formation supérieure sur celles dont le niveau est inférieur. Comme toutes les méthodes de calcul en ce domaine, la rente de Mincer amène généralement à surestimer l’effet de la formation sur les salaires. En effet, les personnes formées n’avaient déjà pas les mêmes compétences que les autres avant d’entamer des études. Bien que les rendements de la formation fassent l’objet de calculs depuis plus de cinquante ans, aucune méthode générale ne permet de corriger de façon simple et convaincante cet écart de compétences dans les avantages salariaux.

Ce biais ne doit, cependant, pas être sous-estimé. Comme le montrent des études consacrées à des jumeaux, l’effet causal de la formation sur le revenu est inférieur de 30 à 50 % au rendement non corrigé. De nouvelles études prennent en compte l’influence sur les salaires de compétences mesurées de façon empirique plutôt que celle des diplômes et des années de formation. Elles indiquent que les différences de compétences ont une forte influence sur les salaires[3]. Par ailleurs, dans la mesure où le système éducatif transmet effectivement des compétences recherchées sur le marché du travail et ne se résume pas à un processus de sélection, il apporte effectivement – et de façon causale – une plus-value tant pour les individus que pour l’économie en général. Par ailleurs, il faut prendre en compte le fait que la rente de Mincer peut aussi conduire à sous-estimer le rendement financier des formations. C’est le cas en particulier lorsque l’absence de tout bagage professionnel conduit à des taux de chômage élevés, ce qui est de plus en plus fréquent, même en Suisse.

Conjoncture et risques


Si l’on considère les avantages salariaux qu’une année de formation supplémentaire permet d’obtenir en Suisse, deux tendances tributaires de la conjoncture se dessinent au fil du temps. Durant les cycles prolongés de reprise de l’économie, les rendements de la formation chutent pour les revenus médians, en raison d’une augmentation des revenus des personnes les moins formées. En même temps, la variance des salaires augmente chez les personnes au bénéfice d’une bonne formation. Les meilleurs profils profitent plus de la croissance que les personnes dont la formation est équivalente, mais qui rencontrent moins de succès sur le marché du travail. Il en résulte une augmentation du rapport calculé sur la base des rentes des 9e et 1er déciles (voir illustration 1).

Selon les calculs les plus récents, pour les personnes percevant un revenu médian, on constate que sur le marché suisse du travail, une année de formation supplémentaire permet une augmentation salariale de plus de 8 %. Le rendement de la formation est, par ailleurs, d’autant plus élevé que l’on se situe haut dans la répartition des salaires pour une formation donnée. Les rentes de la formation perçues par les 10 % les mieux rémunérés au sein de chaque niveau de formation sont aujourd’hui environ une fois et demie plus élevées que celles des 10 % gagnant le moins.

Ill. 1. Rendement de la formation pour le revenu médian et rapport des rendements de la formation des déciles 9 et 1 (1993–2016)




Source : Espa, calculs des auteurs / La Vie économique

Bien évidemment, les candidats à la formation ne s’intéressent pas en premier lieu à la plus-value financière que chaque année d’étude moyenne peut leur apporter. Ils souhaitent plutôt connaître les avantages qu’une certaine formation peut leur procurer. Si l’on calcule les rendements d’une année de formation supplémentaire séparément pour chaque filière, les bénéfices semblent légèrement supérieurs pour les formations de type tertiaire par rapport à celles du niveau secondaire II (voir illustration 2). Cette différence doit toutefois être interprétée avec prudence au vu de la sélection opérée pour l’accès au cycle tertiaire. Il en va de même pour les petites différences de rendements au sein des différents types de formations (voir encadré 1). Par ailleurs, il y a lieu de prendre en compte le fait que les différentes formations n’ont pas toutes le même coût, ce dernier n’étant pas encore déduit dans le calcul des avantages salariaux[4].

Ill. 2. Avantages salariaux par année de formation, par filière et par sexe (2016)




Remarque : les rentes prises en compte dans ce graphique ne sont pas directement comparables à celles de l’illustration 1, dans la mesure où elles ont été calculées sur la base du revenu moyen ; celui-ci se distingue du revenu médian pris en compte dans l’illustration 1.

Source : Espa, calculs des auteurs / La Vie économique

Bénéfice pour la société


Au vu des avantages salariaux auxquels ils peuvent s’attendre, les candidats à la formation ont de bonnes chances de pouvoir en compenser les coûts et, en particulier, leur manque à gagner durant la période d’études. Il importe toutefois de déterminer si la société, qui supporte l’essentiel des coûts de la formation, peut également en profiter. Sur ce point, les différents calculs montrent que c’est le cas pour l’État, les personnes au bénéfice d’une formation payant généralement plus d’impôts et dépendant moins des transferts sociaux. Ce rendement fiscal dépend, cependant, fortement du comportement des personnes formées sur le marché du travail et n’est ainsi pas toujours garanti.

Le rendement fiscal de la formation[5] vise à déterminer si le surcroît de recettes fiscales provenant des augmentations de revenus dues à la formation suffit à couvrir les dépenses de l’État en faveur de cette dernière. Le taux d’activité des personnes formées a une influence beaucoup plus forte sur cet indicateur que sur les rendements privés. Pour ces derniers, le calcul est généralement basé sur un taux d’activité de 100 %. Un changement de ce taux n’est toutefois pas de nature à influencer considérablement l’interprétation du rendement. On peut admettre en effet que, si une personne réduit volontairement son taux d’activité, le temps de loisirs ainsi gagné lui procure un avantage au moins équivalent au gain auquel elle renonce. Du point de vue du rendement fiscal en revanche, les recettes de l’État diminuent automatiquement en cas de réduction du taux d’activité, mais les coûts de la formation qu’il finance demeurent à un niveau élevé. Par ailleurs, le rendement fiscal de la formation n’est pas uniquement réduit lorsque les personnes les mieux formées diminuent leur temps de travail, mais, de façon générale, lorsque tout un chacun fait de même, indépendamment de son niveau de formation. En cas de diminution du taux d’activité, le différentiel absolu de revenu entre les personnes bénéficiant de formations de durées différentes se réduit et les recettes fiscales relatives baissent également (voir illustration 3).

Il va de soi que les taux d’imposition et leurs échelles de progression ont également un impact sur les recettes fiscales, raison pour laquelle les effets mesurés sont différents dans les trois villes examinées. Prenons comme référence une différence annuelle d’impôts d’environ 1750 francs, nécessaire pour couvrir les frais engagés par l’État afin de financer une formation moyenne de degré tertiaire. Il ressort des calculs effectués que le bilan devient déjà négatif pour l’État à Zoug lorsqu’une personne baisse son taux d’activité moyen à moins de 90 %. À Delémont, la rente fiscale est encore tout juste positive pour un taux d’activité de 70 %.

Ill. 3. Selon le canton et le taux d’activité, les formations tertiaires génèrent un bénéfice pour l’État




Remarque : le graphique montre la différence entre les recettes fiscales générées par une personne bénéficiant d’un diplôme de niveau tertiaire et une personne titulaire d’un diplôme de niveau secondaire II.

Source : Espa, calculs des auteurs / La Vie économique

Ill. 4. Avantages salariaux par année de formation, par filière et par sexe (2016)




Source : Espa, calculs des auteurs / La Vie économique

  1. Voir notamment Schweri et Hartog (2017). []
  2. Voir notamment Peter et Zambre (2017). []
  3. Voir Hanushek et al. (2015). []
  4. Pour les rendements de la formation professionnelle supérieure, voir Cattaneo et Wolter 2011. []
  5. Voir également Weber et Wolter (2005). []

Bibliographie

  • Cattaneo Maria A. et Wolter Stefan C., « Le bénéfice individuel d’une formation professionnelle supérieure », La Vie économique, n° 12, 2011, pp. 63-66.
  • Hanushek Eric, Schwerdt Guido, Wiederhold Simon et Woessmann Ludger, « Returns to Skills around the World : Evidence from PIAAC », European Economic Review, 73, 2015, pp. 103-130.
  • Peter Frauke H. et Zambre Vaishali, « Intended college enrollment and educational inequality : Do students lack information ? », Economics of Education Review, 60, 2017, pp. 125-141.
  • Schweri Juerg et Hartog Joop, « Do wage expectations predict college enrolment ? Evidence from healthcare », Journal of Economic Behavior & Organization, 141, 2017, pp. 135-150.
  • Wolter Stefan C. et Weber Bernhard A., « La rentabilité de la formation : un indicateur économique essentiel à l’enseignement », La Vie économique, n° 10, 2005, pp. 38-42.

Bibliographie

  • Cattaneo Maria A. et Wolter Stefan C., « Le bénéfice individuel d’une formation professionnelle supérieure », La Vie économique, n° 12, 2011, pp. 63-66.
  • Hanushek Eric, Schwerdt Guido, Wiederhold Simon et Woessmann Ludger, « Returns to Skills around the World : Evidence from PIAAC », European Economic Review, 73, 2015, pp. 103-130.
  • Peter Frauke H. et Zambre Vaishali, « Intended college enrollment and educational inequality : Do students lack information ? », Economics of Education Review, 60, 2017, pp. 125-141.
  • Schweri Juerg et Hartog Joop, « Do wage expectations predict college enrolment ? Evidence from healthcare », Journal of Economic Behavior & Organization, 141, 2017, pp. 135-150.
  • Wolter Stefan C. et Weber Bernhard A., « La rentabilité de la formation : un indicateur économique essentiel à l’enseignement », La Vie économique, n° 10, 2005, pp. 38-42.

Proposition de citation: Cattaneo, Maria A.; Wolter, Stefan C. (2018). La formation, un investissement rentable ? La Vie économique, 26. février.

Le gymnase est-il plus rentable que l’apprentissage ?

Les rendements des formations gymnasiales, supposés supérieurs à ceux de l’apprentissage (voir illustration 2), ont conduit récemment des chercheurs à conclure que la formation gymnasiale était plus rentable que l’apprentissage sur le marché du travail. Dans le cadre de l’interprétation de ces rendements, au-delà de la question mentionnée plus haut de la distorsion causée par la sélection, il y a lieu de prendre en compte un autre problème lié à la méthode de calcul : les statistiques ne contiennent pas d’indications sur les parcours individuels de formation, mais uniquement des informations sur le diplôme le plus élevé obtenu ; dès lors, les chercheurs doivent émettre des hypothèses sur la durée moyenne de la formation correspondant aux différents diplômes. Cette opération est relativement simple pour la plupart des cursus, sauf pour le gymnase. En effet, plus de la moitié des personnes pour lesquelles les statistiques indiquent que le certificat de maturité est leur diplôme le plus élevé ont entamé des études au sein d’une haute école sans les terminer. Or, si le rendement calculé pour les titulaires d’un certificat de maturité intègre le fait qu’une grande part de ces derniers ont investi deux ans supplémentaires dans la formation sans décrocher de diplôme, ledit rendement pour les hommes se réduit de presque 6 %  par année de gymnase à 3 % seulement (voir illustration 4). Si l’on ajoute pour toute la catégorie des titulaires d’un certificat de maturité gymnasiale une moyenne d’un an et demi de formation supplémentaire ne débouchant sur aucun diplôme, le rendement de cette filière est légèrement inférieur à celui de l’apprentissage. Autrement dit, pour le groupe très réduit des personnes dont le diplôme le plus élevé est un certificat de maturité gymnasiale, il n’y a aucune raison de conclure que leur formation générale est plus rentable qu’un apprentissage sur le marché du travail.