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Quels parcours après l’école obligatoire ?

Le nouveau numéro AVS offre de nombreuses possibilités de suivi. Parmi celles-ci, on trouve les parcours des jeunes après la scolarité obligatoire et leur intégration dans la vie active.

Quels parcours après l’école obligatoire ?

Rentrés scolaire au gymnase Kirschgarten, à Bâle. De nombreux gymnasiens intègrent par la suite une haute école. (Image: Keystone)

Avant la modernisation des relevés du domaine de la formation et l’introduction d’un identificateur individuel, notre connaissance des parcours éducatifs en Suisse était très parcellaire. Elle était souvent restreinte à quelques cantons ou basée sur des enquêtes comportant des échantillons limités. On ne connaissait par exemple pas précisément la proportion de personnes n’obtenant pas de titre du post-obligatoire, bien que ce soit un indicateur stratégique aussi bien au niveau national qu’international. Le programme Labb de l’Office fédéral de la statistique (OFS) entend désormais suivre en continu et de manière exhaustive les parcours effectués dans l’ensemble des degrés post-obligatoires et fournir ainsi de précieuses informations aux décideurs (voir encadré).

Un titre du degré secondaire II pour 90,9 % des jeunes


En 2015, le taux de première certification du degré secondaire II[1] jusqu’à l’âge de 25 ans s’élevait à 90,9 %. Ce chiffre est de 10 points supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE. Il indique cependant que 9,1 % des jeunes ayant suivi l’école obligatoire en Suisse entreront dans la vie active sans aucun diplôme, donc sans un bagage minimum pour s’insérer durablement et avec succès dans la vie sociale et économique du pays.

Le taux de certification des femmes (92,9 %) dépasse de quatre points celui des hommes (88,9 %). D’importantes différences apparaissent également si l’on considère le statut migratoire. Pour les Suisses nés dans leur patrie, ce taux atteint 94,0 % et se rapproche ainsi de l’objectif politique de 95 %. Pour les étrangers nés en Suisse, il est de huit points inférieur (86,2 %).

La carte des taux par district révèle la complexité géographique de l’indicateur et son importante dimension ville-campagne. Quelle que soit la région considérée, les districts englobant des centres urbains (Lausanne, Genève, Bâle, Lucerne, Lugano, Zurich, Bienne) présentent des taux relativement bas dans le contexte régional (valeurs de 80 % à 87 %, voir illustration 1 et 2).

Ill. 1. Taux de première certification du degré secondaire II jusqu’à l’âge de 25 ans par sexe, statut migratoire et région linguistique




Source : OFS / La Vie économique

Ill. 2. Taux de première certification du degré secondaire II jusqu’à l’âge de 25 ans par district de domicile




Remarque : pour les groupes de population restreints, les valeurs obtenues peuvent varier sensiblement d’une année à l’autre, ce qui explique que les taux des districts avec moins de 200 personnes certifiées en trois ans ne sont pas indiqués.

Source : OFS / La Vie économique

Les différences se construisent tout au long du parcours


L’analyse de la transition après l’école obligatoire et des parcours dans le degré secondaire II indique que les différences tendent à s’accumuler avec le temps. Dès le début, soit à la charnière après l’école obligatoire[2], on constate que les jeunes de Suisse romande sont moins nombreux à poursuivre vers le degré secondaire II (92 % dans les deux ans en Suisse romande, contre 95 % en Suisse alémanique). Cette différence est significative même lorsque l’on tient compte de la composition des populations. L’analyse des parcours ultérieurs dans le degré secondaire II[3] révèle deux phénomènes : premièrement, les disparités qui étaient déjà présentes à la sortie de l’école obligatoire se renforcent quelle que soit la dimension analysée. Deuxièmement, les différences entre populations dans la réussite au degré secondaire II sont beaucoup plus fortes lorsque l’on s’intéresse aux trajectoires rectilignes. Par exemple, une fois entrés au degré secondaire II, les jeunes de nationalité suisse réussissent non seulement mieux que ceux de nationalité étrangère, mais ils le font aussi plus rapidement.

Une intégration professionnelle réussie


Un autre domaine qui n’avait guère été analysé de manière approfondie sur le plan national est celui de la transition après un titre du degré secondaire II. Une nouvelle étude de l’OFS[4] met en évidence la transition très fréquente vers le degré tertiaire pour tous les détenteurs d’une maturité, qu’elle soit professionnelle, gymnasiale ou spécialisée. Elle confirme aussi le fait que les titulaires d’une formation professionnelle initiale s’intègrent très bien dans le marché du travail. Ainsi, 85 % des titulaires d’un certificat fédéral de capacité (CFC) accèdent à un premier emploi dans les trois mois qui suivent l’obtention de leur titre et 46 % restent dans leur entreprise formatrice. Ce premier emploi dure moins d’une année pour près de la moitié des personnes. Elle montre aussi que 19 % se sont inscrits au chômage à un moment ou à un autre dans les 30 mois qui ont suivi l’obtention du titre, ce qui indique certaines difficultés d’insertion. C’est particulièrement le cas en Suisse italienne (38 %) et en Suisse romande (28 %), la Suisse alémanique présentant des proportions sensiblement plus faibles (17 %). Dans la majorité des cas, il s’agit de périodes de chômage de courte durée (jusqu’à six mois cumulés sur les 30 mois analysés).

Des allers et retours entre formation et emploi


Un autre aspect qui avait été peu étudié en Suisse jusqu’à présent est la dynamique détaillée entre formation et emploi à cette charnière. L’étude montre qu’après leur CFC, les jeunes entrent dans une période durant laquelle l’emploi et la formation s’entremêlent pendant plusieurs années. S’ils sont nombreux à travailler tout de suite, un quart d’entre eux reviennent en formation dans les trois ans qui suivent, que ce soit pour préparer une maturité professionnelle, entamer des études professionnelles supérieures ou effectuer un deuxième apprentissage (voir illustration 3).

Ill. 3. Transitions annuelles des titulaires d’un CFC obtenu en 2012




Source : OFS / La Vie économique

Le graphique montre la complexité de la transition tout au long des 42 mois analysés. Il indique notamment que 66 % des personnes qui n’étaient ni en emploi ni en formation (NEET) six mois après leur titre travaillaient un an après. On constate aussi des flux conséquents entre l’emploi et la formation. Ainsi, 11 % des personnes qui étaient en emploi six mois après le titre étaient de retour en formation douze mois plus tard. Entre le 30e et le 42e mois, le flux entre emploi et formation reste de même intensité, indiquant que la transition après le degré secondaire II n’est pas véritablement achevée.

Expliquer les phénomènes observés


Le programme Labb a permis de caractériser beaucoup plus précisément les parcours de formation en Suisse et de montrer des facettes qui étaient peu connues jusqu’à présent. Le défi pour la recherche est maintenant d’arriver à expliquer les différences observées, de manière à fournir des pistes susceptibles de déboucher sur des améliorations. Un tel objectif ne peut être atteint qu’à travers de nouvelles données. Une façon de les réunir serait par exemple de coupler systématiquement les données du programme Labb à celles des enquêtes nationales ou internationales.

  1. Notamment une attestation de la formation professionnelle (AFP), un certificat fédéral de capacité (CFC), un certificat de culture générale ou une maturité gymnasiale. []
  2. Gaillard et al. (2016). []
  3. Laganà et Babel (2018). []
  4. [Strubi et al. (2018) []

Bibliographie

  • Gaillard L. et Babel J., Taux de première certification du degré secondaire II et taux de maturités, Neuchâtel, 2018, OFS.
  • Gaillard L., Laganà F. et Babel J., La transition à la fin de l’école obligatoire, Neuchâtel, 2016, OFS.
  • Laganà F. et Babel J., Parcours de formation dans le degré secondaire II, Neuchâtel, 2018, OFS.
  • Strubi P. et Babel J., Transitions et parcours dans le degré tertiaire, Neuchâtel, 2015, OFS.
  • Strubi P., Veselá J. et Babel J., Transitions après un titre du degré secondaire II et intégration sur le marché du travail, Neuchâtel, 2018, OFS.

Bibliographie

  • Gaillard L. et Babel J., Taux de première certification du degré secondaire II et taux de maturités, Neuchâtel, 2018, OFS.
  • Gaillard L., Laganà F. et Babel J., La transition à la fin de l’école obligatoire, Neuchâtel, 2016, OFS.
  • Laganà F. et Babel J., Parcours de formation dans le degré secondaire II, Neuchâtel, 2018, OFS.
  • Strubi P. et Babel J., Transitions et parcours dans le degré tertiaire, Neuchâtel, 2015, OFS.
  • Strubi P., Veselá J. et Babel J., Transitions après un titre du degré secondaire II et intégration sur le marché du travail, Neuchâtel, 2018, OFS.

Proposition de citation: Jacques Babel (2018). Quels parcours après l’école obligatoire . La Vie économique, 25 juin.

Le programme Labb

L’introduction de l’identificateur individuel commun aux différents registres de l’administration fédérale relatifs aux personnes, le nouveau numéro AVS à treize chiffres (Navs13), a ouvert une nouvelle ère dans le domaine de la formation. Il a permis de mettre sur pied le programme « Analyses longitudinales dans le domaine de la formation » (Labba) de l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui permet de suivre l’ensemble des parcours effectués après l’école obligatoire. Le projet repose sur deux axes : d’abord, une mise à disposition de fichiers de données longitudinales harmonisées et structurées par l’OFS de manière à faciliter les analyses et aussi d’œuvrer à la diffusion d’informations cohérentes. Ensuite, une systématisation de la mesure des transitions et une diffusion à intervalles réguliers d’études sur ces mêmes transitions et les parcours de formation. Les données ainsi obtenues peuvent être complétées par celles déjà disponibles à l’OFS. Cela permet ainsi de fournir des informations très précieuses, sans devoir recourir à des enquêtes spécifiques.

Pour plus d’information sur le programme Labb, voir :www.labb.bfs.admin.ch

a. Suivant son appellation en allemand :« Längsschnittanalysen im Bildungsbereich ».