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La bonne entente améliore la réinsertion

En Suisse, le filet de sécurité sociale compte de nombreuses institutions. Elles ont toutes le même objectif : l’intégration des clients sur le marché du travail. Afin d’éviter les doublons, une collaboration interinstitutionnelle a été instaurée entre les différents organes.
Un service d’intégration à Genève. La collaboration interinstitutionnelle veut faciliter l’intégration des jeunes dans le monde du travail. (Image: Keystone)

Après le tournant du millénaire, il est devenu évident que l’intégration sur le marché du travail de personnes présentant des problématiques complexes nécessitait une collaboration plus systématique entre les différentes structures sociales. À l’époque, des divergences apparaissaient parfois entre les conseillers sur les stratégies de candidature des demandeurs d’emploi. Et les exigences administratives empêchaient même de combler certaines lacunes. De ce constat est née la collaboration interinstitutionnelle (CII). Il s’agit d’un processus de coopération entre l’assurance-chômage (AC), l’assurance-invalidité (AI), la formation professionnelle et l’aide sociale. L’objectif d’une CII est de s’entendre sur la gestion des cas et d’éviter les doublons. Ce sont les demandeurs d’emploi et non des formulaires qui doivent être au centre des efforts d’intégration. Concrètement, cela signifie que l’évaluation d’un retour dans le processus de candidature ainsi que les mesures de soutien, telles qu’un cours par exemple, doivent s’effectuer en concertation avec tous les organes concernés. Après quelques années d’expérience, cette coopération opérationnelle au niveau des cas a également été prise en compte dans la conception des systèmes et la coordination des stratégies y relatives, tout comme dans les principes de gestion. C’est ainsi qu’une CII a vu le jour dans les cantons pour permettre aux responsables de l’insertion sur le marché du travail (AC et ORP), de l’AI et de l’aide sociale de se mettre d’accord sur les objectifs et les moyens de réintégrer les clients les plus en difficulté. Cette procédure coordonnée en amont, qui permet de mettre en commun les ressources, s’est avérée bien plus satisfaisante et efficace, tant pour les personnes touchées que pour les conseillers.

Nécessité d’une collaboration au niveau fédéral


Au fil du temps, les questions migratoires se sont également retrouvées au centre de l’attention. En 2011, la CII a été élargie au niveau fédéral pour inclure les acteurs de la migration. Les personnes ayant grandi à l’étranger ainsi que celles qui se sont réfugiées en Suisse et ne retourneront pas dans leur pays dans un avenir prévisible devraient acquérir les compétences nécessaires pour satisfaire au marché du travail local à l’aide de mesures appropriées. Pour cela, on peut même envisager un diplôme du degré secondaire II, comme une formation professionnelle initiale en deux ans avec attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) ou l’obtention d’une certification professionnelle pour adultes. Ceci nécessite toutefois la coordination des instruments des systèmes d’intégration en Suisse, car les experts des structures ordinaires existantes doivent également utiliser leurs compétences pour cette nouvelle clientèle. C’est pourquoi la CII nationale mise en place en 2010 a été révisée, puis validée (voir encadré).

L’évaluation externe réalisée en 2016[1] est parvenue à des conclusions positives et a mis en évidence la nécessité d’optimiser certains points. Sur cette base, le Département fédéral de l’intérieur (DFI), le Département fédéral de justice et police (DFJP) et le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) ont renforcé la collaboration entre les partenaires et défini trois priorités pour la CII nationale.

Tout d’abord, la coordination et la collaboration aux interfaces des mesures d’intégration doivent être intensifiées. Cela concerne principalement l’AC et le service public de l’emploi, l’aide sociale, l’AI ainsi que le domaine de la migration et la formation professionnelle. La présentation d’exemples de réussite résultant d’une application efficace des mesures doit permettre d’atteindre cet objectif. Comme les offices régionaux de placement (ORP) ne peuvent placer avec succès que les personnes répondant aux exigences du marché du travail, l’aide sociale et l’AC se sont mises d’accord sur une définition de l’employabilité et ont conçu un outil permettant d’identifier les déficits de compétences. Cela participe en fin de compte aussi à améliorer l’efficacité du conseil et à mieux cibler les mesures à appliquer.

Deuxièmement, les groupes cibles fragilisés bénéficient d’une formation et d’une intégration sur le marché du travail renforcées. Sont concernés les bénéficiaires de l’aide sociale, les personnes atteintes dans leur santé, les adultes peu qualifiés ainsi que les jeunes arrivés tardivement dans le pays, les jeunes adultes, les personnes admises à titre provisoire et les réfugiés. La priorité est mise sur l’acquisition de compétences de base et l’obtention d’une qualification professionnelle. L’intégration sur le marché du travail de réfugiés peu qualifiés susceptibles de rester longtemps en Suisse constitue un défi de taille. Un nouvel instrument en cours de développement par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) et par un groupe d’experts doit faciliter l’évaluation des expériences et des compétences acquises ainsi que la définition des mesures de formation et de soutien nécessaires. Il est actuellement testé par certains cantons pour savoir s’il est transposable dans la pratique[2].

Enfin, la collaboration avec les principaux acteurs du secteur de la santé et de la sécurité sociale doit être stimulée et renforcée. L’identification des problèmes de santé et psychologiques à un stade précoce et le traitement coordonné des difficultés doivent permettre d’éviter des conséquences plus importantes et plus coûteuses. À cette fin, un projet CII a récemment été développé sous l’égide de l’Office fédéral des assurances sociales (Ofas). L’étude « Angebote am Übergang I für Jugendliche mit gesundheitlichen Einschränkungen » (« Offres de transition I pour les jeunes atteints dans leur santé ») donne un aperçu d’exemples de réussite dans les cantons et les villes qui intègrent les jeunes avec succès. La CII contribue ainsi à ce que les jeunes puissent suivre une formation et vivre dignement malgré leurs problèmes de santé[3].

Lorsque l’aide sociale, l’AI et les ORP travaillent en étroite collaboration, il devient plus facile de coordonner leurs compétences respectives, et en particulier d’harmoniser leurs efforts d’intégration avec l’employeur. Cela implique inévitablement l’échange d’informations sensibles à propos des clients présentant de multiples difficultés. Il est donc indispensable de définir le cadre et la procédure de consentement. Dans le canton d’Argovie, l’exploitation d’un centre collectif pour l’intégration sur le marché du travail a été testée pendant plus de dix ans. Maintenant que le modèle a fait ses preuves, il sera mis en place dans d’autres régions[4].

Le Seco assumera la présidence


Le marché du travail évolue rapidement. Les conseillers du système d’intégration doivent connaître les exigences des employeurs pour pourvoir les postes vacants. Ils doivent également reconnaître et comprendre les problématiques des personnes qui se sont inscrites plus d’une fois. Grâce à des services de soutien harmonisés entre eux, les clients sont en mesure de retrouver un emploi rémunéré après une période de transition accompagnée, même en cas de difficultés avérées. Les partenaires des systèmes de sécurité sociale travaillent systématiquement avec cet objectif en tête au niveau fédéral et dans les cantons.

Les partenaires de la CII adaptent de manière dynamique leurs prestations de conseil aux exigences du marché du travail. L’étroite collaboration entre l’aide sociale, l’AI et l’ORP devrait en particulier permettre de tirer le meilleur parti de la main-d’œuvre nationale. Grâce à une communication coordonnée avec les employeurs, le secteur économique doit être encouragé à utiliser les passerelles proposées vers le monde du travail et à continuer de fournir des postes aux personnes en difficulté. Pour ce faire, la CII nationale procède à des échanges réguliers avec les cantons. Un colloque annuel permet de présenter les cas d’intégration réussie et de discuter des projets de collaboration en cours.

Pour la prochaine période de deux ans au cours de laquelle le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) présidera la CII nationale, la collaboration des partenaires sera encore intensifiée. Pour l’heure, les interfaces avec l’intégration sur le marché du travail de l’AC sont en cours d’analyse[5]. Cela devrait également augmenter l’efficacité du système, améliorer la satisfaction des clients et éviter les coûts du suivi à long terme.

La CII a également pour ambition de devenir la plateforme commune de lancement et d’évaluation d’innovations dans le domaine de la sécurité sociale en Suisse. Cela devrait profiter à tous les demandeurs d’emploi ayant des difficultés et faciliter le travail de conseil des professionnels concernés.

  1. L’évaluation peut être consultée sur le site de la CII[]
  2. Voir à ce propos l’article de Michèle Laubscher dans ce dossier. []
  3. Davantage d’informations en ligne sur www.aramis.admin.ch. []
  4. Voir à ce propos l’article de Thomas Buchmann, Peter Eberhard et Karin Hunziker dans ce dossier. []
  5. Voir à ce propos l’article de Michael Mattmann, Michael Marti, Ramin Mohagheghi et Svenja Strahm dans ce dossier. []

Proposition de citation: Christian Kälin (2018). La bonne entente améliore la réinsertion. La Vie économique, 22 novembre.

La collaboration interinstitutionnelle nationale

Depuis 2010, la collaboration interinstitutionnelle nationale (CII)[1] s’articule autour de deux comités et d’un centre de compétences. Le comité de pilotage est composé de responsables issus des quatre partenaires fédéraux (Seco, Ofas, SEM, Sefri), des conférences des gouvernements cantonaux compétentes[2] ainsi que de l’Association des communes suisses et de l’Union des villes suisses. Il coordonne le travail d’insertion professionnelle dans le pays et œuvre à l’optimisation de la CII dans le cadre de cet organe de stratégie politique. Le comité de développement et de coordination assure le développement continu et la mise en œuvre coordonnée de la CII dans la pratique, en collaboration avec les représentants des associations professionnelles. Le bureau se compose de quatre personnes provenant des offices fédéraux concernés et de l’aide sociale. Avec le responsable, il soutient à la fois le comité de pilotage et le comité de développement et de coordination sur les plans technique et organisationnel. Il favorise la mise en œuvre de la CII et fait office de point de contact de la Confédération pour les questions liées à la CII.