En Suisse, l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées sont des secteurs monopolistiques. Or, tout monopole public ou privé suscite des convoitises. Les redevances des concessions ou les bénéfices escomptés peuvent ainsi servir à renflouer les caisses publiques. Ou alors les prescriptions légales concernant le calcul des émoluments sont si compliquées qu’un seul bureau d’études peut de facto s’y aventurer. Même les installations domestiques étaient jusqu’il y a peu la chasse gardée d’installateurs agréés.
Pourtant, la majorité des distributeurs d’eau travaille bien et à bon prix. Pour le Surveillant des prix, le potentiel d’amélioration est plutôt ailleurs : la forte intensité des investissements fait que l’exploitant ne peut guère influencer les coûts une fois ceux-ci concrétisés. Leur efficacité est donc capitale. Il n’est pas exclu que les distributeurs d’eau aient été autrefois affectés par des ententes sur les prix, courantes dans le secteur de la construction. Des économies devraient donc être possibles dans ce domaine à l’avenir.
Les communes peuvent également influencer l’efficacité des investissements en coordonnant mieux l’assainissement des infrastructures. Il est par ailleurs important que les services de l’environnement soient stricts dans l’application de la législation sur la protection des eaux et du sol afin de garantir l’utilisation des ressources d’eau potable à un coût raisonnable sur le long terme.
La Suisse cultive depuis des décennies l’idée que les réseaux d’eau sont une bombe à retardement. Cela ne se vérifie plus depuis longtemps dans la plupart des régions, mais certaines autorités cantonales obligent encore les communes et les distributeurs d’eau à constituer des réserves élevées dans le souci de préserver l’état des réseaux d’eau potable – ce qui échappe au principe de causalité.
Il faudrait néanmoins instaurer un changement de paradigme pour les investissements vraiment nécessaires : si les privés n’hésitent pas à s’endetter pour construire une maison, de nombreux cantons et communes répugnent à recourir à des financements externes pour les infrastructures d’eau potable et d’eaux usées. Ce blocage est fatal puisque des réserves sans lien opérationnel direct posent un problème beaucoup plus grand du point de vue macroéconomique, car elles réveillent les convoitises sous-jacentes au monopole.
Période favorable aux investissements
La période actuelle est idéale pour investir : jamais les distributeurs d’eau n’ont pu se financer à des conditions aussi favorables, quitte à s’adresser à une autre banque ou à une assurance si la banque habituelle n’offre pas de tarifs avantageux. Les réseaux d’eau sont des placements réputés sûrs.
L’approche suisse – régulation minimale et confiance dans le contrôle démocratique – est fondamentalement juste pour l’approvisionnement en eau. Les recommandations du Surveillant des prix jouent à cet égard un rôle important, puisqu’elles indiquent si les tarifs sont réellement adaptés à la couverture des coûts et à la conservation des valeurs infrastructurelles.
Proposition de citation: Meyer Frund, Agnes (2019). Investissements : un paradigme à repenser. La Vie économique, 22. mai.