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Coûts de la santé : le Conseil fédéral veut impliquer tous les acteurs

Le Conseil fédéral a mis en consultation un paquet de mesures visant à freiner la croissance des coûts dans l’assurance-maladie obligatoire. La cherté des médicaments est aussi dans le collimateur.
Pour éviter une augmentation des frais de santé, les consultations inutiles d'un deuxième médecin devraient notamment être empêchées. (Image: Keystone)

D’ici à 2045, la population des plus de 80 ans aura plus que doublé en Suisse. En raison de cette évolution démographique, de l’augmentation connexe des maladies chroniques et de la progression des possibilités de traitement induites par la médecine et la technologie, la consommation de prestations médicales continuera de croître.

L’accès aux produits innovants et leur rapide disponibilité font la force du système suisse. Le progrès des technologies médicales conduit certes à l’amélioration des thérapies, mais aussi à leur renchérissement. Tout cela a un prix. Il est donc important de réduire efficacement les coûts lorsqu’ils ne sont pas compensés par des avantages. Il s’agit d’éliminer les incitations négatives et de réduire la demande induite par l’offre.

Le Conseil fédéral a fait de l’atténuation des coûts de l’assurance-maladie l’un des principaux objectifs de la stratégie « Santé 2020 ». Il a défini plusieurs objectifs et mesures qui ont déjà débouché sur des baisses de coûts considérables, notamment dans des domaines où la Confédération peut exercer ses compétences propres, comme la surveillance des médicaments. Mais l’évolution ne s’est pas arrêtée là et les discussions se sont intensifiées au cours des deux dernières années.

Tous les acteurs doivent s’impliquer


Malgré les compétences supplémentaires qui lui sont dévolues, la Confédération ne dispose que d’une influence limitée sur la réduction des coûts[1]. C’est pourquoi les acteurs du système de santé doivent eux aussi s’impliquer.

Les partenaires tarifaires – les assureurs et les prestataires – sont invités à garantir l’économicité des tarifs. Ils doivent aussi empêcher que les patients ne consultent plusieurs prestataires et que les mesures diagnostiques ne se répètent inutilement. Un partenariat tarifaire solide est donc nécessaire. S’il ne fonctionne pas, le Conseil fédéral doit veiller, en vertu de ses compétences subsidiaires, à ce que les soins de santé se développent au bénéfice des patients.

Les assureurs ont aussi pour tâche de contrôler précisément les factures des prestations médicales. Des expériences à l’étranger liées au contrôle systématique des prestations montrent que le potentiel d’économies n’est pas négligeable dans ce domaine. En Suisse également, les prestataires doivent examiner l’adéquation des traitements, éviter les soins excessifs, élaborer et appliquer les directives des sociétés spécialisées.

Les cantons ont eux aussi des possibilités d’influencer la planification hospitalière et la tarification. Ils peuvent par exemple fixer un budget global pour le financement des hôpitaux et des établissements médico-spécialisés dans le cadre de la planification des soins. En outre, ils coordonnent les planifications hospitalières et les développent en introduisant des nombres de cas minimaux et en améliorant la coordination des soins.

Programme d’atténuation des coûts du Conseil fédéral


Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) a engagé fin 2016 un groupe d’experts afin de renforcer les mesures d’atténuation des coûts définies dans le cadre de « Santé 2020 ». Ce groupe devait évaluer les expériences faites aux niveaux national et international. Dans leur rapport[2], les experts jugent qu’il est encore possible d’atténuer la hausse des coûts en freinant l’expansion quantitative non justifiée médicalement. Ils estiment le potentiel d’efficacité à environ 20 %.

Le Conseil fédéral a immédiatement réagi en chargeant en octobre 2017 le DFI de lui soumettre des propositions de nouvelles mesures. Il a adopté fin mars un programme d’atténuation des coûts à mettre en œuvre par étapes. Le premier paquet de mesures est en consultation depuis le 14 septembre dernier. Les nouvelles propositions concernent toutes les parties prenantes du secteur de la santé : les prestataires et les assureurs, les cantons, l’industrie pharmaceutique et les assurés. Tous les acteurs reçoivent donc des instruments supplémentaires pour contribuer à l’atténuation des coûts de l’assurance-maladie obligatoire.

Il est notamment prévu d’introduire un « article expérimental » permettant de réaliser, en dehors de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), des projets pilotes novateurs pour atténuer les coûts. Des projets de financement uniforme pour les prestations stationnaires et ambulatoires sont envisagés.

En outre, un système de prix de référence devrait être introduit pour les médicaments dont le brevet est échu. En Suisse, les génériques coûtent plus de deux fois plus chers que dans les pays européens comparables. C’est pourquoi il est prévu de fixer un prix maximum (prix de référence) pour ces médicaments dont les principes actifs sont identiques. L’assurance-maladie obligatoire ne remboursera dès lors plus que ce prix de référence. La vente des génériques et des préparations originales dont le brevet est échu s’en trouvera stimulée. Deux variantes tenant compte des systèmes de prix de référence connus à l’étranger sont en discussion : un modèle avec une réduction de prix et un autre comportant un système d’annonce.

Les partenaires tarifaires seront tenus, sur le modèle du système appliqué dans le domaine stationnaire, d’utiliser une organisation tarifaire nationale pour les prestations ambulatoires. Le but est d’empêcher des blocages tarifaires dans le domaine ambulatoire, comme c’est le cas avec le système Tarmed pour les tarifs des médecins. L’organisation tarifaire, qui sera paritaire, aura la responsabilité d’élaborer, de développer, d’adapter et d’entretenir les structures tarifaires ambulatoires. Afin de tenir à jour la structure tarifaire, les partenaires tarifaires et l’organisation tarifaire proposée seront légalement tenus de fournir au Conseil fédéral les données nécessaires à la détermination, à l’adaptation et à l’approbation des tarifs et des prix – y compris dans le domaine ambulatoire.

Les forfaits seront par ailleurs encouragés dans le domaine ambulatoire, ce qui améliorera l’efficacité. En outre, la compétence subsidiaire du Conseil fédéral dans le domaine tarifaire sera élargie aux structures tarifaires destinées aux tarifs forfaitaires par patient. Les tarifs forfaitaires par patient actuellement liés aux traitements ambulatoires reposeront à l’avenir sur une structure tarifaire uniforme, fixée par convention sur le plan suisse, comme cela existe déjà pour les tarifs à la prestation individuelle. Le Conseil fédéral a la compétence d’approuver une telle structure tarifaire forfaitaire nationale. L’organisation tarifaire nationale nouvellement créée serait compétente pour les structures tarifaires forfaitaires par patient et pour les structures tarifaires à la prestation.

Pour que les coûts n’augmentent que dans une mesure médicalement justifiable, les prestataires et les assureurs seront tenus de prévoir, par des contrats applicables à l’échelle de la Suisse, des mesures visant à corriger une croissance injustifiée des quantités et des coûts. Ces contrats devront être avalisés par le Conseil fédéral pour être valables. Le train de mesures prévoit en outre que la conscience des coûts soit aussi renforcée parmi les assurés et pour le contrôle des factures (voir encadré).

D’autres mesures suivront


L’objectif de cette nouvelle réglementation est d’endiguer la montée des coûts grevant l’assurance-maladie obligatoire et de limiter la hausse des primes payées par les assurés. Toutefois, l’effet d’atténuation des coûts dépend de la mise en œuvre conséquente des mesures proposées par les acteurs concernés.

La consultation sur le premier train de mesures dure jusqu’au 14 décembre prochain. Le deuxième volet de mesures est prévu pour 2019 : il mettra l’accent sur les médicaments, des soins appropriés et une transparence accrue. Les bases de données existantes devront être mieux interconnectées, complétées et rendues accessibles au niveau national, de manière à pouvoir optimiser et rendre plus efficace le système de santé.

  1. Commission de gestion du Conseil des États (2002). Influence de la Confédération sur la maîtrise des coûts dans le domaine de la loi sur l’assurance-maladie – Examen de deux exemples précis. Rapport du 5 avril 2002. FF 2003 307. []
  2. Rapport du groupe d’experts (24 août 2017). Mesures visant à freiner la hausse des coûts dans l’assurance obligatoire des soins, disponible en ligne sous http://www.bag.admin.ch[]

Proposition de citation: Sandra Schneider (2018). Coûts de la santé : le Conseil fédéral veut impliquer tous les acteurs. La Vie économique, 24 octobre.

Autres points du paquet de mesures

Les prestataires sont légalement tenus d’envoyer dans tous les cas une copie de la facture à la personne assurée. Les patients peuvent ainsi contrôler leurs factures et mieux prendre conscience des coûts. Le prestataire qui n’observe pas cette règle est passible de sanctions.

Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) – Office fédéral de la santé publique (OFSP) renforce son activité de surveillance et mène davantage d’audits sur place afin de garantir des contrôles de prestations et de factures systématiques par les assureurs. Aucune adaptation de la loi n’est nécessaire pour mettre cette mesure en œuvre.

À l’avenir, le droit de recours sera étendu. Les associations d’assureurs doivent elles aussi pouvoir exercer un droit de recours contre les décisions des gouvernements cantonaux concernant les planifications et listes d’hôpitaux, de maisons de naissance et d’établissements médico-sociaux. Cette mesure vise à empêcher les prestations de soins excessives coûteuses et à réduire la charge qui pèse sur les payeurs de primes et les contribuables.