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Mieux protéger les patients

Le scandale des implants insuffisamment testés et d’autres affaires de ce type ont incité l’UE à renforcer sa législation sur les dispositifs médicaux. La Suisse adapte également la sienne.

Mieux protéger les patients

L’éventail de dispositifs médicaux est large : il va des tests de laboratoire... (Image: Keystone)

Les dispositifs médicaux couvrent un large éventail de produits et d’appareils utilisés à des fins médicales, thérapeutiques ou de diagnostic. Ils englobent les implants et des dispositifs techniques tels que les tomographes informatiques et les robots chirurgicaux, mais également des objets simples comme les pansements adhésifs, les bandages ou les thermomètres ainsi que des auxiliaires courants (lunettes, lentilles de contact, appareils auditifs, déambulateurs, appareils de mesure de la tension artérielle ou du taux de sucre dans le sang). Les dispositifs médicaux comprennent également le « diagnostic in vitro », c’est-à-dire les tests de laboratoire pour les diagnostics médicaux. Selon les estimations de l’Union européenne (UE), il existe actuellement plus de 500 000 dispositifs médicaux différents et 40 000 dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sur le marché européen.

Contrairement aux médicaments, les dispositifs médicaux n’ont pas besoin d’être approuvés par l’Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic. Selon la règle européenne, le fabricant effectue une évaluation de la conformité sous sa propre responsabilité avant que le dispositif médical puisse être mis en circulation. Il doit prouver que son produit répond aux exigences essentielles et aux performances annoncées. Pour les articles présentant des risques plus élevés, tels que les produits stériles, les instruments de mesure, les pompes doseuses ou les implants, cette évaluation doit être contrôlée par un organe d’évaluation de la conformité (OEC) officiellement reconnu. Le marquage « CE » sur les produits indique aux patients et aux utilisateurs professionnels que le dispositif respecte la réglementation européenne.

Swissmedic surveille uniquement les OEC suisses et les dispositifs médicaux mis sur le marché helvétique. Il enquête sur les comptes-rendus de produits non conformes et d’incidents graves et procède à des inspections d’entreprises et d’hôpitaux. Il supervise et approuve en outre les essais cliniques portant sur des dispositifs médicaux qui ne sont pas encore commercialisables[1].

Les points faibles du système actuel


En 1999, la Suisse a conclu avec l’UE un Accord relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité (ARM) des dispositifs médicaux. La condition préalable était que la Suisse transpose intégralement dans son droit national les directives européennes des années nonante relatives aux dispositifs médicaux (voir encadré 1). Des traités similaires existent entre la Suisse et les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) ainsi qu’avec la Turquie. Les États contractants reconnaissent les certificats de l’OEC suisse et réciproquement. Les fabricants suisses, les OEC et les patients profitent ainsi de la libre circulation des dispositifs médicaux en Europe. Parallèlement, Swissmedic est intégré au système européen de surveillance du marché des dispositifs médicaux et bénéficie de l’échange d’informations via Eudamed, la base de données commune sur les dispositifs médicaux.

Des incidents et scandales tels que des procédures d’évaluation de la conformité lacunaires, des données cliniques insuffisantes sur des implants ou encore des implants mammaires en silicone non conformes ont fini par jeter le doute sur le système de contrôle des dispositifs médicaux dans l’UE. La Commission européenne a donc décidé de procéder à une révision complète du cadre juridique, qu’elle a négociée âprement avec le Parlement européen et le Conseil des ministres. Des règlements directement applicables doivent maintenant remplacer les directives en vigueur des années nonante, pas transposées de manière uniforme dans les États membres. Des exigences plus ambitieuses et plus détaillées seront imposées et rendues plus contraignantes pour tous les acteurs concernés. Le règlement de l’UE sur les dispositifs médicaux (MDR)[2] et celui sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (IVDR)[3] sont entrés en vigueur en mai 2017 (voir encadré 2). Après les périodes de transition, le MDR sera pleinement applicable dès le 26 mai 2020 et l’IVDR à partir de 2022.

La Suisse adapte sa législation


La Suisse est en train d’aligner son droit des dispositifs médicaux sur la nouvelle réglementation européenne. Elle s’assure ainsi que ses ressortissants bénéficient également des améliorations de la sécurité des patients et de la plus grande transparence des informations sur les dispositifs médicaux fournies par la base de données Eudamed. En outre, l’adaptation devrait garantir aux fabricants et OEC suisses l’égalité d’accès au marché intérieur européen et permettre à Swissmedic de maintenir une surveillance effective et efficace du marché en collaboration avec les autorités des États membres de l’UE.

L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) prépare les adaptations nécessaires des lois et ordonnances en étroite collaboration avec Swissmedic, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) et la Direction des affaires européennes (DAE). Les ajustements se feront par étapes et conformément au calendrier très ambitieux de l’UE. Un premier pas important a déjà été franchi avec la révision rapide de l’ordonnance sur les dispositifs médicaux (ODim) au 26 novembre 2017. Grâce aux adaptations, les dispositifs médicaux certifiés conformes à la nouvelle législation européenne peuvent également être commercialisés en Suisse. Les deux OEC suisses ont obtenu d’être reconnus en vertu de la nouvelle législation européenne et Swissmedic a été autorisé à participer aux comités d’experts de l’UE réorganisés[4]. Tout cela permet d’assurer les échanges mutuels d’informations et la coordination des activités de surveillance, ce qui constitue un préalable important pour une application harmonisée.

Les prochaines étapes comprennent des modifications de la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) et de la loi relative à la recherche sur l’être humain (LRH) destinées à créer une base juridique pour toutes les modifications nécessaires des ordonnances d’exécution. La procédure de consultation a eu lieu au printemps 2018. Le Conseil fédéral a déjà adopté en novembre dernier le message relatif à ces deux amendements à l’intention du Parlement. Le traitement par les Chambres sera suivi de la révision totale de l’ordonnance sur les dispositifs médicaux et de la création d’une nouvelle ordonnance pour le diagnostic in vitro. Ces deux ordonnances tiendront compte de toutes les dispositions des règlements MDR et IVDR. Le Conseil fédéral veut renoncer au « swiss finish », c’est-à-dire à l’introduction de dispositions allant au-delà des exigences de l’UE.

Les lois modifiées et les nouveaux règlements doivent entrer en vigueur au premier semestre 2020, en même temps que dans l’UE. La forte densité réglementaire et les périodes de transition serrées de l’UE constituent un défi majeur pour le processus législatif suisse. Dans le sillage des adaptations de lois et d’ordonnances, la Suisse doit encore démontrer l’équivalence de ses bases juridiques avec celles de l’UE et mettre à jour l’ARM lors de négociations au sein du Comité mixte Suisse-UE.

  1. Le site internet de Swissmedic propose de courtes vidéos qui expliquent ce que sont les dispositifs médicaux, la manière dont ils sont mis sur le marché et les tâches de Swissmedic dans ce domaine. []
  2. Règlement 2017/745 : réglementation des dispositifs médicaux (« medical devices regulation », MDR). []
  3. Règlement 2017/746 : réglementation des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (« in vitro diagnostic medical devices regulation, IVDR). []
  4. Il s’agit du Groupe de coordination des dispositifs médicaux (MDCG) et d’autres groupes d’experts. []

... aux implants mammaires...

... en passant par les aiguilles d’injection...

... et les vis à os.

Proposition de citation: Urs Spahr (2018). Mieux protéger les patients. La Vie économique, 20 décembre.

Encadré 1 : lois et ordonnances du droit des dispositifs médicaux

Le droit suisse des dispositifs médicaux comprend plusieurs lois et ordonnances. Il s’agit principalement de la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) et de la loi relative à la recherche sur l’être humain (LRH), dont le Conseil fédéral a proposé des adaptations au Parlement en novembre 2018. Mentionnons aussi la loi sur la transplantation, la loi sur l’analyse génétique humaine (LAGH), la loi sur la sécurité des produits (LSPro) et la loi sur les entraves techniques au commerce (LETC).

Les dispositions d’exécution sont fixées au niveau des ordonnances, principalement dans celles sur les dispositifs médicaux (ODim) et sur les essais cliniques (OClin). D’autres dispositions figurent dans les ordonnances sur l’analyse génétique humaine (OAGH), sur la sécurité des produits (OSP) et sur l’accréditation et la désignation (OAccD).

Encadré 2 : priorité à la sécurité des patients

Les nouveaux règlements de l’Union européenne sur les dispositifs médicaux et les diagnostics in vitro visent à rendre les dispositifs médicaux plus sûrs et à renforcer la confiance dans la surveillance des produits. Selon ces textes, les produits devront toujours remplir les exigences légales et correspondre aux avancées techniques. Ces dispositions uniformisent désormais dans toute l’Europe la surveillance des organismes de contrôle de droit privé et renforcent les règles de mise sur le marché et de vérification des produits. Le système d’identification unique garantit en outre une meilleure traçabilité de l’ensemble des produits et la base centrale européenne de données (Eudamed) renforce la transparence aux yeux du public.