Les jeunes ne connaissent pas tous une transition sans embûche entre l’école et le marché du travail. (Image: Keystone)
Quels sont les facteurs favorisant la participation durable au marché du travail ? Les diplômes de formation ? Le placement ciblé des demandeurs d’emploi auprès des employeurs ? L’adaptation des postes de travail à l’ergonomie des personnes physiquement diminuées ?
Les réponses à ces questions sont variées, tout comme les possibilités d’intégration sur le marché du travail. Outre l’assurance-chômage (AC), de nombreux acteurs apportent une importante contribution en la matière : l’assurance-invalidité (AI), l’aide sociale, l’intégration des migrants ou encore la formation professionnelle (voir illustration).
La diversité des responsabilités institutionnelles entraîne inévitablement des chevauchements et un besoin de coordination dans les transitions d’une institution à l’autre, ainsi que, dans certains cas, des conflits de ressources ou d’objectifs. Si une cartographie des interfaces avec l’AC faisait défaut jusqu’ici, cette lacune vient d’être comblée : le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) a en effet confié au bureau de recherche et de conseil en économie et politique Ecoplan le mandat de dresser un catalogue des interfaces entre l’AC et ses partenaires institutionnels dans le cadre d’une étude qualitative de cette problématique. Chaque interface cataloguée est assortie d’une analyse en trois volets : l’importance relative, les enjeux et les solutions mises en place.
Les principaux acteurs institutionnels de l’intégration sur le marché du travail
Source : Ecoplan / La Vie économique
Importantes disparités cantonales
L’intensité de la coopération entre l’AC, respectivement les offices régionaux de placement (ORP), et les services sociaux varie d’un canton à l’autre. Ainsi, les personnes aptes à l’emploi qui bénéficient de l’aide sociale ont l’obligation de s’annoncer à l’ORP dans certains cantons, alors que ce n’est que sporadiquement le cas dans d’autres. Cela dépend de la capacité des services sociaux à développer un programme d’intégration sur le marché du travail. Dans les petits services sociaux et les petits cantons, l’aide sociale ne dispose souvent pas des ressources et de compétences suffisantes ; elle est donc tributaire de l’offre des ORP.
Une compréhension commune de l’employabilité est nécessaire pour s’assurer que les services sociaux signalent aux ORP les personnes aptes à l’emploi. L’employabilité résulte de l’équation entre la situation d’un demandeur d’emploi et les exigences du marché du travail. Les qualités individuelles englobent des critères tels que la formation, les compétences sociales, l’aptitude au placement, la capacité de travail et l’autorisation de travailler. Il arrive fréquemment que les ORP et les services sociaux aient des divergences de vues sur l’aptitude à l’emploi d’un demandeur. La clé du consensus en la matière réside dans la sensibilisation réciproque et les échanges réguliers, ainsi que dans le développement d’outils d’analyse communs pour l’évaluation individuelle de l’employabilité d’une personne.
L’ORP et le service social doivent coordonner leur action dès qu’un bénéficiaire de l’aide sociale s’annonce à l’ORP pour rechercher un emploi. En général informelle, cette collaboration dépend dans une large mesure de l’entente entre les conseillers personnels de l’ORP et les travailleurs sociaux. Les problèmes surviennent dès qu’il s’agit de financer ce qu’on appelle les « mesures relatives au marché du travail » (MMT) : ces cours ou stages visent à faciliter l’intégration sur le marché primaire du travail. Il appartient certes aux organes de l’AC de décider si une personne peut bénéficier d’une telle mesure, mais l’AC ne peut en assurer le financement lorsqu’un bénéficiaire de l’aide sociale n’a pas droit aux indemnités journalières de l’AC. Le financement doit dès lors être couvert par le service social ou par d’autres ressources. Le financement du minimum vital relève dans tous les cas de l’aide sociale.
Il existe aussi des recoupements entre l’AC et l’AI. Ces institutions sont amenées à collaborer lorsqu’un bénéficiaire d’indemnités journalières de l’AC est simultanément annoncé à l’AI pour une intervention précoce ou pour l’examen du droit aux prestations. Ces deux assurances sociales sont à même de conseiller la personne concernée, de lui proposer des mesures d’intégration et de les financer. Le type et l’orientation des mesures proposées varient toutefois selon l’institution, de sorte que ces mesures sont susceptibles de se compléter. La coordination entre l’office AI et l’ORP reste nécessaire. Une différence de conception concernant l’aptitude à l’emploi peut poser problème. De plus, il faut s’assurer que les deux institutions sociales ne se gênent pas mutuellement à travers leurs exigences vis-à-vis de l’assuré. Ainsi faut-il par exemple s’assurer que l’ORP n’annule pas le dossier d’un demandeur d’emploi au motif qu’il ne peut être placé pendant qu’il est au bénéfice d’une mesure engagée par l’AI.
Interfaces entre l’AC et la formation professionnelle
L’achèvement d’une formation demeure une condition de départ importante pour la réussite de l’intégration professionnelle. L’AC n’a certes pas pour mandat premier de promouvoir la formation professionnelle ou tertiaire, mais il existe néanmoins des interfaces entre l’AC et la formation professionnelle, par exemple au niveau du passage de la scolarité obligatoire à la formation professionnelle ou à une formation scolaire approfondie. Le semestre de motivation (Semo) est une MMT spécialement destinée aux jeunes menacés d’échec durant cette phase. Il vient s’ajouter aux passerelles proposées au niveau cantonal et constitue un appui important pour ce groupe-cible. Les jeunes en fin de scolarité ont par ailleurs un droit restreint aux indemnités journalières de l’AC, étant exemptés des cotisations pendant la formation. Les cellules d’appui à la formation professionnelle et l’AC doivent là également coordonner leurs actions. Cette coordination est souvent assurée par le case management (gestion de cas) « Formation professionnelle », une structure soutenue par la Confédération à travers des incitations financières.
Une deuxième interface importante existe entre l’AC et la formation professionnelle : la formation professionnelle de base pour adultes. La mise au point de filières spécifiques et le financement du coût de la vie pendant la formation constituent les défis majeurs. L’AC a mis en place une MMT sous forme de contributions à la formation. Sous certaines conditions, ces aides permettent de rattraper une formation professionnelle. Elles constituent toutefois une exception et sont appliquées avec une intensité très variable selon les cantons. Nonobstant cette situation, la marge de manœuvre de l’AC par rapport à la formation professionnelle est limitée par le contexte juridique actuel et la primauté de l’intégration rapide des demandeurs d’emploi.
La formation professionnelle de base et la promotion de l’intégration des personnes migrantes sont également étroitement liées. La promotion de l’intégration a pour objectif essentiel de transmettre les compétences élémentaires et les compétences linguistiques nécessaires à l’acquisition d’une formation professionnelle de base et à l’intégration dans le marché primaire du travail. L’AC intervient lorsque l’aptitude à l’emploi devient suffisante et qu’une intégration professionnelle est envisageable. Les ORP peuvent dès lors engager, en fonction du droit aux allocations chômage, les mêmes moyens que pour les autres demandeurs d’emploi, comme certaines MMT spécifiques telles que les cours de langue. Cependant, les offres de l’AC exigent toujours un certain niveau de compétence qui doit être transmis par les institutions en amont.
Proposition de citation: Mattmann, Michael; Marti, Michael; Mohagheghi, Ramin; Strahm, Svenja (2018). Optimiser les interfaces en matière d’intégration sur le marché du travail. La Vie économique, 22. novembre.