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La participation au marché du travail augmente

Pour augmenter l’offre en main-d’œuvre indigène, la Confédération a lancé en 2011 l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié. Les chiffres viennent conforter cette action : la participation au marché du travail a augmenté de 148 200 postes à temps plein depuis 2010.

La participation au marché du travail augmente

Le potentiel qu'offre la main-d’œuvre indigène est aujourd’hui mieux exploité. Une pénurie de travailleurs qualifiés se fait cependant toujours ressentir dans les secteurs à forte intensité technologique et cognitive. (Image: Keystone)

Depuis quelque temps déjà, la demande de personnel qualifié et hautement qualifié ne cesse d’augmenter en Suisse. L’évolution démographique de la population active fait craindre une pénurie de main-d’œuvre indigène sur le long terme, car les jeunes générations fournissent trop peu de travailleurs par rapport à la demande du marché du travail. En conséquence, les entreprises nationales dépendent de plus en plus des travailleurs étrangers. Les débats publics et politiques toujours plus controversés entourant l’immigration ont également incité le Département fédéral de l’économie (aujourd’hui devenu le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche, DEFR) à lancer en 2011 l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié (FKI). Tous les acteurs déterminants, tels que les associations de travailleurs et d’employeurs ainsi que divers conférences cantonales et offices fédéraux, ont alors été sollicités afin de prendre des mesures pour mieux exploiter le potentiel des travailleurs qualifiés en Suisse.

La stratégie de la FKI repose sur la recherche de solutions avec les partenaires sociaux et touche différents domaines politiques. En effet, le thème de la main-d’œuvre concerne des questions relatives à la fois au marché du travail, à la formation, à l’immigration et à la politique sociale, autant de domaines politiques dans lesquels la structure fédéraliste et le régime économique libéral de la Suisse déterminent la marge de manœuvre de la Confédération.

Créer des incitations et sensibiliser


Le plan de mesures adopté par le Conseil fédéral en 2013 constitue l’instrument central de l’initiative. Menées de manière décentralisée par les offices fédéraux compétents, ces mesures comprennent quatre champs d’action majeurs : former la population active de manière continue et relever son niveau de qualification afin de répondre aux besoins du marché du travail, améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, promouvoir les innovations visant à améliorer la productivité pour pallier la pénurie de personnel qualifié, et garantir de bonnes conditions de travail afin que la vie active reste attrayante jusqu’à l’âge de la retraite et même au-delà.

Eu égard à ses compétences, la Confédération s’attelle en majeure partie à établir ou à modifier les lois et les ordonnances concernées. À cela s’ajoutent des programmes d’impulsion et de promotion destinés à créer des incitations, par exemple pour la création de postes supplémentaires dans les structures d’accueil de jour pour les enfants. Par ailleurs, la Confédération a sensibilisé le grand public, l’économie et le monde politique aux causes et aux conséquences de la pénurie de main-d’œuvre. Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) est également impliqué. Il veille en effet à garantir la collaboration et la coordination entre les acteurs concernés, élabore les bases de décision nécessaires et fournit de nombreux renseignements sur le site internet www.personnelqualifie-suisse.ch.

La main-d’œuvre, un facteur d’implantation


Un des buts principaux de la politique économique suisse est de continuer à améliorer les conditions d’établissement dans le pays. Car les décisions des entreprises concernant leur implantation, leurs activités technologiques et l’organisation de leurs chaînes de création de valeur dépendent également de l’offre en main-d’œuvre, et notamment des qualifications et compétences de celle-ci. La dynamique de la croissance économique en Suisse est ainsi tributaire de son vivier de travailleurs. L’un des moyens de renforcer l’attractivité de la Suisse est par exemple de garantir aux entreprises la possibilité de trouver sur place la main-d’œuvre convoitée. Ceci permet de maintenir ou de créer des postes de travail de qualité, qui sont à la base de la prospérité de notre population.

Le marché du travail et la situation en matière de main-d’œuvre sont toutefois sujets à l’évolution structurelle. Il a ainsi fallu mettre en œuvre les mesures de la FKI en tenant compte de tendances durables telles que l’automatisation, la numérisation, la globalisation et l’évolution sociétale. Durant les deux dernières décennies, les interactions entre ces tendances ont surtout eu pour effet d’augmenter l’emploi dans les professions à fort coefficient de technologies et de connaissances. Mais pas seulement : la demande en personnel a également progressé pour les métiers où priment les contacts humains, comme la santé et les soins, ainsi que pour les activités manuelles non routinières, par exemple dans le domaine du nettoyage.

Il est essentiel pour la performance économique de la Suisse que la structure des qualifications de la population active évolue en parallèle à la croissance de l’emploi dans les professions hautement qualifiées. En d’autres termes, les qualifications des personnes actives doivent suivre l’intensité la demande du marché du travail. Or, une rétrospective des vingt dernières années montre que la part de la population disposant d’une formation du degré tertiaire[1] a fortement augmenté, passant de quelque 22 % en 1996 à plus de 45 % en 2017. Le système de formation suisse a donc bien soutenu les changements structurels et contribué dans une large mesure à atténuer les effets de la demande croissante en personnel (hautement) qualifié. Au cours des quinze dernières années, l’immigration dans le cadre de la libre circulation des personnes a également eu un effet positif. En moyenne, 54 % des personnes actives en Suisse issues de la zone UE/AELE possèdent un diplôme de formation du degré tertiaire. Les analyses montrent que ces immigrés hautement qualifiés travaillent dans des postes qui correspondent, dans une grande majorité, à leur niveau de qualification formelle[2].

Les tendances à long terme mentionnées interagissent non seulement les unes avec les autres, mais aussi avec les mesures de la FKI. Celles-ci ne déploient donc leurs premiers effets qu’à moyen ou à long terme. Néanmoins, une meilleure exploitation du potentiel de travail peut déjà être observée aujourd’hui. Il n’est toutefois pas possible de dire dans quelle proportion la FKI y a joué un rôle.

Hausse de la participation au marché du travail


Entre 2010 et 2018, l’offre en travailleurs âgés de 25 ans et plus a augmenté d’environ 417 000 postes à plein temps dans toute la Suisse[3]. Cette hausse résulte d’une part d’une plus grande participation au marché du travail (effet de participation) et, d’autre part, de la croissance de la population (effet démographique). Si l’on décompose ces deux effets, on constate que plus d’un tiers de cette hausse est attribuable à l’effet de participation. La plus grande participation au marché du travail représente un total de 148 200 emplois à temps plein (voir illustration). Il s’agit là d’une preuve d’une meilleure exploitation du potentiel de la main-d’œuvre indigène. Autrement dit, l’augmentation de la participation au marché du travail a entraîné en moyenne une hausse de l’emploi correspondant à 18 500 postes à temps plein par année. Cette hausse est remarquable étant donné que le taux d’emploi suisse en 2018 était déjà très élevé (83,9 %) alors que le taux de chômage demeurait faible (4,6 %).

Augmentation de l’offre en main-d’œuvre en fonction de l’effet de participation et de l’effet démographique, selon les groupes d’âge, en équivalents plein temps (2010–2018)




Augmentation totale de l’offre de main-d’œuvre : 417 000 postes à plein temps.

Remarque : l’effet de participation montre l’augmentation de l’offre de main-d’œuvre engendrée par une plus grande participation au marché du travail ; l’effet de population montre l’influence liée à la croissance démographique.

Source : OFS / ESPA / La Vie économique

La pénurie persiste


La coordination et la coopération renforcées dans le cadre de la FKI ont stimulé l’exploitation du potentiel de main-d’œuvre indigène sans nécessiter d’intervention réglementaire drastique dans l’économie suisse. La collaboration entre la Confédération, les cantons et les partenaires sociaux a largement contribué à rendre plus transparente l’interconnexion des aspects politiques et économiques importants liés à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Cela a également renforcé l’acceptation d’un régime d’immigration relativement souple. Ainsi, lors de la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse, le Parlement s’est abstenu d’imposer des quotas d’immigration et a plutôt contraint le Conseil fédéral à faire un meilleur usage du potentiel du marché du travail national. La politique en matière de main-d’œuvre qualifiée contribue ainsi à une politique migratoire globale et prévoyante. Les politiques en matière d’éducation, de marché du travail et de migration sont étroitement liées. Une bonne articulation de ces différents domaines politiques permet au plus grand nombre de trouver un emploi rémunéré et veille à ce que l’économie puisse trouver les travailleurs qualifiés dont elle a besoin et les déployer efficacement.

Cela étant, le vieillissement de la population et la croissance continue de l’emploi des personnes hautement qualifiées laissent présager une accentuation de la pénurie de main d’œuvre. Il est donc encore nécessaire d’agir. Les mesures de la FKI constituent une base large et solide en vue de relever les défis futurs. Les mesures sont prévues sur le long terme et seront d’ailleurs poursuivies par les acteurs responsables lorsque le programme FKI s’achèvera à fin 2018. Afin que les grandes orientations des mesures actuelles puissent continuer à s’aligner sur les tendances à long terme et assurer ainsi la poursuite des efforts visant à garantir la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, le Conseil fédéral a décidé de faire de la politique en matière de main-d’œuvre une tâche permanente du DEFR dès 2019. Il sera ainsi possible de poursuivre les objectifs de la FKI dans les quatre champs d’action établis, tout en conservant le réseau désormais établi ainsi que les vastes connaissances acquises en la matière.

  1. Le degré tertiaire comprend la formation professionnelle supérieure, les écoles techniques et spécialisées, les écoles spécialisées supérieures, les universités, les EPF, les hautes écoles spécialisées et les hautes écoles pédagogiques. []
  2. Voir à ce propos : Seco (2018), Quatorzième rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE[]
  3. Personnes actives en équivalents plein temps (EPT) : nombre de postes à plein temps calculé en tenant compte de tous les travailleurs ayant des charges de travail différentes. []

Proposition de citation: Daniela Bieri (2018). La participation au marché du travail augmente. La Vie économique, 20 décembre.