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La chaîne de blocs ouvre de nouvelles perspectives dans la santé

Le secteur de la santé semble particulièrement bien se prêter aux applications de la chaîne de blocs. Le dossier électronique du patient pourrait reposer un jour sur cette technologie.
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Les entreprises pharmaceutiques veulent introduire la technologie de la chaîne de blocs dans la lutte contre la contrefaçon. (Image: Keystone)

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le dossier électronique du patient (LDEP) en 2017, une partie du système de santé suisse doit être numérisé dans le cadre de la stratégie Cybersanté. Le dossier électronique du patient (DEP) permet de gérer dans un univers virtuel les données de traitement du patient – prescriptions, diagnostics, rapports d’analyses, etc. Ces informations doivent être rendues accessibles à tous les acteurs de la santé – médecins, services hospitaliers, établissements médico-sociaux, laboratoires, etc. Le partage de ces informations permet d’améliorer la qualité du traitement des patients et d’éviter la perte d’informations.

La LDEP assigne un cadre réglementaire au DEP, laissant les différents acteurs libres de choisir la solution technique concrète. Mais le temps presse. Tandis que l’utilisation du DEP reste volontaire pour les patients, elle doit obligatoirement être intégrée dans l’offre des hôpitaux dès 2020 et dans celle des établissements médico-sociaux dès 2022. Voilà pourquoi plusieurs acteurs privés, à l’instar du partenariat entre la Poste Suisse et Siemens Healthineers, tentent de séduire les hôpitaux, les établissements médico-sociaux et les cabinets médicaux en leur proposant aujourd’hui plusieurs solutions techniques.

Dans ce contexte concurrentiel, la chaîne de blocs (ou « blockchain ») revient toujours plus souvent au centre des débats, car l’une de ses forces majeures répond à l’une des exigences fondamentales de la LDEP : la décentralisation du stockage et de la gestion des données ainsi que le maintien de la souveraineté des données pour l’utilisateur – le patient dans le cas présent. Les « contrats intelligents » (« smart contracts ») remplissent une autre condition préalable au DEP. Il s’agit d’accords stockés dans la chaîne de blocs qui réagissent dès que certaines conditions préconfigurées sont remplies. Dans le contexte du DEP, les contrats intelligents doivent permettre aux acteurs de la santé d’accéder en temps voulu aux données du patient de manière rapide, simple et transparente.

La pharma découvre la chaîne de blocs


En marge du débat concernant la meilleure technologie pour le DEP, des perspectives s’ouvrent dans bien d’autres secteurs de la santé concernant l’application de la chaîne de blocs. Très récemment, un consortium formé par des représentants de l’Union européenne (UE) et d’un groupe d’entreprises pharmaceutiques[1] s’est constitué sous l’égide du projet européen « Innovative medicines initiative ». Il a annoncé le lancement d’un nouveau programme intitulé « Blockchain-enabled healthcare » et a pour ambition de fixer des lignes directrices techniques contraignantes pour l’introduction de solutions de chaînes de blocs dans le secteur de la santé, à l’instar des normes techniques du consortium World Wide Web pour Internet.

L’industrie pharmaceutique s’intéresse avant tout aux applications liées aux chaînes de valeur autour du développement de nouveaux médicaments et à la logistique de distribution. Des protocoles de chaîne de blocs pourraient ainsi être utilisés dans le cadre du développement des médicaments pour faciliter la gestion des autorisations des patients lors d’études cliniques, de manière transparente et traçable pour tous les acteurs. La technologie permettrait d’assurer la qualité des résultats recueillis. Par ailleurs, elle pourrait aussi se déployer pour l’organisation et le contrôle de vraisemblance des procédures de validation des nouveaux médicaments par les autorités sanitaires.

La filière logistique de la distribution des médicaments pourrait également profiter des solutions de chaînes de blocs pour la vérification des médicaments renvoyés par les pharmacies et les grossistes. Dans la lutte contre la contrefaçon – un problème majeur affectant la vente en ligne de médicaments –, des filières de livraison plus transparentes et plus traçables doivent amener davantage de confiance et de sécurité. Face à la croissance de la vente en ligne de médicaments, les entreprises pharmaceutiques ont un intérêt vital à améliorer efficacement la sécurité de leurs produits et à mieux contrôler les filières logistiques.

Que font les caisses-maladie ?


Alors que la LDEP prévoit un accès au DEP exclusivement pour les tiers intervenant dans le traitement du patient (médecins, hôpitaux ou établissements médico-sociaux), les caisses-maladie en sont fondamentalement exclues – quand bien même le patient le souhaiterait. Elles élaborent donc leurs propres projets de cybersanté, qui s’appuient entre autres également sur les chaînes de blocs. Les applications possibles concernent par exemple le contrôle de vraisemblance, la synchronisation et le contrôle des données d’assurés. D’autres projets visent à traquer les fraudes à l’assurance, touchent à des systèmes de bonus-malus selon certains modèles comportementaux des assurés ou encore à l’aménagement du changement annuel de caisse-maladie dans des conditions simples, rapides et confortables pour les clients.

La technologie de la chaîne de blocs est susceptible de raffermir la confiance dans la numérisation de la santé à différents niveaux et d’améliorer significativement la qualité des soins – que ce soit au niveau de l’administration sécurisée des données du patient et des données de traitement, de l’optimisation de la distribution des médicaments, de la recherche pharmaceutique, de l’amélioration des procédures internes des caisses-maladie, ou encore de l’optimisation des chaînes d’expérience client dans l’assurance-maladie.

  1. Novartis, J&J, Bayer, Sanofi, Astra Zeneca, UCB, Pfizer, Novo Nordisk et Abb Vie. []

Proposition de citation: Morghen, Sandro (2019). La chaîne de blocs ouvre de nouvelles perspectives dans la santé. La Vie économique, 23. avril.