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Les droits de douane industriels freinent la croissance

Supprimer entièrement les droits de douane industriels en Suisse aurait un effet positif sur l’économie : le revenu annuel par habitant augmenterait de 40 francs.
Faut-il démanteler les droits de douane sur les matières premières et les produits semi-finis ? Vérification d'une crosse de hockey en fibre de carbone, fabriquée par Composites Busch, à Porrentruy.

Au cours des dernières décennies, le nombre de barrières au commerce international a peu à peu diminué. La Suisse a signé de nouveaux traités de libre-échange et les taxes douanières ainsi que les autres obstacles – non tarifaires – au commerce ont été massivement réduits. Le Conseil fédéral s’est, dès lors, demandé s’il ne faudrait pas supprimer complètement et de façon autonome – soit sans contrepartie de la part de ses partenaires commerciaux – les taxes douanières à l’importation subsistantes sur les produits industriels et a émis des propositions en ce sens[1]. Sur mandat du Secrétariat d’État à l’économie (Seco), la société Ecoplan, active dans le conseil et la recherche, a procédé à une simulation des conséquences d’une telle suppression. Elle a utilisé pour ce faire un modèle en équilibre général prenant en compte plusieurs pays et basé sur les théories économiques les plus récentes[2].

En Suisse, les droits de douane industriels sont globalement faibles ; leur effet protecteur l’est donc également. En 2016, ils s’élevaient à 480 millions de francs environ, ce qui correspond à une taxation moyenne de 0,32 % sur la valeur totale des importations concernées. Aujourd’hui, seuls 23 % des produits industriels importés font l’objet de taxes douanières.

Une suppression unilatérale de ces droits permettrait aux importateurs suisses, à l’Administration fédérale des douanes et aux exportateurs étrangers de réduire leurs frais administratifs. De telles économies interviennent surtout lorsqu’il n’est plus nécessaire de justifier la provenance des marchandises. À ce jour, les accords de libre-échange exigent un document allant en ce sens. Environ un tiers des produits industriels importés sont concernés. La valeur de ces marchandises, exemptées de taxes à l’importation sur présentation d’un certificat d’origine, qu’elles soient consommées en Suisse ou transformées et réexportées, s’élevait à 52 milliards de francs en 2016.

Selon la société de recherche et de conseil B,S,S., une suppression complète des taxes douanières sur les produits industriels permettrait aux importateurs, aux prestataires de services externes et à l’Administration fédérale des douanes d’économiser quelque 105 millions de francs par an[3]. Cela correspond à 0,2 % de la valeur totale des marchandises concernées. Le calcul ne prend pas en compte les économies qu’entraîne l’inutilité pour les exportateurs étrangers d’établir des certificats d’origine. Sur la base d’études antérieures et de la littérature scientifique internationale, on estime que la valeur des marchandises épargnée par les exportateurs pourrait atteindre 0,3 %. L’ensemble des économies possibles correspond ainsi à 0,5 % de la valeur des marchandises importées, soit 250 millions de francs par an.

Augmentation du PIB et du revenu


En cas de suppression de ces taxes douanières, la protection tarifaire disparaît et des importations meilleur marché peuvent partiellement évincer certains produits nationaux. Le prix des importations se réduisant, leur volume gonfle. Les exportations s’accroissent par ailleurs, étant donné d’une part la baisse du prix des intrants et d’autre part la hausse de la productivité. Le commerce extérieur augmente ainsi de près de 0,5 %.

La suppression unilatérale de toutes les taxes douanières dans le domaine de l’industrie a des conséquences positives – bien que modestes – sur l’économie : le produit intérieur brut (PIB) augmente de 0,13 % et le revenu annuel par habitant de quelque 40 francs. Le principal avantage de cette mesure ne proviendrait pas de la suppression des taxes en elle-même, mais de l’économie de travail administratif qui en résulterait ; les relations commerciales en seraient fluidifiées.

La suppression intégrale est la meilleure solution


Les solutions de remplacement à une suppression intégrale des taxes douanières sur les produits industriels ont peu de sens du point de vue économique : ni l’abolition des taxes les plus basses, ni la réduction des plus élevées n’ont le même degré d’utilité qu’une suppression complète. Il en va de même pour l’abrogation des taxes sur les matières premières et les produits semi-finis.

D’un point de vue macroéconomique, rien ne plaide en faveur d’une mise en œuvre échelonnée de cette mesure. Si elle devait avoir lieu en plusieurs étapes pour d’autres raisons – par exemple fiscales –, il faudrait éviter de passer par une réduction graduelle des différents tarifs douaniers. Une suppression progressive rationnelle des droits de douane pourrait prendre la forme d’une abrogation complète des taxes sur les matières premières et les produits semi-finis, suivie d’une suppression des taxes douanières modérées, puis du démantèlement de toutes les taxes restantes.

  1. Communiqué de presse, Le Conseil fédéral adopte des mesures pour lutter contre l’îlot de cherté, 20 décembre 2017. []
  2. Ecoplan, Volkswirtschaftliche Auswirkungen unilateraler Importerleichterungen der Schweiz, 2017. []
  3. Voir l’article de Harald Meier et Miriam Frey (B,S,S.) dans le présent numéro. []

Proposition de citation: André Müller ; Sarina Steinmann ; (2018). Les droits de douane industriels freinent la croissance. La Vie économique, 26 mars.