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Marketing réel : seuls les actes comptent

Marketing réel : seuls les actes comptent

Entrer ou non ? Le processus d'achat se décompose en de multiples petits pas. (Image: Alamy)

Vous envisagez peut-être d’acheter prochainement un nouveau smartphone ? Votre choix se fera-t-il en fonction de la marque, du design ou des fonctionnalités ? Certaines des offres relayées par la publicité vous tentent-elles ?

L’Institut de marketing de l’université de Saint-Gall étudie ces processus d’achat. Les études menées montrent clairement que dans notre société de consommation, si les clients s’intéressent à beaucoup de choses et souhaitent en acheter certaines, ils se montrent toutefois très peu actifs. Leurs projets d’achat restent souvent en friche, s’allongent, sont repoussés et s’interrompent…

Même pour les biens de consommation tels que les téléphones portables, les clients procèdent selon un processus d’une trentaine d’étapes pouvant s’interrompre à tout moment. Imaginez par exemple que depuis quelque temps, la batterie de votre téléphone donne des signes de faiblesse. Vous avez discuté sur les réseaux sociaux avec une connaissance qui se dit satisfaite de son appareil – fabriqué par un concurrent. Vous avez également lu sur Internet que la nouvelle version de votre téléphone prenait de meilleures photos. Aujourd’hui, vous êtes arrivé en avance à un rendez-vous. Il pleut et vous passez devant l’enseigne d’un prestataire de services télécoms, dans lequel un employé aimable et compétent vous avait conseillé l’an dernier. Il y a peu de monde dans le magasin. Vous entrez et vous êtes bien reçu.

De telles étapes sont décisives dans le processus d’achat. En d’autres termes, les conditions et les actes concrets ont au moins autant d’importance que la décision d’achat elle-même. La plupart du temps, les clients ne sont pas en mesure de dire pourquoi ils ont procédé à un achat. Ils se souviennent toutefois précisément des différentes étapes qui les y ont conduits.

La micro-analyse comportementale développée par l’agence de communication Marc Rutschmann en collaboration avec l’université de Saint-Gall prend en compte ce type de processus. Elle permet de relever de façon détaillée les différentes étapes du cheminement des clients, de les superposer, d’en faire une analyse quantitative, des représentations graphiques et de déterminer ainsi les moments clés du processus d’achat. D’autres méthodes, telles que la gestion analytique de la relation client, la fouille du web et des réseaux sociaux, ou l’observation et le traçage du mouvement des yeux permettent également de déterminer le « comportement réel » des clients.

La pensée seule ne suffit pas


Le marketing et la distribution n’ont qu’un but : inciter le client à acheter. La recherche montre que pour placer leurs produits, les entreprises doivent agir sur les étapes clés du processus d’achat. L’« élan » joue généralement un rôle moteur à ce stade. De nombreuses entreprises prennent par exemple soin de présenter leurs points de contact (en ligne ou hors ligne) de façon positive, sans que cela assure toutefois la continuation des processus.

Le fait que les actes des clients comptent plus que leurs pensées est un constat important. Ce sont en effet les achats et les expériences de nombreux clients qui rendent les marques fortes : le plus souvent, on agit d’abord, on pense ensuite ! Les résultats obtenus par la recherche comportementale et la neuroéconomie gagnent donc rapidement en importance dans le domaine du marketing. La distinction entre achats mineurs et importants n’est pas non plus déterminante dans la mesure où les seconds sont aussi préparés en plusieurs petites étapes mineures. Le fait qu’un produit « plaise » ne constitue par ailleurs pas véritablement une condition d’achat, les entreprises mettant aujourd’hui toute sorte de produits en scène, de la nourriture pour chien aux montres de luxe.

En conclusion, l’univers de divertissement et d’identification du marketing doit être remplacé par un monde d’action. Une telle approche permet une meilleure efficacité et par conséquent un certain degré de manipulation. À cela s’ajoute le fait que les clients n’ont pas non plus intérêt à ce que les entreprises gaspillent des ressources marketing. Ils préfèrent en outre souvent d’autres divertissements que la publicité. Les entreprises prenant au sérieux le processus d’achat du client tirent en revanche parti de son initiative et l’encouragent : chaque fois que le client sollicite l’entreprise, c’est un succès pour cette dernière, même lorsqu’il s’agit d’une réclamation.

Proposition de citation: Christian Belz (2018). Marketing réel : seuls les actes comptent. La Vie économique, 24 mai.