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Équiper le réseau ferroviaire suisse pour l’avenir

Le trafic voyageurs et marchandises augmente et les infrastructures atteignent leurs limites. Avec l’étape d’aménagement 2035, la Confédération veut améliorer l’infrastructure et l’offre pour éviter les surcharges. Pour la première fois, les cantons ainsi que les secteurs de la logistique et du transport ont été consultés.
La fréquentation des trains va croissant: le nombre de personnes-kilomètres parcourus devrait augmenter de plus de moitié entre 2010 et 2040. (Image: Keystone)

Le transport ferroviaire de voyageurs et celui des marchandises ne connaissent qu’un sens de développement : la croissance. Depuis 1980, le nombre de personnes-kilomètres parcourus sur le rail a plus que doublé et la croissance du transport de marchandises a atteint environ 40 %. Cette tendance devrait se maintenir, selon les perspectives d’évolution du transport 2040 de la Confédération[1] : par rapport à 2010, la demande en transport public de voyageurs augmentera de 51 % jusqu’en 2040 et doublera même dans certaines régions telles que Zurich, Winterthour et l’Arc lémanique. Le transport de marchandises par le rail augmentera de 45 % dans l’ensemble de la Suisse.

Les nouvelles technologies et la numérisation influenceront la mobilité dans les années à venir. Elles contribueront à améliorer le taux d’utilisation des infrastructures et des véhicules ferroviaires. Dans le même temps, elles faciliteront l’accès à la mobilité et la rendront plus attractive. La planification roulante par étapes d’aménagement est donc centrale : l’aménagement pourrait être adapté de manière flexible si la demande et les besoins ne devaient pas se développer comme prévu en raison de la numérisation, des nouvelles technologies ou des développements socioéconomiques. On ne s’attend toutefois pas à ce que ces développements modifient considérablement la demande prévue et le besoin en infrastructure qui en découle.

Aménagement par étapes


La Suisse a régulièrement développé son réseau ferroviaire au cours des dernières décennies. Plusieurs programmes sont terminés ou encore en cours de réalisation. Malgré cela, le réseau ferré atteindra ses limites de capacité dès 2030. De nombreux tronçons sont déjà surchargés et, sans aménagements, beaucoup d’autres le deviendront. Cela vaut également pour certaines gares qui souffrent d’un manque de capacité ou ne satisfont pas aux exigences des personnes à mobilité réduite.

Une nouvelle étape d’aménagement (EA 2035) est donc inévitable. Elle s’inscrit dans le développement par étapes de l’offre et de l’infrastructure ferroviaires que le peuple et les cantons ont approuvé en 2014 en adoptant la réorganisation du financement et de l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF). Le fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF), créé simultanément, finance l’exploitation, le maintien de la qualité et l’aménagement du réseau. Il dispose de moyens suffisants pour financer l’étape d’aménagement 2035.

Éviter les surcharges


Alors que le programme Rail 2000 adopté en 1987 visait à « conquérir » des voyageurs en rendant les chemins de fer plus attractifs, une réduction substantielle des temps de parcours n’est pas prioritaire pour l’étape d’aménagement 2035 : elle se concentre sur la réduction des surcharges actuelles et sur l’aménagement de capacités supplémentaires pour répondre à la future croissance des voyageurs et du transport de marchandises. L’offre de transport de voyageurs sera étoffée par des cadences supplémentaires à la demi-heure, voire au quart d’heure. Sur l’axe est-ouest, l’accent sera mis sur le trafic grandes lignes dans l’Arc lémanique, sur le Plateau et en Suisse centrale, notamment sur l’aménagement des tronçons Genève – Lausanne – Yverdon – Bienne, Lucerne – Zurich et Soleure – Olten – Zurich – Winterthour.

Au niveau du trafic régional, la cadence au quart d’heure sera généralisée progressivement dans les principales agglomérations. De plus, la desserte universelle des régions rurales et l’accès aux régions touristiques seront améliorés. L’EA 2035 prévoit également des ressources financières pour des liaisons internationales comme la ligne du Haut-Rhin entre Bâle, Schaffhouse et Singen (Allemagne), vers l’EuroAirport de Bâle-Mulhouse ou entre Bâle et Lörrach (Allemagne). Ces aménagements dépendent toutefois de l’aboutissement des négociations avec les pays voisins concernés.

Dans de nombreuses gares, les surcharges seront supprimées et des aménagements effectués pour que les personnes à mobilité réduite puissent également accéder aux trains en toute sécurité. On veut par exemple éviter que l’étroitesse de quais surchargés provoque des accidents. Quinze nouveaux arrêts seront en outre réalisés.

Au niveau du transport de marchandises, des sillons standard et express supplémentaires sont prévus. L’EA 2035 vise ainsi l’élimination des restrictions de circulation durant les heures de pointe du transport de voyageurs – phénomène qui pénalise le fret sur le Plateau et dans la région zurichoise – et une plus grande attractivité de l’axe est-ouest. La fréquence des liaisons entre les grandes gares de triage de Lausanne et de Limmattal (ZH) sera augmentée, de même que celles entre ces gares de triage et, respectivement, l’Arc jurassien et la Suisse orientale. Les installations de transbordement seront aussi aménagées et mieux reliées au réseau ferroviaire, alors que le trafic de transit profitera de l’aménagement du tunnel de base du Lötschberg. Tous ces investissements amélioreront considérablement la compétitivité du fret ferroviaire.

Mesures et projets de l’étape d’aménagement 2035




Source : Office fédéral des transports / La Vie économique

Des investissements viables sur le plan économique


Les investissements de l’EA 2035 (voir illustration) profitent à l’ensemble du pays. La liste comprend de nombreuses mesures relativement modestes, mais aussi quelques grands projets comme l’aménagement de la ligne Genève – Lausanne, la modernisation de la ligne Neuchâtel – La Chaux-de-Fonds, l’équipement de technique ferroviaire dans le tunnel de base du Lötschberg, l’aménagement de la gare de Stadelhofen (ZH), ou encore le tunnel de Brütten reliant Zurich à la Suisse orientale et le tunnel de base du Zimmerberg II en Suisse centrale.

Dans son rapport sur l’avenir des réseaux d’infrastructure nationaux en Suisse, le Conseil fédéral définit les infrastructures comme cruciales pour la prospérité du pays. L’accessibilité et la sécurité d’approvisionnement revêtent une importance grandissante pour la place économique suisse. Une infrastructure ferroviaire moderne, performante et assortie d’un réseau routier bien aménagé permet d’offrir une mobilité attrayante et interconnectée, de même qu’un acheminement rentable des marchandises.

L’évaluation coût-utilité de l’EA 2035 présente une utilité macroéconomique deux fois plus élevée que les coûts qui en découlent. Ces avantages macroéconomiques conséquents sont générés en grande partie par une extension de l’offre et par de légères réductions des temps de parcours sur les liaisons à forte demande, tant en transport de voyageurs que de marchandises. Le rail gagnera ainsi en compétitivité par rapport à la route. En outre, le transfert du trafic de la route au rail, l’un des piliers de la politique suisse des transports, sera bénéfique pour la population et l’environnement.

Un processus de planification participatif


Fin octobre 2018, le Conseil fédéral a transmis le message relatif à l’étape d’aménagement 2035 de l’infrastructure ferroviaire au Parlement. Pour la première fois, l’élaboration de l’étape d’aménagement 2035 a impliqué les cantons, le secteur de la logistique et les entreprises de transport[2]. L’Office fédéral des transports (OFT) a mené et coordonné ce processus participatif et transparent en tenant compte des planifications des cantons et en assurant l’intégration adéquate des entreprises ferroviaires.

Fin novembre 2014, les partenaires de planification ont soumis leurs projets d’offre. Organisés en six régions de planification, les cantons ont défini, par ordre de priorité et de manière contraignante, les objectifs d’offre du trafic régional. L’OFT a chargé les CFF d’élaborer les projets d’offre pour le trafic grandes lignes. Quant à la branche de la logistique et du transport de marchandises, elle a défini ses attentes pour le trafic de marchandises.

L’OFT a ensuite chargé les gestionnaires d’infrastructures d’élaborer un concept d’infrastructure basé sur les projets d’offre. C’est sur cette base que les projets ont été évalués au niveau macroéconomique et classés par ordre de priorité. Les projets sélectionnés ont été ensuite coordonnés et optimisés.

Dans le cadre du FAIF, le Parlement a décidé en 2014 que la prochaine étape d’aménagement devait être transmise au Conseil national et au Conseil des États à la fin 2018. Cela n’allait pas de soi, car le nouveau processus de planification participatif incluait pour la première fois la Confédération, le secteur de la logistique, les cantons et les entreprises de transport ; en outre, le cadre financier de 11,9 milliards de francs dépassait largement les précédents programmes d’aménagement. L’échéancier a pu être respecté grâce à l’effort de tous les participants.

La prochaine échéance proposée par le Conseil fédéral pour une nouvelle étape d’aménagement du réseau ferroviaire est fixée à 2026. Avant de lancer les études de planification, il a mandaté l’OFT pour évaluer le travail accompli et pour actualiser la stratégie du rail à long terme. Parallèlement, plusieurs études préliminaires et de projets ne faisant pas partie de l’EA 2035 seront poursuivies, comme la ligne directe Aarau – Zurich, la gare de passage de Lucerne et le Maillon central de Bâle.

Construire en maintenant l’exploitation, un défi


La mise en œuvre des projets décidés dans le cadre de l’étape d’aménagement 2035 constitue un défi majeur, car il s’agit de réaliser ces mesures tout en maintenant l’exploitation du réseau ferroviaire. En outre, d’autres programmes, comme l’étape d’aménagement 2025, ne sont pas terminés et des travaux de maintien de la qualité des infrastructures devront être réalisés. La réalisation de ces projets sera donc prioritaire dans les années à venir. Les mesures proposées par le Conseil fédéral dans l’EA 2035 tendent vers les limites de ce qui peut être accompli en maintenant une exploitation courante. Des mesures supplémentaires prolongeraient l’horizon temporel de mise en œuvre.

Grâce à la planification roulante et à la stratégie d’aménagement par étapes, des projets jugés pertinents, mais qui, en raison de leurs très longs délais de réalisation, n’ont pas été intégrés au projet, n’ont pas été abandonnés. Leur planification se poursuit même sans décision de construction dans l’EA 2035 et ils pourront ainsi être réalisés dans le cadre d’une future étape d’aménagement.

  1. Perspectives d’évolution du transport 2040, Office fédéral du développement territorial (ARE), 30 août 2016. []
  2. Conformément au nouvel art. 48d de la loi fédérale sur les chemins de fer (LCdF). []

Proposition de citation: Anna Barbara Remund ; Christophe Mayor ; (2019). Équiper le réseau ferroviaire suisse pour l’avenir. La Vie économique, 25 février.